Essai enduro

Mega comparatif enduro 2014: 21 machines à  l’essai

Mega comparatif enduro 2014: 21 machines à  l’essai
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Au soir d’une telle journée d’essais, après avoir testé dans les mêmes conditions une grande partie de la production ‘enduristique’, je vous dirai que mis à  part les courbatures, c’était un grand bonheur et un grand privilège d’avoir pu essayer toutes ces motos dans d’aussi bonnes conditions. Que tous les intervenants de cette journée en soient remerciés, à  commencer par le propriétaire des lieux (Michel Wanty, la famille Vukcevik qui a tracé la spéciale et tous les importateurs et accompagnateurs qui ont joué le jeu et qui nous ont fait confiance. Nous leur avons rendu les 21 motos intactes, à  part un levier et une béquille. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir poussé les bêtes dans leurs derniers retranchements…

L’objectif avoué de la journée était donc de dégager les grandes tendances des motos d’enduro modernes. Loin de nous l’idée de vouloir réaliser un classement chiffré avec une gagnante et une perdante car les choses ne sont pas aussi simples. C’est la raison pour laquelle tous les essayeurs ont dà» rendre une série d’appréciations sur tous les aspects qu’une moto moderne doit rencontrer : l’esthétique, les commandes, la position, la prise en main, la maniabilité, la stabilité, les performances du moteur… bref tous ces critères qui différencient les motos et qui font qu’elles vous conviennent (ou pas) ou qu’elles vous sont sympathiques (ou pas). Bien sà»r, nous avons demandé aux essayeurs des appréciations chiffrées car il est extrêmement difficile de rester objectif uniquement avec des mots même si les commentaires que nous avons recueillis tout au long de la journée sont au moins aussi importants. Notre objectif du jour était de répondre à  cette question: quelle moto pour quel pilote ?

Voilà  bien la vraie question : à  quoi va me servir ma moto ? Quel va en être mon usage ? Il est évident que selon le profil et le niveau de chacun, le choix ne sera pas le même. Notre sympathique et charmante essayeuse Elise qui débute l’enduro à  20 ans après avoir fait pas mal de VTT ne va sans doute pas choisir la même machine que Cédric Crémer, pilote professionnel, pour la saison qui s’annonce. Allez, balayons toutes ces marques et voyons quelles tendances se dégagent.

KTM

A tout seigneur tout honneur, commençons par la marque qui est leader du marché depuis de nombreuses années. Les Autrichiens savent faire de belles motos et remportent de nombreux comparatifs depuis longtemps mais est-ce vraiment justifié ? Est-ce que leurs modèles 2014 sont encore dans le haut du panier ? Eh bien oui! De l’avis de tous les essayeurs (quel que soit leur niveau), les KTM sont des motos très bien cotées. Ces machines ont un tel de niveau de maturité et d’efficacité qu’elles ont convaincu absolument tout le monde. L’esthétisme est évidemment un critère personnel sur lequel je ne m’attarderai pas mais, pour le reste, chacun des critères est rencontré avec KTM. Unanimement reconnus par l’ensemble des essayeurs, ce sont d’abord et avant tout les moteurs qui sont mis en avant et cités en exemple comme étant des modèles d’efficacité, de souplesse et de performance. De l’accessible 350 4 temps (qui est personnellement mon coup de cÅ“ur de la journée avec la Sherco 300 4temps) à  la monstrueuse 450 en passant par l’exceptionnel 300 2 temps, les moteurs KTM ont convaincu l’ensemble des essayeurs et ce sans la moindre pièce spéciale pourtant disponible au catalogue en grand nombre. Même si Jérôme Martiny la trouve agréable et facile, il faut bien avouer que la 450 ne pourra réellement être exploitée que par une poignée d’inters (et encore, pas dans une spéciale aussi technique que celle de notre essai). Ce moulin est vraiment fabuleux mais un peu ‘too much’ même s’il est tout à  fait possible de rouler sur un filet de gaz et d’enrouler.

Ce qui est impressionnant avec les ‘oranges’, c’est qu’il y a moyen de remporter le titre inter en réglant simplement les suspensions et la carburation. Tout comme il y a moyen de participer à  des classiques de plusieurs jours sans avoir le dos complètement détruit à  la fin. Donnez une KTM à  un pilote randonneur ou à  un inter et ils trouveront tous les deux leur bonheur. Kevin Gauniaux a fait de la 450 4temps et de la 300 2temps ses coups de cÅ“ur de la journée tandis que Cédric Crémer (pilote KTM) a conclu son appréciation de la journée en disant : ‘’J’ai bien de la chance de rouler sur ma moto… »  Il va de soi que les pilotes étaient priés de ne pas donner d’appréciation sur la marque qu’ils représentent mais rien n’empêchait pour autant un tel commentaire. En fait la seule bonne raison qui pourrait ne pas vous donner envie de rouler en KTM, c’est de vouloir vous différencier. C’est d’ailleurs pour cela que les Autrichiens ont incorporé depuis quelques années une seconde marque dans le groupe, en l’occurrence Husqvarna (après Husaberg, injustement sacrifié). Alors, parfaites les KTM?  »Euh, pas tout à  fait » comme l’a remarqué Laurent Versin. ‘Elles pourraient être munies d’un sabot moteur d’origine… »

Husqvarna

Tout d’abord, que les choses soient claires : une Husqvarna n’est pas une KTM de couleur blanche. Souvent présentées (par ceux qui ne les ont pas encore essayées) comme des copies conformes des belles autrichiennes, les ‘Huskis’ sont pourtant des motos avec une personnalité bien à  part. Ce qui change surtout, c’est la position de conduite qui est vraiment très différente de celle de la KTM ainsi que la largeur des plastiques qui est plus conséquente et qui rend la moto un peu plus pataude (tout est relatif…) d’autant que la suspension arrière est différente et donne une assiette plus plate que sur une KTM. On est donc moins sur l’avant et le résultat global est que l’on est moins dans une philosophie ‘racing’. Le résultat global est que la majorité des essayeurs a un tout petit peu moins bien noté les Husqvarna que les KTM alors que ce sont quand même deux motos très proches. Bien sà»r il n’y a rien de différent au niveau des moteurs qui sont tout simplement parfaits quelque soit la cylindrée. Il reste simplement un peu de boulot du côté de la partie cycle des ‘blanches’ si elles veulent battre les ‘oranges’ et cela même si les suspensions WP sont bien ce qui se fait de mieux en standard aujourd’hui.

Personnellement, la personnalité des Husqvarna m’a un peu troublé: j’aurais préféré que ce soit des KTM blanches même si j’ai apprécié le confort de ces machines et que je me verrais tout à  fait bien à  leur guidon pour faire une Grappe ou une Rand’Auvergne. Un autre point unanimement reconnu et particulièrement souligné par Vincent Parmentier: les Husqvarna sont vraiment superbes…

Beta

Présentes en masse sur l’essai (pas moins de 5 motos), les Beta ont moins convaincu les essayeurs que par le passé même si Thierry Godfroid donne un coup de cÅ“ur particulier à  la 400 (je suis également de son avis). Que se passe-t-il avec la marque italienne ? En fait, rien. Ce sont d’excellentes machines mais elles commencent à  dater un peu alors que la concurrence évolue fort en ce moment. Ceux qui ont jugé ces motos uniquement sur leur aptitude à  la compétition pure et à  la performance ultime ont été un peu sévères non pas parce qu’elles ne vont pas bien mais plutôt parce que les KTM, les TM ou les Sherco sont plus agressives.

Les Beta sont fines, très équilibrées, les moteurs sont performants et agréables (avec une vraie mention spéciale pour le 400 qui est pour moi un compromis parfait et qui a été très bien notée par tous les essayeurs). La stabilité générale n’est pas mauvaise à  part à  petite vitesse dans les cailloux car la fourche continue d’être le point faible de ces motos comme l’a souligné Laurent Versin.

Ces fourches ne sont pas parfaites et demandent vraiment une petite préparation pour ne pas sautiller et rebondir sur la première partie de leur débattement. Ceci étant dit, il faut bien reconnaitre que les Beta 4 temps sont un peu lourdes et on s’en rend bien compte lorsque l’on descend d’une KTM par exemple (ou de la TM) et que l’on monte sur une Beta de même cylindrée.

Concernant les 2T, les avis sont positifs surtout pour la 250 qui a carrément séduit les pilotes moins confirmés. Cette 250 peut aussi aller taquiner le scratch tandis que la 300 n’a pas peur de se mesurer aux KTM et autre Sherco (une fois la fourche ‘débuggée’). Un autre point qui pourrait être amélioré sur ces machines: le confort de la selle qui n’est vraiment pas à  la hauteur. Etant moi-même possesseur d’une 300, je peux vous confirmer qu’en fin de journée les fesses se rappellent à  vous.

Sherco

Cela fait maintenant quelques années que les belles Françaises montent en puissance et se rapprochent du haut du panier. Eh bien, cette fois elles y sont! Tant la 300 2T que la 300 4T ont convaincu les essayeurs sur bien des aspects. Les parties-cycle surtout ont été mises en avant : légères, joueuses, précises, stables… les Sherco sont des motos faciles, efficaces et très bien suspendues même si sur ce plan on ne peut pas juger que la 2 temps car la 300 4T de l’essai était la machine personnelle de Michael Vukcevif et que les suspensions n’étaient pas d’origine.

Et du côté des moteurs ? Quand on veut faire parler la poudre il y a du répondant comme le souligne Laurent Versin qui fait de la 4 temps son coup de cÅ“ur du jour car elle fonctionne aussi bien à  l’attaque qu’en mode plus cool. Je dirais même que pour les plus agressifs, ce sont les seules (avec les TM) qui tiennent la comparaison avec les KTM et les Huskis. Thierry Godfroid et Bernard Magain ont également placé la 4 temps en coups de cÅ“ur tout comme Yves Utens et Cédric Mousin.

Ce qui est impressionnant avec ces nombreux coups de cÅ“ur pour les Sherco, c’est qu’ils ont été donnés par des top pilotes et aussi par des amateurs. Bien sà»r, l’étendue de la gamme Sherco est plus restreinte que KTM ou Husqvarna et malheureusement, la 250 4 temps initialement prévue pour l’essai était finalement absente et nous n’avons donc pu tester que deux machines mais il s’agit de deux vraies réussites. Il y a fort à  parier que la marque française va finalement trouver son public et décoller commercialement (sans doute en grignotant des parts de marché du côté de Beta et de Gas Gas – il s’agit d’un avis personnel).

TM

Alors là , accrochez-vous! Nous entrons dans le domaine de l’exclusif et de la performance pure. Amateurs de confort et de ballades pépères s’abstenir: les TM sont des bêtes à  scratchs taillées pour la compétition. D’ailleurs, de nombreux pilotes inters les ont mises bien en avant comme Cédric Crémer qui a eu de suite un excellent feeling avec elles. Plusieurs ont même fait de la 125 leur coup de cÅ“ur du jour dont Quentin Monfort qui nous dit adorer cette moto. Et il est vrai que cette diabolique petite Italienne est une ‘pousse au crime’ de premier choix. Dommage que nous n’ayons pas eu d’autres 125 à  lui opposer.

Que reprocher à  ces machines ? L’absence de démarreur… oui, sans doute, car tous ceux qui ont possédé une moto avec démarreur le confirmeront: c’est quand même un accessoire très pratique quand on cale le moteur en spéciale ou dans une position acrobatique. Totalement décomplexés à  ce sujet, les gens de TM assument tout à  fait leur choix ‘racing’ et ‘point barre’! De toute façon, la totalité de la production annuelle est vendue chaque année (seulement 1200 motos). C’est donc qu’il y a un public pour ces motos exclusives et réalisées comme des pièces d’orfèvrerie avec de nombreuses pièces taillées dans la masse. Au rayon performance, les choses sont donc claires : ce sont des ‘scratcheuses’! Tout est destiné à  faire des résultats et aucune concession n’est consentie pour soigner le confort ou l’agrément. Les inters ont adoré et les randonneurs… un peu moins!

Gas-Gas

Si les belles espagnoles ont été aux avant-postes de la production enduro il y a quelques années, il faut bien avouer que depuis l’année-modèle 2012 (et le fameux filtre à  air à  cassette qui a failli provoquer la fin de la marque puisqu’il ne fonctionnait pas du tout et qu’il a retardé la livraison des machines de 6 mois), les Espagnoles sont un peu à  la traîne…

Qu’est ce qui se passe? Le moteur n’est pas à  proprement parler à  mettre en cause sur la 300 2T. A part le fait qu’il vibre beaucoup (et cela a toujours été le cas), on ne peut que constater qu’il marche très (trop?) fort dès les bas et moyens régimes comme l’a souligné Christophe Jardon. Non, le problème vient plutôt de la partie cycle qui est un peu dépassée par rapport aux KTM ou à  la Sherco. La 300 est un peu trop ‘camion’ pour espérer aller chatouiller la concurrence en performance pure… Pourtant, c’est une moto qui est bien dans la philosophie enduro comme le souligne Wim Vanderheyden. Elle a son public mais ce même public diminue d’année en année et on ne voit plus beaucoup de Gas-Gas dans les paddocks qui soient d’un millésime récent… Cette moto DOIT évoluer car elle est un peu dépassée.

Concernant la 300 4T, c’est une moto intéressante, performante mais qui n’a pas non plus les armes pour lutter avec les KTM ou les Sherco même si elle présente un beau potentiel. Et la Cami dans tout cela? Parfaite pour la ballade, légère, facile, confortable, il y a tout à  fait moyen d’aller vite avec cette moto si ce n’est pas le scratch que l’on vise. D’ailleurs, Adrien Vandommele, pourtant un pilote de très bon niveau, en a fait un de ses coups de cÅ“ur du jour car il la trouve parfaite pour la randonnée et à  un prix très attractif. Oui, bien sà»r, le prix n’est pas le moindre de ses avantages et il pourrait en décider plus d’un.

AJP

Un peu d’exotisme dans le paysage… Bon, soyons clairs, la 240 n’avait rien à  faire dans ce comparatif. Il s’agissait d’un essai enduro sur une spéciale sablonneuse et cette moto est tout à  fait orientée loisir et destinée à  des débutants qui préfèrent la ballade en chemins (pas trop défoncés) à  une bonne bourre en spéciale. Compétiteurs, passez votre chemin…Par contre, bienvenue aux seniors qui n’ont pas envie de raccrocher le casque au clou, aux débutants ou aux dames qui veulent se balader tranquillement. Principaux avantages : le prix très doux et la faible hauteur de selle!

Et la 250 ? Alors là  on est dans un autre monde car cette machine au demeurant fort bien faite est nettement plus performante que la 240 et elle devrait largement répondre aux attentes de 75% des pilotes. Légère, très facile à  utiliser, bien équilibrée (avec son réservoir d’essence sous la selle) elles nest pas ridicule du tout et propose un excellent rapport qualité prix. Elise Marchal (qui comme son nom l’indique est une demoiselle et qui est aussi une débutante en enduro) en a même fait sa surprise du jour.

Conclusion

Pour conclure, je reprendrais une grande vérité énoncée par Frédéric Nicolay: il n’y a plus de mauvaises motos… il n’y a plus que des mauvais pilotes! C’est tout à  fait vrai. En tout cas pour un amateur comme moi. Je suis certain que si l’on s’était amusé à  prendre des chronos avec chaque machine (mais cela aurait duré une semaine!), j’aurais réalisé des temps très proches avec n’importe quelle machine à  l’exception de l’AJP 240 bien entendu et peut-être de la 125TM vu mon poids et encore ce n’est pas sà»r car sa maniabilité compense le manque de puissance. C’est donc plutôt du côté du PLAISIR qu’il faut aller voir pour faire son choix.

Une remarque plusieurs fois entendue: mais que peut-on réellement faire avec une 450? Elles sont TROP puissantes. A la limite, comme le dit Michael Vuckcevic : ‘’Tu mets la 3ième et tu fais toute la spéciale! ». Qui aujourd’hui est réellement capable d’exploiter ces machines et surtout quel est l’intérêt d’avoir autant de chevaux?

Comme l’a très justement fait remarquer Marc Morales avec beaucoup de bon sens : ‘’Pourquoi avoir un gros moteur si c’est juste pour se servir de 30% de ce qu’il propose? Prends donc un plus petit moulin et ‘tape dedans’, tu t’amuseras mieux et surtout tu seras un pilote qui guide la moto et qui en fait ce qu’il veut et non plus un conducteur qui essaye de suivre ce que la moto lui impose. »

Au passage, merci à  Marc d’avoir fait le déplacement pour notre essai. Pour les plus jeunes, allez donc voir sur internet qui est Marc Morales et surtout quel est son palmarès et vous comprendrez que son avis sur le monde de l’enduro est plus qu’intéressant.

Bonne chance et bon choix à  ceux qui sont sur le oint d’acheter une nouvelle moto et surtout demander à  tester votre future moto avant de l’acheter car cela peut aider.

Texte: Frédéric Sente | Photos: Frédéric David

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