Depuis 1994, Codever défend les droits des pratiquants des loisirs verts motorisés, dont le quad et l’enduro. Si peu d’entre nous se sentent alors concernés par la mission de médiation entre les décideurs politiques et les pratiquants que s’est fixée Codever, la situation a heureusement bien évolué. Un peu par la force des choses, les sports motorisés étant plus que jamais diabolisés et menacés d’interdiction pure et simple dans les forêts wallonnes. Pour Daniel Naveau, président de Codever Belgique depuis 1997, il est temps de réagir énergiquement. Avec la réforme du Code forestier annoncée pour l’automne 2008, c’est même selon lui le moment ou jamais!
Quelles sont les origines du mouvement Codever en Belgique?
Daniel Naveau: « Le mouvement Codever en Belgique trouve son origine dans le Codever français, créé en 1987 en réaction à la loi Lallonde, qui visait à interdire l’accès des chemins forestiers aux engins motorisés. Chez nous, le mouvement est apparu 7 ans plus tard, en 1994, lors de la publication du célèbre décret Guy Lutgen. A cette époque, Pascal Riquette, secrétaire du club de Dinant, se rend compte qu’il n’y a pas en Belgique de réelle cohérence entre les groupes pratiquants l’enduro. Lorsqu’il rencontre le président de Codever en France, celui-ci lui propose de s’inspirer du modèle français pour donner naissance à Codever Belgique. »
Comment Codever se définit-il?
Daniel Naveau: « L’objectif de Codever, c’est de tenter de concilier la pratique du tout-terrain avec le respect de la nature, des riverains et des autres usagers. Au départ, Codever s’intéressait à tous les loisirs « verts » mais il s’est recentré au fil des ans sur les loisirs motorisés car ce sont clairement les plus menacés. »
Combien de personnes représentent aujourd’hui Codever en Belgique?
Daniel Naveau: « Codever Belgique, ce sont 20 personnes actives, quelques centaines de cotisants et quelques milliers de sympathisants. C’est bien, mais certainement pas encore suffisant. »
On sait que Codever est un véritable lobby en France, qui est notamment parvenu à faire en sorte que la circulaire Olin soit censurée. Quel est le poids réel de Codever en Belgique?
Daniel Naveau: « Hélas, nous sommes très loin d’avoir autant de pouvoir de pression que nos voisins français. Nous avons moins d’impact mais la situation s’améliore néanmoins au fil des ans. Les décideurs politiques commencent à prendre en considération nos revendications, nous sommes davantage écoutés aujourd’hui qu’il y a 4 ou 5 ans. Ainsi, rien que depuis le 1er janvier 2008, nous avons déjà reçu une réponse du Ministre Reynders et nous venons de rencontrer Elio Di Rupo lors du salon de la moto à Mons. Tout cela est bien sà»r positif. »
Et au sein des pratiquants, il y a-t-il une volonté de s’unir et de se mobiliser pour défendre ses droits?
Daniel Naveau: « Certains pratiquants ont compris que des mouvements comme le nôtre sont devenus indispensables si l’on veut pouvoir continuer à rouler en tout-terrain mais la mobilisation générale est beaucoup trop faible. Beaucoup ne se sentent pas concernés. L’an passé, notre pétition contre le décret Benoît Lutgen a recueilli 23 500 signatures. C’est trop peu, nous en espérions beaucoup plus. Même l’industrie, à quelques exceptions près, ne nous soutient pas vraiment. Ils oublient sans doute que si l’on ne peut plus rouler, on ne vendra plus de motos… »
Une menace imminente
Vous dites que 2008, c’est l’année ou jamais pour se mobiliser. La menace de voir interdire les motos et les quads en forêt est-elle donc imminente?
Daniel Naveau: « Oui, malheureusement. En automne 2008, le Parlement wallon va discuter, amender et voter le projet de réforme du Code forestier annoncé par le Ministre Benoît Lutgen. C’est donc maintenant qu’il faut se battre pour influencer le vote des décideurs politiques. Si l’on ne bouge pas, on va vers le cumul des décrets Guy Lutgen et Benoît Lutgen. Il faut agir maintenant, après il sera trop tard. Ce sera la fin de la circulation en forêt, qui risque rapidement de s’étendre à l’interdiction de circuler sur les chemins de campagne.
Car, si les chemins forestiers sont généralement éloignés des zones à forte densité de population, ce n’est pas le cas des chemins de campagne, sur lesquels les enduristes et les quads vont se retrouver cantonnés, ce qui va engendrer davantage de nuisances pour les riverains, qui ne manqueront certainement pas de réagir. »
Codever se bat également pour obtenir des circuits permanents de motocross. Qu’en est-il à ce sujet?
Daniel Naveau : « Le Ministre Lutgen voudrait parquer les sports tout-terrain motorisés sur des circuits permanents. Dans ce cadre, un groupe de travail a été créé, dont Codever fait partie. Le gros problème, c’est que, pour la Région Wallonne, un site permanent est un site qui reçoit plus d’une activité par an. Pour les riverains, permanent signifie que l’on va y rouler tous les jours. »
On parle de la création d’un site par province. Est-ce réellement la volonté de Benoît Lutgen?
Daniel Naveau: « Oui, c’est sa volonté. Mais cela sera difficile, car si chacun trouve l’idée positive, rares sont ceux qui sont d’accord d’accueillir ces sites permanents chez eux. Ouvrir de nouveaux sites sera très difficile. Aujourd’hui, Lutgen parle de la réouverture du site de Bierset, qu’il avait lui-même fait fermer. »
Les mouvements écologistes ont actuellement le vent en poupe. N’avez-vous pas parfois l’impression d’aller à contre-courant par rapport à une opinion publique de plus en plus souvent opposée à la pratique des sports moteurs?
Daniel Naveau: « Non. L’écologie est une bonne chose et nous en avons besoin pour aller vers un développement harmonieux et réfléchi de l’activité humaine. Chez Codever, nous ne nous sommes jamais opposés aux mouvements écologistes. Ce à quoi nous nous opposons, en revanche, ce sont ce que nous appelons les « escrologistes », des écologistes fanatiques que tout dérange. Ceux là veulent à tout prix éradiquer la moto tout-terrain et le quad et sont prêts à tout pour arriver à leurs fins. Ce sont généralement les mêmes personnes qui se plaignent du chant du coq ou des nuisances occasionnées par le marché local. Ceux-là trompent l’opinion publique volontairement pour ternir notre image. »
S’il y a des extrémistes parmi les militants écologistes, n’y a-t-il pas également certains comportements « extrêmes » parmi les enduristes ou les quadeurs?
Daniel Naveau: « Evidemment. De moins en moins heureusement, mais nous souffrons encore du comportement irresponsable d’une minorité. L’engouement pour le quad ne nous facilite pas la tà¢che mais nous sommes néanmoins parvenus à conscientiser pas mal de pratiquants. Dans le cadre du salon de la moto et du quad à Ciney ce week-end, nous encadrions la balade tout-terrain proposée par les organisateurs et je dois dire que le comportement des participants a été exemplaire. On sent une réelle évolution. Un des seuls incidents de cette balade a finalement été occasionné par un riverain qui avait effacé le flêchage, ce qui a bien sà»r causé pas mal de confusion… C’est dommage!
Il y a donc bien des extrémistes dans les deux camps et le rôle de Codever est justement de lutter contre ces positions extrêmes afin de trouver un compromis avec les autres utilisateurs de la forêt et les riverains afin de permettre aux motards, aux quadeurs ou aux 4×4 de jouir de leur droit de circuler en forêt. Un droit que Codever considère comme fondamental. »
Pour en savoir plus : www.codever.be
Texte: Olivier Evrard