Interview Gert Kerstinov | Surprise estonienne

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Qui se souvient encore des champions russes d’antan tels les Guennady Moisseev, Victor Arbekov, Vladimir Kavinov et Antonin Baborovsky? Et voici qu’un pilote venu du froid, Gert Krestinow, nous rappelle que le motocross est toujours bien vivant dans les pays d’Europe de l’Est.

Lorsque Gert Krestinov a entamé la saison des GP en 2008, il n’était encore qu’un ‘rookie’ puisqu’il n’avait participé qu’à trois GP lors de la saison 2007. Quelle ne fut pas la surprise dès lors lorsque, après seulement quatorze participations à un GP, l’Estonien remporta son premier GP à Lommel (le lendemain de son dix-huitième anniversaire!)au début du mois d’aoà»t! Un exploit que même une légende comme Stefan Everts n’avait jamais réalisé. En effet, que ce soient Tyla Rattray, Antonio Cairoli, Stefan Everts ou Joël Smets, aucun de ces pilotes n’a remporté un GP si tôt dans sa carrière.

Evidemment, ils furent beaucoup à affirmer que la victoire de Gert était purement accidentelle. En effet, lorsque le petit monde des GP s’embarqua pour l’Afrique du Sud, Krestinov était resté en Belgique où il parcourut des centaines de tours sur le circuit de Lommel, réalisant des temps de plus en plus rapides. Lorsque Tyla Rattray, Tommy Searle et consorts revinrent en Europe après le GP d’Afrique du Sud, Krestinov travaillait dur sa condition physique et il avait déjà bien en tête toutes les bonnes trajectoires du circuit de Lommel. Ce qui explique cette fameuse surprise créée par Gert.

Maintenant, il faut bien reconnaître que les Estoniens sont passés maîtres dans ce genre de surprises. Demandez à Avo Leok, l’oncle de Tanel Leok. En 1997, il avait également remporté le GP 500cc de Lommel à la surprise générale. Au décompte final du championnat, Leok avait terminé seizième, les trente points gagnés à Lommel intervenant pour plus de la moitié du total des points accumulés sur tout le championnat! Avant son jour de gloire dans le bac à sable de Lommel, Krestinov totalisait seulement 35 points. Cependant, après sa victoire et grà¢ce à une confiance considérablement accrue, l’Estonien est parvenu à engranger un supplément de 44 points lors des quatre GP restants. La saison prochaine, Gert Krestinov roulera en MX1. En effet, il affirme se sentir mieux sur une 450… C’est donc un Krestinov piaffant d’impatience que nous avons rencontré…

Je me souviens que, voici pas mal d’années, ton père avait roulé au Motocross des Nations. Tu as des souvenirs concernant la carrière de celui-ci?

Gert Krestinox: « Mon père était effectivement un pilote de GP. Son meilleur résultat fut une septième place au GP de Belgique en 1986, je crois. Mon père faisait partie de l’équipe de l’Union Soviétique. Celle-ci était composée de quatre pilotes. Il a été sélectionné plusieurs fois dans cette équipe. Il a mis un terme à sa carrière de pilote en 1994 mais il s’est remis à rouler en 1996 pour le compte de l’équipe nationale d’Estonie parce que l’Estonie ne possédait pas beaucoup de bons pilotes. Lorsque Tanel Leok a percé, mon père s’est définitivement retiré. De 1996 à 1999, il a chaque fois été sélectionné pour le Motocross des Nations. »

Le motocross ne t’était donc pas étranger. Comment as-tu commencé à rouler?

Gert Krestinov: « J’ai commencé à rouler à l’à¢ge de trois ans. Mon père m’avait acheté un PW 50cc. J’ai participé à ma première course à l’à¢ge de quatre ans et on ne peut pas dire que mes débuts en compétition furent brillants puisque j’ai terminé dernier. Les premières années, je roulais vraiment pour le plaisir. Je n’avais aucun sens de la compétition. »

Comment les choses se sont-elles déroulées par la suite?

Gert Krestinov: « J’ai participé à un certain nombres d’épreuves en Tchéquie ainsi qu’en Belgique. Mon père et moi, nous constations que mes résultats allaient en s’améliorant. En 2004, j’ai terminé second du championnat du monde Juniors, derrière Zach Osborne. Je suis ensuite monté en 125cc parce que j’étais trop vieux pour encore rouler en 85cc. Je suis alors allé m’entraîner aux Etats-Unis chez Jim Holley. Il s’agissait d’entraînements principalement axés sur la condition physique mais cela m’a surtout permis de me gérer seul. En 2006, j’ai terminé second du championnat du monde Juniors MX2, cette fois derrière Joël Roelants. »

Tu viens de dire que tu as travaillé avec un ancien pilote de GP, Jim Holley. Comment les choses se sont-elles passées avec lui?

Gert Krestinov: « J’ai adoré travailler avec Jim. Il avait roulé à la même époque que mon père et c’est quelqu’un de très amusant. En fait, c’est par une connaissance aux Etats-Unis que je suis arrivé chez Jim. C’était la première fois que je m’éloignais de ma famille. En outre, je parlais à peine l’anglais. Les Estoniens sont des gens plutôt réservés et calmes tandis que Jim est quelqu’un de totalement extraverti. Il n’arrête pas de parler. Il m’a vraiment beaucoup aidé. Une fois, il m’a obligé à répondre à une interview devant deux mille personnes! »

Tu es connu pour être un garçon tres posé, un peu comme Tanel Leok. Etais-tu beaucoup en contact avec Tanel lorsque tu étais plus jeune?

Gert Krestinov: « J’essaye d’être plus ouvert vis à vis des gens mais, tu as raison, je suis tout à fait comme Tanel. Celui-ci est mon idole. Lorsque je roulais en 50cc, Tanel et Aigar étaient les vedettes en 85cc. J’ai continué à les suivre lorsqu’ils ont fait leurs premiers pas en GP. Je n’arrive toujours pas à croire que je suis le premier de notre petit groupe à avoir remporté un GP! »

Tu peux nous raconter comment s’est passé ton début de saison en 2007?

Gert Krestinov: « Lors de mon tout premier Grand Prix à Valkenswaard, j’étais première réserve et je n’ai pas roulé. Lors du GP suivant, à Bellpuig, j’ai roulé et j’ai marqué mon premier point en GP. Ensuite, à Agueda puis à Mantova, je ne suis pas parvenu à me qualifier. J’étais à nouveau réserviste à Teutschenthal mais je suis tombé lors du tour de reconnaissance et je me suis fracturé la jambe. Je suis resté deux semaines hospitalisé en Allemagne. Il s’agissait d’une vilaine fracture et les médecins me disaient même que je pourrais perdre l’usage de ma jambe. Ce ne sont pas des choses agréables à entendre! »

‘Ma victoire à Lommel? J’avais roulé non-stop sur ce circuit pendant deux semaines!’

Cette année, il y a eu cette surprenante victoire à Lommel. Comment as-tu joué ton coup?

Gert krestinov: « Au début, j’espérais une place dans les dix premiers mais, pendant que les autres pilotes étaient partis disputer le GP d’Afrique du Sud, je me suis pratiquement entraîné deux semaines non-stop à Lommel. J’avais donc un avantage sur mes concurrents, d’autant plus que j’ai toujours été bon dans le sable. J’étais donc bien préparé, même si je ne me sentais pas à mon meilleur niveau ce jour-là. Cependant, lorsque je roule dans le sable, je sais que je peux rouler vite. Sur les terrains durs, je suis conscient que je dois encore m’entraîner beaucoup. C’est pour cette raison que je vais partir m’entraîner cet hiver en Espagne et en Italie. »

On ne peut pas dire qu’à Lommel, les choses se sont pourtant déroulées sans problèmes pour toi car tu es tombé deux fois lors de la manche d’ouverture et, en outre, tu craignais de ne pas avoir assez d’essence…

Gert Krestinov: « J’étais extrêmement nerveux durant la course, surtout du fait que j’avais constaté que de nombreux pilotes étaient tombés à court d’essence dans la phase finale. Le team m’avait d’ailleurs panneauté afin que je réduise le rythme et que je puisse économiser l’essence. Dans ces cas-là, tu ne peux qu’être nerveux! »

Tu as parlé à Tanel après ta victoire à Lommel?

Gert Krestinov: « Tanel est venu me féliciter directement après ma victoire. Nous sommes très amis et je pense surtout qu’il était heureux que je sois le premier Estonien de notre génération à remporter un GP. Je crois aussi que ma victoire a été pour lui une excellente motivation pour sa propre victoire au GP d’Irlande. »

Quelles ont été les réactions chez toi, dans ton pays?

Gert Krestinov: « C’est incroyable le nombre de sms et d’appels que j’ai reçus! Mon père était plus heureux que moi. Il se trouvait d’ailleurs en larmes sur le podium. »

Tu travailles avec le double champion du monde John van den Berk. Quel est son apport dans ta carrière?

Gert Krestinov: « C’est certain que sans l’aide de John van den Berk, je n’aurais jamais remporté le GP de Lommel! Cela fait maintenant deux ans que je travaille avec John et cela se passe très bien entre nous. Il connaît mes points forts et mes points faibles et il va certainement faire en sorte que je puisse atteindre un niveau plus élevé en 2009. J’ai également un coach qui m’aide sur le plan du mental et lui aussi m’a énormément aidé. Je constate que depuis notre collaboration, mes résultats vont en s’améliorant. »

Après le GP de Lommel, tu n’as engrangé que sept points au GP de Tchéquie, à Loket. Tu n’étais pas trop déçu?

Gert Krestinov: « Je suis conscient que tout le monde s’attendait à ce que je fasse une belle course là-bas aussi mais, en ce qui me concerne, je savais que cela serait difficile sur un circuit en dur. C’est vrai que j’espérais figurer deux fois dans le top-quinze, hors je n’ai fait que dix-huitième et quatorzième, ce qui n’était pas bon. »

Quels ont été les autres GP qui sortent du lot pour toi en 2008?

Gert Krestinov: « Je me sentais bien à Lierop et j’ai pu rouler en tête durant quelques tours. Ensuite, j’ai accusé un gros coup de fatigue et j’ai perdu pas mal de places. Je me sentais costaud en Irlande ainsi qu’à Mantova où j’ai bien roulé (Mantova et Lierop sont des circuits en sable tandis qu’en Irlande, le sous-sol est sablonneux, Ndlr). »

‘Mon passage en MX1? Je suis trop grand pour rouler sur une 250!’

Quel point faible dois-tu encore améliorer?

Gert Krestinov: « Je crois que je dois être un peu plus agressif, certainement lors des premiers tours durant lesquels je reste trop sur la défensive. Il faut également que je travaille mes départs. En fait mon style de pilotage convient mieux au MX1. Je suis en effet très grand et je me sens mieux sur une 450cc que sur une 250. Ce qui explique mon passage en MX1 en 2009. »

Tu effectues donc le grand saut cette année. Ce n’est pas trop tôt alors que ton expérience en GP remonte à deux ans à peine?

Gert Krestinov: « En 2008, seuls quelques pilotes ont pu remporter un GP en MX2 et j’étais donc heureux d’appartenir à ce petit groupe. Rouler en MX1 sera certainement plus ardu. Mon objectif est de terminer aux environs des top-quinze ou top-vingt. Espérer davantage me semble irréaliste compte tenu de la qualité des pilotes en lice. Je pourrais peut-être à nouveau créer la surprise sur le sable. Pour le reste, la saison qui vient sera essentiellement une saison d’apprentissage. »

Tu as participé l’an dernier au Motocross des Nations mais les choses ne se sont pas déroulées comme escompté, pas vrai?

Gert Krestinov: « C’était ma seconde participation au Motocross des Nations. Après Budds Creek, je savais à quoi m’attendre à Donington Park. En première manche, j’ai bien roulé. Pratiquement au même rythme que Shaun Simpson. Malheureusement, à deux tours de la fin, j’ai fait une violente chute et le week-end était terminé pour moi. Je peux m’estimer heureux de ne pas m’être blessé sérieusement. »

Quels sont tes espoirs à long terme? Devenir le premier champion du monde estonien?

Gert Krestinov: « C’est évident que j’espère devenir un jour champion du monde mais mon premier objectif est d’entrer dans un top team d’usine. Chaque pilote rêve de devenir champion du monde… J’ai déjà souffert de nombreuses blessures lors de ma jeune carrière, ce qui explique que je suis encore trop faible sur les circuits en dur. »

Texte: Geoff Meyer

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