Interview Kevin Strijbos | « Cette année ou jamais! »

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Kevin Strijbos a connu une saison 2008 catastrophique. Une blessure et une moto qui ne tournait pas comme il le souhaitait ont fait passer notre compatriote complètement à l’arrière-plan l’an dernier. A un tel point qu’on s’est même posé des questions sur son avenir en motocross… L’ancien protégé de Suzuki est toutefois parvenu à rebondir en signant avec le team Honda Martin. L’équipe italienne a la réputation de remettre les pilotes bien en selle. Nous en voulons pour preuve le cas de Marc de Reuver qui se trouvait dans le trente-sixième dessous avant de rejoindre Honda Martin.

Comment ça va, maintenant, Kevin?

Kevin Strijbos: « Bien. J’ai terminé ma première semaine de préparation qui en compte sept, en vue d’être prêt pour la saison 2009. Tout se déroule comme prévu. Je passe un check-up régulièrement chez mon médecin et tout est en ordre sur le plan physique. La préparation se passe même mieux que les années précédentes. »

La saison écoulée a ressemblé à un enfer pour toi…

Kevin Strijbos (sourire): « Cela en effet une saison qu’on peut appeler ‘difficile’. En 2007, j’avais peut-être eu tort de quitter le team Suzuki mais c’est un choix que j’ai fait. Les choses se seraient peut-être mieux passées si je n’avais pas eu cette blessure à l’épaule. Suite à cela, je n’avais pas pu me préparer suffisamment, de sorte que je me suis immédiatement retrouvé dans dans un grand état de stress. Ma blessure était bien là et il n’y avait rien que je puisse y faire. »

La collaboration avec Kawasaki a été particulièrement problématique. Ce n’était pas ce que tu espérais. Qu’est-ce qui s’est passé au juste, car nous avons l’impression de n’avoir jamais connu le fond de l’histoire?

Kevin Strijbos: « En effet, tu ne connais pas toute l’histoire. Oui, qu’est-ce qui n’a pas été… Les problèmes à l’épaule ont été un peu la goutte qui a fait déborder le vase. En fait, à ce moment-là, je savais déjà qu’on n’aurait pas une bonne moto pour rouler dans le sable. J’avais déjà souvent signalé ce problème au team mais ils m’assuraient que tout aller rentrer dans l’ordre. Cependant, une semaine avant Valkenswaard, nous devions notamment aller tester les suspensions. Je n’étais pas content des à–hlins. Je ne sais pas pourquoi mais les suspensions ne me plaisaient pas. Nous nous sommes ensuite rendus à Grevenbroich pour essayer toutes sortes de suspensions. Solva, Showa et toutes les autres marques étaient présentes. En fin de compte, je me suis décidé pour des suspensions standards parce que je les trouvais meilleures. Tu ne peux pas tester tout en un après-midi. A Valkenswaard, cela n’a pas été. Je trouvais que le moteur manquait de puissance. La semaine avant le GP d’Espagne, j’ai reçu l’autorisation d’essayer les motos d’usine de Tanel (Leok) et de Manuel (Priem). Les essais ont été très concluants et tout semblait donc être rentré dans l’ordre. Jusqu’à ce que je m’occasionne cette blessure au pouce en Espagne. La saison était finie pour moi. »

« Je ne suis peut-être pas facile à gérer… »

Après un départ de chez Suzuki qui ne s’était pas déroulé dans les meilleurs termes et une saison difficile chez Kawasaki, certains ont déclaré que Kevin Strijbos était quelqu’un avec lequel il était difficile de travailler. Qu’as-tu à dire pour ta défense?

Kevin Strijbos: « C’est peut-être vrai. La décision de quitter Suzuki était due à des raisons un peu spéciales. Je ne pouvais plus travailler avec une personne en particulier. En ce qui concerne Kawasaki, les problèmes étaient d’un autre ordre. »

Au milieu de tout ce tumulte, j’imagine qu’il n’était pas facile de se concentrer sur les courses?

Kevin Strijbos: « A la fin, cela n’allait plus du tout. Durant la semaine, je ne recevais même plus une moto pour pouvoir m’entraîner. Je pouvais seulement rouler le week-end. Ce n’est évidemment pas l’idéal pour bien se préparer en vue des GP. J’aurais bien sà»r souhaité que tout se déroule pour le mieux et je me suis vraiment efforcé de faire en sorte qu’il en soit ainsi mais cela n’allait tout simplement pas. Su tu ne t’entraînes pas pendant la semaine, tu ne peux pas espérer des miracles lors des GP. Tu roules comme je l’ai fait notamment à Loket où j’ai réalisé le vingt-et-unième temps de sorte que le GP était déjà pratiquement terminé pour moi le samedi. Lors du GP d’Irlande, j’ai vraiment touché le fond. Le circuit n’était déjà pas terrible mais, en plus, la moto n’avançait pas. Les gens de chez Honda Martin sont alors venus me trouver pour me dire de ne pas prendre des risques inutiles, m’assurant que, malgré les problèmes que je connaissais avec Kawasaki, ils avaient bien l’intention de travailler avec moi à l’avenir. Ce fut pour moi un soulagement car je n’avais encore reçu aucune offre pour 2009 à ce moment-là. Dès que Honda a donné son feu vert pour mon engagement, j’ai décidé de mettre un point final à ma saison. »

Tu as dà» être très heureux à ce moment-là?

Kevin Strijbos: « Enormément! Surtout après la saison pourrie que je venais d’endurer. »

Tu travailles depuis peu avec Marc Herremans comme préparateur physique. Comment avez-vous décidé de travailler ensemble?

Kevin Strijbos: « Nous avions déjà collaboré voici environ deux ans mais cela ne s’était pas bien passé. Je n’étais peut-être pas non plus assez coopératif en ce sens que je ne m’entraînais pas beaucoup. Je trouvais que les entraînements étaient trop durs. Depuis lors, mon opinion a changé à ce sujet. Aussi, voici deux mois, j’ai repris contact avec Marc et les choses se passent maintenant très bien entre nous. Je n’ai pas encore manqué le moindre entraînement et je ne trouve plus que ceux-ci sont trop durs (sourire). »

Comment se passe une semaine d’entraînement?

Kevin Strijbos: « Je m’entraîne deux fois par semaine avec Marc sur le circuit ‘de Molenbergen’, les jeudi et samedi matin. L’entraînement est très poussé mais, comme Marc fait les mêmes exercices que moi, cela paraît moins éprouvant. »

Lors de la saison dernière, tu essuyais revers après revers. Je suppose que ton état était au plus bas?

Kevin Strijbos: « C’est le moins qu’on puisse dire! Durant la semaine, je n’arrivais plus à me motiver pour aller à l’entraînement. Le wee-end, j’essayais de positiver et d’évacuer autant que possibles tous mes problèmes. Pourtant, j’avais à peine terminé mon premier tour de circuit que je savais que les choses ne se passeraient pas bien. »

 » La Kawa de série roulait mieux dans le sable que la Kawa d »usine… « 

Lors du Championnat de Belgique, à Beervelde, tu m’avais dit que tu préférais rouler avec une Kawasaki de série que de rouler avec la machine d’usine. Comme déclaration tapageuse, on peut difficilement faire mieux!

Kevin Strijbos: « C’est vrai, mais c’était effectivement le cas. Je l’ai d’ailleurs toujours dit. La moto de série roule mieux dans le sable que la moto d’usine. La Kawa de série n’était sans doute pas complètement aboutie mais elle constituait une excellente base pour entamer des développements. Le team n’était pas de mon avis. Ils affirmaient disposer d’un moteur pour le sable et je l’aurais volontiers essayé mais, en fait, ce n’était pas le cas. »

On peut comprendre que, lors du premier GP à Valkenswaard, tu n’étais pas prêt. Cependant, lorsque qu’on a constaté que Seb Pourcel semblait également rencontrer des difficultés, on pouvait se poser des questions à propos du GPKR Team qui, pourtant, avait jusqu’alors donné une image très professionnelle.

Kevin Strijbos: « C’est vrai que cela peut surprendre. Pourtant, je voyais les choses arriver. De l’extérieur, je peux comprendre que les gens aient été étonnés mais, en ce qui me concerne, je m’étais très vite rendu compte que les choses ne se passeraient pas bien avec ce team. Tout d’abord, c’est vrai que les années précédentes, ils avaient travaillé de façon différente. Moi, je pensais entrer dans un team très professionnel mais ce n’était pas le cas. Je devais en permanence demander certaines choses. En plus, ma manière de travailler ne leur convenait pas. Peut-être n’avaient-ils pas bien anticipé certains problèmes… »

Il faut dire que tu venais d’un des teams les mieux structurés dans le paddock des GP, le team d’usine Suzuki et tu entrais dans un team satellite de Kawasaki puisqu’il était évident que le soutien de l’usine irait à Tanel Leok et à Manuel Priem. Tes attentes n’étaient-elles pas trop élevées?

Kevin Strijbos: « Non, je ne crois pas car ils nous avaient dit que Seb et moi pourrions disposer du matériel d’usine. Dès ce moment, tu ne te soucies pas de faire partie d’un team d’usine ou d’un team satellite. Pour autant que tu reçoives le bon matériel. C’est vrai que lorsque, après Valkenswaard, je suis allé m’entraîner avec la moto de Leok à Lommel, je me suis rendu compte qu’il y avait un monde entre nos motos respectives. Cela te mine le moral et, mentalement, les choses deviennent plus difficiles. »

C’est au moment où tu reçois l’autorisation de rouler avec la moto du team d’usine que tu te blesses au pouce…

Kevin Strijbos: « J’étais impatient de pouvoir essayer cette moto. Je me sentais très bien à son guidon. Il restait quelques réglages minimes à effectuer mais cela n’avait rien à voir avec les problèmes que j’avais connus les mois précédents. C’est lors de la deuxième séance d’essais libres à Bellpuig que j’ai fait cette chute stupide. J’ai immédiatement senti la douleur mais j’ai continué à rouler. Le docteur italien qui était présent sur le circuit m’a donné l’autorisation de rouler le dimanche mais il se doutait qu’il y avait quelque chose qui n‘allait pas. J’avais pris des anti-douleur et je me sentais capable de prendre part à la course. Malheureusement, les choses ne se sont pas déroulées comme je l’espérais. En effet, je pouvais à peine tenir mon guidon. Encore une chance que le terrain était boueux, sinon j’étais bon pour un billet de parterre. Le lundi, je suis allé voir le docteur Toon Claese qui diagnostiquait que je devais me faire opérer.

La saison prochaine, tu seras le co-équipier de Marc de Reuver. Marc nous a dit que votre collaboration se passait bien. C’est réciproque, je suppose?

Kevin Strijbos: « Tout à fait. C’est un compagnon agréable. En plus, nous parlons la même langue, ce qui rend les choses plus faciles. Voici deux semaines, nous nous sommes rendus ensemble en Italie afin de voir à quelles épreuves nous allions participer. Il ne nous a pas fallu longtemps avant de tomber d’accord sur le fait que nous participerions tous les deux aux mêmes épreuves. Ce qui est par ailleurs plus facile pour le team. Marc est un bon pilote. Lorsqu’il est en forme, il est très difficile à battre en GP. Son problème est de rester constant, à mon avis (c’est aussi celui de Marc, NDLR). Ce mois-ci, nous partons nous entraîner en Italie et je crois que nous progresserons pas mal tous les deux, je pense. »

Vous êtes, Marc et toi, pratiquement du même niveau et vous allez donc poursuivre le même objectif. Marc estime que cela ne devrait pas poser de problèmes au sein du team.

Kevin Strijbos: « C’est également mon avis. J’ai toujours travaillé avec des concurrents sérieux au sein du même team et cela n’a jamais engendré de difficultés majeures. C’était un peu différent la saison dernière, vers la fin. En effet, Sébastien (Pourcel) ne m’adressait plus la parole. Avec Steve Ramon et Joël Smets, par contre, il n’y a jamais eu de difficultés sur le plan relationnel. »

Marc et toi, vous avez déjà été dans une situation de rivalité aigà¼e, notamment lors de la saison 2001 lorsque vous vous disputiez le titre de champion d’Europe, titre que tu as d’ailleurs remporté lors d’une finale mémorable, à Vantaa, en Finlande. Est-ce encore parfois un sujet de conversation entre vous?

Kevin Strijbos (sourire): « Oui, cela nous arrive encore d’en parler. Avant la dernière manche, Marc possédait onze points d’avance sur moi et il lui suffisait de se classer parmi les cinq premiers pour remporter le titre. Lors de la dernière manche, j’ai réalisé le holeshot et, dans le second virage, Marc a voulu me passer mais il est tombé. Il a encore chuté une fois par la suite et il a ainsi perdu le titre. Aujourd’hui, il nous arrive, en blaguant, d’évoquer cet épisode heureux pour moi mais dramatique pour Marc. »

Comment se sont déroulés les premiers tests sur la Honda?

Kevin Strijbos: « Nous n’avons pas encore effectué de véritables tests. Je n’ai roulé qu’une petite journée sur le circuit de Mantova. Cela a été l’occasion de régler un peu les suspensions mais les moteurs doivent encore arriver. En ce qui concerne les sensations, c’est très bon. En plus, la nouvelle Honda se laisse piloter facilement. »

 » 2009 doit être mon année! « 

La saison qui vient sera en ce qui te concerne une année de vérité! Même si tu as signé un contrat de trois ans avec Honda, un pilote de ta trempe ne peut se permettre de répéter une saison comme celle que tu as connue en 2008…

Kevin Strijbos: « Certainement pas. Je suis bien conscient également que cela doit être mon année ou jamais. Cela me rend un peu nerveux car cela fait maintenant un bout de temps que je n’ai plus roulé en compétition. Je sais que je peux le faire mais je préférerais en être assuré. Il ne fait pas de doute que les premières épreuves seront importantes pour moi car c’est alors que je pourrai acquérir une bonne confiance en mes moyens. Maintenant, un mauvais résultat à Mantova ne doit engendrer aucune panique. Ce serait trop tôt car il restera alors encore six semaines avant que la saison de GP débute effectivement. Quoiqu’il en soit, c’est toujours excellent pour le moral de connaître de bons débuts. »

Nous traversons actuellement une crise économique grave. Dans le sport-moteurs, on entend parler de coupes sévères dans les budgets. Honda a même retiré son team de la F1. N’as-tu pas eu peur, à un moment donné, que Honda ne ferme carrément son département sportif?

Kevin Strijbos: « Non, pas vraiment. Je ne crois pas que cela puisse arriver. Rien n’est bien sà»r impossible mais, en ce qui me concerne, je n’ai jamais entendu la moindre rumeur à ce sujet. »

Comment vont se dérouler pour toi les semaines qui précèdent les GP?

Kevin Strijbos: « Je dois être en Italie le 8 janvier et j’y resterai jusqu’au Starcross de Mantova afin de pouvoir m’entraîner et effectuer des tests. Les nouvelles motos arrivent le 26 janvier. Les ingénieurs japonais arriveront en même temps. Comme tu le vois, il reste encore pas mal de tests à effectuer. Après Mantova, arriveront les épreuves de Grobbendonk, Valence, Hawkstone Park plus encore deux épreuves comptant pour le Championnat d’Italie. Nous aurons un week-end de repos avant le GP de Faenza. »

Tu ne dois pas participer à l’entièreté du Championnat d’Italie?

Kevin strijbos: « Non, mais ces deux courses en Italie constituent une excellente préparation juste avant le GP de Faenza. Je crois aussi qu’il y aura de nombreux top-pilotes à ces deux épreuves. »

Le titre mondial reste plus que jamais ton objectif principal, si je comprends bien?

Kevin strijbos: « Absolument. Même si je suis un peu impatient d’en découdre, je ne veux pas me mettre trop de pression. Si je termine le premier GP en sixième ou en septième position, je ne paniquerai certainement pas. Ce n’est plus mon genre. Dans ce type de situation, il faut rester calme et continuer à travailler. »

A part le Championnat du Monde, quel est ton programme?

Kevin Strijbos: « Avec Marc, nous participerons à toutes les épreuves du Championnat de Belgique ainsi qu’aux épreuves de Westerlo et de Wuustwezel. Marc doit encore participer aux deux dernières épreuves du Championnat de Hollande, ce qui n’est pas mon cas. Je devrais arrêter ma saison après le Motocross des Nations. »

A partir de quel moment considéreras-tu que ta saison est réussie?

Kevin Strijbos: « Pour autant qu’elle soit meilleure que ma saison 2008. Je sais ce que je veux mais je ne le dirai pas, si tu le permets. Les années précédentes, j’avais l’habitude de raconter à tout le monde quels étaient mes objectifs mais ce n’est désormais plus le cas. C’est évident que le titre de champion du monde est un objectif en soi mais je vais surtout essayer de faire tout simplement une bonne saison, sans blessures ou autres problèmes. Le championnat du monde comptera des pilotes de gros calibre comme Cairoli et d’autres. Il y a longtemps que je n’ai plus couru et je ne sais donc pas si j’ai la vitesse. Il est pratiquement certain que Marc sera un peu plus rapide que moi au début mais je ne devrai pas trop m’en inquiéter. Je ne me suis jamais entraîné comme je l’ai fait cette année et je dois dire que je me sens très bien dans ma peau, ce qui est un plus. »

Texte: Tommy Ivens | Photos: FVH & O. Evrard

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