Interview Giuseppe Luongo | Youthstream gère le championnat MX le plus relevé de la planète

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Giuseppe Luongo est le président de Youthstream, la société promotrice du championnat mondial de motocross et il agit pour le compte de la FIM (Fédération Internationale de la Moto). Dans l’interview ci-dessous, Luongo nous explique comment Youthstream gère le championnat de motocross le plus relevé au monde.

Le championnat du monde semble un championnat réservé à une élite. Ce concept est-il justifié?

Giuseppe Luongo : ‘’C’est comme cela que cela doit être. Le Championnat du Monde est le sommet de la pyramide avec une base composée de championnats nationaux. Fondamentalement, ce championnat qui donne une visibilité totale aux pilotes qui veulent y participer ainsi qu’aux teams qui veulent y figurer est réservée à l’élite, à la crème du motocross et pas au premier venu. Par contre, les championnats nationaux constituent la base. Je le répète pour qu’il n’y ait pas de confusion: le championnat MXGP est destiné à ‘la crème de la crème’ : les meilleurs pilotes, les meilleurs teams, les meilleures motos, etc. Je pense que c’est assez compréhensible. Je n’ai jamais vu un jeune – ou un vieux, peu importe – pilote qui est rapide et talentueux ne pas être accepté dans le FIM Motocross World Championship. »

Ne court-on pas le risque, en adoptant cette approche, de se retrouver avec trop peu de pilotes et de teams?

GL: ‘’ Si le MXGP est réservé à une élite, c’est parce qu’il y a déjà eu une sélection à partir d’un groupe plus large. Plus le niveau moyen est élevé, plus dur ce sera de participer au MXGP mais, en final, on trouvera toujours des teams pour participer. En 2010, Youthstream veut avoir moins de teams, pas à cause de la crise, mais parce qu’ainsi le niveau des courses sera meilleur. »

C’est-à dire 40 pilotes sur la grille?

GL: ‘’Lorsque nous avons instauré la règle selon laquelle il n’y aurait pas plus de 40 pilotes au départ et que nous avons mis sur pied les manches de qualification le samedi, on a immédiatement assisté à une augmentation de la concurrence et à un accueil favorable de la part des supporters qui peuvent voir de véritables courses dès le samedi. Ce règlement restera d’application l’an prochain mais nous voudrions qu’il n’y ait plus que 30 pilotes qualifiés en MX1 afin de rendre le niveau plus homogène. »

Pourquoi seulement le MX1?

GL: ‘’ Le MX2 est une sorte d »escalier’ qui permet d’accéder au MX1 et il y a de nombreux pilotes qui possèdent une bonne vitesse tandis qu’il y en a sept ou huit qui viennent chaque année en provenance des championnats nationaux. Le MX1 est le sommet de la pyramide et il est destiné exclusivement aux pilotes qui sont passés à travers une sélection rigoureuse. En outre, il n’y a en fait que quelques pilotes qui possèdent le talent nécessaire pour rouler à ce niveau avec des 450CC. De plus, le MX2 est une catégorie destinée aux jeunes pilotes qui doivent mà»rir et acquérir un peu d’expérience avant de pouvoir prétendre rejoindre le MX1. Cela n’a pas de sens pour un pilote de rester en MX2 s’il est capable de rouler en MX1. C’est pourquoi nous avons instauré une limite d’à¢ge en MX2. Il doit exister des différences entre le MX1 et le MX2 car il n’existe aucun sport au monde où deux championnats sont pratiquement identiques. »

Ce nouveau règlement ne dérange-t-il pas les teams qui doivent procéder à des changements de pilotes à cause de la limitation d’à¢ge?

GL: ‘’Il n’y a aucune règle nouvelle. Les teams remplacent constamment leurs pilotes; ils y sont habitués, en fait. Nous avons annoncé cette règle en décembre 2007 et je suppose dès lors que tout le monde a eu le temps de s’organiser pour 2010. Les plaintes viennent de certains teams qui n’ont pas su se préparer à la nouvelle réglementation. Ceux-là n’ont pas leur place en MXGP. »

Que voulez -vous dire précisément lorsque vous parlez de la structure pyramidale?

GL: ‘’ Nous prétendons promouvoir non seulement le MXGP mais également le motocross en général. Notre management s’occupe de toute une série de championnats qui sont utiles pour que notre sport continue à se développer. La base de la pyramide est constituée par des championnats destinés aux 65CC et aux 85CC, aux 125-2T ou aux 150-4T, sans oublier le championnat d’Europe EMX2 (250 4-T). Youthstream gère en effet les championnats d’Europe. Tous ces championnats révèlent de nombreux talents. Cela est démontré par les statistiques. »

Le dopage pourrait être un moyen pour n’avoir pas à franchir toutes ces étapes…

GL: ‘’J’ai moi-même été un pilote; je suis fier de nos pilotes et je respecte le fait qu’ils travaillent dur et qu’ils font des sacrifices. Je suis outré lorsque j’entends de telles rumeurs parce que cela veut dire qu’il y a des gens qui sous-estiment tous ces efforts faits par nos pilotes. La FIM est très transparente sur ce point. Elle procède à des contrôles et communique les résultats par le biais d’un communiqué de presse dont tout un chacun peut dès lors prendre connaissance. Si un pilote a été trouvé positif suite à la prise de substances interdites, il est sévèrement puni. Parler de dopage dans notre sport sans preuves ne constitue que des ragots et cela fait du tort à notre sport Je suppose que ces ragots sont colportés par des gens qui sont moins talentueux et qui doivent compenser leur manque de talent. C’est normal que les pilotes moins talentueux soient plus fatigués à la fin d’une épreuve. Ils doivent faire plus d’efforts. Pour le reste, ces bruits sont également répandus par des journalistes peu professionnels qui utilisent les ragots pour vendre leurs articles. »

Le spectre de la crise

Qu’en est-il des teams qui abandonnent à cause de la crise?

GL: ‘’ Je voudrais tout d’abord connaître les noms des teams qui renoncent. Honnêtement, chaque année, il y a une soi-disant ‘crise’ qu’invoquent certaines personnes ou dont ils se servent pour justifier leurs problèmes. Même les clubs de football qui bénéficient du soutien de centaines de milliers de spectateurs et de droits de télévision s’élevant à des dizaines de millions d’euros se plaignent. C’est clair que les teams doivent travailler en permanence pour faire leur ‘trou’ en MXGP. Abandonner est la preuve que le team ne possédait pas les compétences pour continuer, ce ne sont pas les conséquences de la crise. Si la crise était la principale raison pour ces abandons, il est clair que le promoteur devrait en souffrir également dans la mesure où il bénéficie de nombreux sponsors qui sont les mêmes que ceux qui soutiennent les teams. Vous pouvez constater que nous traversons un moment difficile mais nous sommes loin d’être en difficultés et, en plus, je ne vois aucun grand team sur le point de nous quitter. »

Pouvez-vous nous citer un exemple?

GL: ‘’Oui, j’ai un exemple. Prenons le cas du team De Carli, qui va changer de fournisseur (Yamaha pour KTM, Ndlr) et qui a constitué un problème majeur cette année. Je constate avec joie que lorsqu’une opportunité disparaît, une autre opportunité est trouvée. C’est la preuve que les gens qui travaillent bien peuvent continuer et même promouvoir leurs activités.
Beaucoup de nouveaux sponsors sont apparus en 2009 pour soutenir les top teams: Casino Bonver avec TM, Welcome to Istanbul avec Kawasaki, TEKA avec Suzuki, Red Bull avec Yamaha De Carli. Sans parler de ceux qui étaient déjà présents: Red Bull avec KTM et Monster avec Yamaha et CAS Honda.

Une interactivité efficace et correcte avec les teams

Quelles sont les relations entre Youthstream et les teams participant au championnat MXGP?

GL: ‘’Notre relation est fondée sur un dialogue permanent. Lors des GP, je discute avec les représentants des teams et des usines. En outre, Youthstream possède un département dédié qui gère les relations avec les teams pour ce qui concerne les matières sportives et financières, ce qui comprend la gestion du paddock et des infrastructures. Chaque team est important à nos yeux. Il a des droits en même temps que des obligations. Le processus est transparent et nous ne connaissons plus ces intermédiaires qui, par le passé, opprimaient les teams de faible envergure. »

Youthstream agit-il pour mettre fin à ces ingérences ou le promoteur reste-t-il neutre?

GL: ‘’ Nous avons le devoir de promouvoir le championnat en toute correction. Si cette correction est mise en danger, nous devons intervenir. Pour le moment, nous travaillons afin de soutenir des teams expérimentés contre les décisions de certaines usines qui voudraient que des teams plus jeunes et plus riches prennent leur place. Nous pensons que cette manière d’agir n’est pas correcte et nous ne permettrons pas que des teams qui se sont engagés depuis de nombreuses années dans le championnat MXGP soient forcés de stopper leurs activités sans aucune raison. Une de nos responsabilités est de protéger les jobs que nous avons créés lors de ces cinq dernières années grà¢ce à l’évolution du FIM Motocross World Championship. Maintenant, tandis que nous soutenons les teams les plus anciens et les mieux établis, nous sommes également heureux d’accueillir de nouveaux teams professionnels.
Pour l’instant, nous avons environ une trentaine de teams engagés pour le championnat 2010 et qui ont d’ores et déjà couvert leur budget et qui possèdent le matériel nécessaire pour rouler. C’est un nombre suffisant pour organiser un championnat intéressant. Dans la situation actuelle, je pense que tous les bons pilotes de quinze à trente ans trouveront certainement leur place. »

Piloter en MXGP est un job bien rémunéré

Un pilote de motocross professionnel peut-il gagner suffisamment sa vie?

GL: ‘’Déjà, en mentionnant le mot ‘professionnel’, on sous-entend la capacité à acquérir les moyens de survivre et c’est effectivement le cas du pilote de motocross professionnel. De nos jours, tous les pilotes qui sont entrés par le biais de notre système appelé ‘Officially Approved Teams’ (teams officiellement agréés, Ndlr) bénéficient d’un salaire de base pouvant aller de 20.000 € à 800.000 €, même si nous sommes en train de pousser pour que le salaire minimum soit de 24.000 €. Si on regarde quelques années en arrière, la plupart des pilotes étaient des ‘privés’ sans salaire et beaucoup devaient payer leurs propres frais. C’est un peu normal que tout le monde veuille gagner plus mais, si un pilote est rapide, c’est clair qu’il peut gagner confortablement sa vie avec le motocross. Actuellement, tous les jeunes éléments prometteurs entrent immédiatement dans une structure professionnelle et reçoivent de bons contrats: je pense à des pilotes comme Musquin, Roczen, Paulin, Herlings, etc.

Peut-on dès lors dire qu’un pilote se sent protégé lorsqu’il exerce son métier?

GL: ‘’Malheureusement, les sports mécaniques contiennent une part de risque mais nous faisons le maximum pour réduire ce risque. Tout d’abord, nos circuits comportent tous les services médicaux nécessaires tels que les règlements de la FIM le prévoient, ce qui constitue un minimum pour garantir la sécurité. De plus, nous pouvons bénéficier de la clinique mobile du Dr. Scevola qui effectue de l’excellent travail sur tous les circuits. Depuis que nous nous occupons de l’organisation des GP, nous avons toujours coopéré avec les organisateurs locaux afin d’enlever arbres et pierres. Nous avons aussi introduit les filets de sécurité de même que nous avons reculé les endroits réservés au public afin d’améliorer sa sécurité. Nous faisons aussi en sorte d’éliminer la poussière. Si nous pouvions avoir le soutien de toutes les usines et pas uniquement celui de KTM, nous pourrions même louer les services d’un staff médical de soutien qui nous accompagnerait sur tous les circuits avec son unité mobile. »

Où les nombreuses blessures que nous avons connues cette année trouvent-elles leur origine?

GL: ‘’Même si le championnat MXGP ne comporte que quinze épreuves qui ont lieu dans des endroits dont l’organisation est de qualité, le calendrier d’un pilote professionnel est rempli par de nombreuses autres épreuves, environ trente-cinq par an. C’est trop. En effet, la plupart de ces épreuves ont lieu sur des circuits inadaptés, sans entretien ni infrastructures suffisantes. 70% des pilotes de MXGP qui ont été blessés l’ont été lors d’entraînements ou lors d’épreuves nationales ou internationales. On connaît plus de blessures en MX1 parce que les 450 sont trop lourdes et trop puissantes. C’est une chose à laquelle devraient réfléchir les usines. »

Sponsors = business?

Une partie non négligeable du travail du promoteur est d’amener de l’argent dans le championnat par le biais des sponsors. Qu’a réalisé Youthstream à ce niveau?

GL: ‘’Youthstream est bien conscient de cette nécessité. Je peux brièvement citer les compagnies multinationales qui investissent dans le championnat MXGP suite à notre travail de promotion: Red Bull, Monster Energy, Teka, Hyundai, Braun, Rockstar, Welcome to Istanbul and Casino Bonver sont venus parce que ces compagnies ont vu des opportunités en termes de business. Il y en a beaucoup comme elles et aucune d’entre elles ne songe à nous quitter. En fait, elles sont occupées à renforcer leur présence pour les années à venir. L’an prochain, deux autres gros sponsors vont se joindre à nous en même temps qu’à deux teams.

Notre objectif est de construire un plus grand et un meilleur championnat avec de plus en plus de couverture TV et de couverture médiatique en général. Nous avons créé un grand plateau sur lequel les usines, les teams et les pilotes peuvent se montrer et attirer d’importants sponsors et nous voulons encore l’améliorer. Souvenons-nous qu’il y a dix ans, la plupart des pilotes étaient des ‘privés’ et que certains teams ne comportaient que deux à six personnes travaillant à partir d’un camion de six ou huit mètres. Aujourd’hui, les teams comportent un effectif de de dix à vingt personnes et ils possèdent un semi-remorque de dix-huit mètres au minimum. Sans compter, pour certains teams, un autre semi-remorque servant d’hospitality. »

Quid des épreuves en dehors de l’Europe?

GL: ‘’A titre personnel, je considère que les épreuves extra-européennes sont essentielles pour la reconnaissance du ‘FIM Motocross World Championship’. C’est capital d’aller sur les marchés émergents où il existe des possibilités réelles d’attirer du public en même temps que de nouveaux sponsors. Nous pensons que c’est positif pour les teams et pour tous les participants au championnat MXGP d’une manière générale. Pourtant, les usines japonaises exercent un lobbying très actif contre cette idée et nous considérons que cette attitude est inacceptable alors qu’ils utilisent notre championnat pour vendre leurs produits partout dans le monde et pour développer leurs motos. Leur argument est de dire que leurs teams n’ont qu’un budget ‘européen’ ! »

De quoi rêvez-vous pour le motocross durant les dix années qui viennent ?

GL: ‘’ Considérez que ce ne sont que mes rêves:

  • Avoir 18 Grand Prix comprenant les USA et/ou le Brésil, et/ou la Russie, et/ou la Chine, et/ou l’Inde, et/ou l’Indonésie, et/ou l’Australie, et/ou l’Afrique du Sud plus douze GP en Europe.
  • Voir 12 teams en MX1 et 15 en MX2 avec chaque fois deux pilotes.
  • Voir toutes les usines représentées avec un team en MX1 et un team en MX2.
  • Avoir une couverture TV non pas en Europe ou au Moyen-Orient et en Asie mais sur les cinq continents comme nous l’avons déjà sur Internet grà¢ce à Freecaster.
  • Avoir au moins un gros sponsor par team comme TEKA, Red Bull, Braun, Hyundai, Casino Bonver, Monster, Arcese, Mormaii et Welcome to Istanbul.
  • Augmenter la qualité des infrastructures et la qualité de l’accueil des supporters sur les GP.
  • Avoir une moto plus légère et moins puissante pour le MX1 afin que les pilotes puissent s’amuser sur leur moto et que ce ne soit pas leur moto qui les pilote!

Si vous me donnez une baguette magique, je réaliserai tout cela aujourd’hui mais, malheureusement, nous n’avons pas de baguette magique. Il faudra donc que nous continuions à travailler très dur ensemble afin de réaliser ces rêves un jour, peut-être…

Traduction de l’anglais: O. Evrard

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