Interview Sébastien Tortelli | « Enfin un vrai championnat du monde »

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A l’invitation de son ancien rival mais néanmoins ami Stefan Everts, Sébastien Tortelli était de passage en Belgique à  l’occasion de la 5ème édition du Everts & Friends Charity Race. L’occasion pour le Français aujourd’hui exilé aux USA de retrouver un public européen qui n’a l’a vraisemblablement pas oublié et de se faire plaisir sur la piste au guidon de la KTM 350 SX-F. L’occasion pour nous de tendre notre micro à  « Dyno », qui garde bien sà»r un oeil attentif sur le motocross, aux USA comme en Europe.

Sébastien, tu es de retour en Europe le temps d’une compétition pas vraiment comme les autres, pour répondre non seulement à  l’invitation de Stefan mais aussi pour la bonne cause…

Sébastien Tortelli: »Stefan m’en avait déjà  parlé l’an dernier mais je n’avais pas pu venir car j’étais occupé avec des jeunes que j’entraînais. Cette année, nous en avons à  nouveau discuté lors du Supercross d’Anaheim aux USA en début de saison et nous nous sommes mis d’accord. KTM était là  pour me mettre à  disposition la nouvelle 350 SX-F et j’étais donc très heureux de pouvoir venir rouler aujourd’hui. Sans oublier que c’est en plus pour une bonne cause! Le tout mis ensemble fait que j’ai passé une super journée! »

Malgré les années, le public européen semble ne pas t’avoir oublié!

Sébastien Tortelli: « Non, en effet, j’ai été agréablement surpris. On m’a dit qu’il y avait plus de monde que d’habitude suite à  ma venue, cela me fait donc très plaisir! »

Aux USA, c’est évidemment ton école de pilotage « Champ Factory » qui occupe la plupart de ton temps?

Sébastien Tortelli: « Oui, en effet, j’ai créé une école de pilotage en Californie qui m’occupe beaucoup aujourd’hui. A partir de l’année prochaine, je vais davantage me consacrer à  la partie Internet, ouverte aussi bien pau public américain qu’européen, avec des entraînements, des programmes spécifiques et du coaching en ligne. C’est quelque chose qui devrait être prêt pour le début de l’année prochaine. A côté de cela, je donne quelques stages en France et un peu partout en Amérique du Sud. »

Tu roulais aujourd’hui avec la 350 SX-F développée par Stefan. Je crois savoir que c’est une machine que tu apprécies particulièrement…

Sébastien Tortelli: « Pour moi qui ne suis plus un pilote qui roule beaucoup à  cause de mon genou, la 350 SX-F est la machine idéale. J’ai une puissance suffisante, je me fais plaisir avec et je peux rouler beaucoup plus longtemps qu’avec une 250 qu’il faut garder à  fond sans arrêt. Pour le pilote qui ne roule pas régulièrement, je crois que c’est la moto parfaite. Aujourd’hui, je ne me vois plus rouler sur autre chose! »

Toi qui a été 2 fois champion du monde, je suppose que tu gardes, des USA, un oeil attentif sur notre championnat MXGP. Que penses-tu de ses récentes évolutions?

Sébastien Tortelli: « Je trouve vraiment super que les GP viennent maintenant aux Etats-Unis. Cette année, le GP à  Glen Helen s’est organisé un peu à  la va-vite et l’organisation a donc été un peu différente de ce qu’elle aurait pu être mais je pense qu’avoir à  l’avenir un vrai championnat du monde qui voyage sur les différents continents est une bonne chose. Cela donnera vraiment son sens à  l’appellation « championnat du monde ». Monster, le nouveau sponsor du MXGP, aidera, je crois, beaucoup en ce sens dans la mesure où beaucoup de pilotes sont sous contrat avec Monster aux USA. On devrait donc voir dans le futur de plus en plus de pilotes US venir participer aux GP, spécialement à  l’occasion des 2 GP qui auront lieu chez eux. »

Le championnat MXGP et ses pilotes attirent-ils réellement le public américain?

Sébastien Tortelli: » Dans l’état actuel des choses, le public US ne connaît pas assez le monde des GP. Avec le temps, je suis persuadé qu’il va apprendre à  le connaître, qu’il va s’intéresser à  cette compétition nouvelle pour lui. Ce sera surtout vrai lorsqu’il verra les pilotes US prendre part à  ce championnat et se mesurer aux pilotes européens. »

A la fin de cette saison, les USA accueilleront le tops européens à  l’occasion du Motocross des Nations. C’est un événement que l’on prépare déjà  activement de l’autre côté de l’Atlantique?

Sébastien Tortelli: » Oui, du côté de l’organisation et de la préparation du circuit, je crois que l’on travaille déjà  beaucoup et que tout sera prêt pour accueillir l’événement. Il y a 3 ans à  Budds Creek, le MXDN et la venue des pilotes européens avaient suscité un intérêt énorme et j’espère que l’on aura le même succès cette année car le Motocross des Nations est une course extraordinaire. Je sais que chaque fois que j’ai eu l’occasion d’y participer, j’étais hyper ravi et je crois que beaucoup de pilotes ont cette sensation-là . »

Aux USA, la saison 2010 est marquée par la domination du phénoménal Ryan Dungey. Est-il vraiment devenu imbattable actuellement?

Sébastien Tortelli: « La force de Dungey, c’est d’avoir su impressionner tout le monde dès la première épreuve. Je suis allé sur quelques épreuves SX et outdoor et je peux dire qu’il n’est pas à  chaque fois le plus rapide mais il est le plus solide et c’est là  où il fait la différence. S’il n’est pas devant en première manche, il le sera en 2ème manche parce qu’il a le physique et le mental. Il est très bien préparé! »

Christophe Pourcel pourra-t-il être au niveau de Dungey dès sa première saison en 450 l’an prochain?

Sébastien Tortelli: « Cela fait longtemps que je vois Christophe s’entraîner sur la 450 et j’attends avec impatience la saison prochaine car je crois qu’il va surprendre pas mal de monde! Il a un pilotage parfait pour la 450 et je pense qu’on devrait assister à  une nouvelle petite révolution sur le championnat US, comparable à  celle que Dungey a provoquée cette année en arrivant dans la catégorie reine. »

Avec le temps, tu as toujours des regrets par rapport à  ton retour en GP en 2006?

Sébastien Tortelli: « Cela avait bien débuté mais cela a tourné court après ma chute au Portugal. Bien sà»r, j’aurais préféré que cela soit une saison complète. D’autant plus que, sans cette chute, je ne me serais certainement pas arrêté là . Je m’étais bien préparé pour ce retour et j’avais encore envie de faire plusieurs années de compétition. Cet arrêt fut donc un peu brutal et a finalement changé pas mal de choses dans ma vie! »

Déjà  durant toutes tes saisons aux USA, les blessures ont malheureusement joué un rôle important…

Sébastien Tortelli: « Oui, hélas. En 2002, alors que j’étais chez Suzuki et que tout se passait bien, j’ai eu un gros problème au ligament antérieur du genou gauche et j’ai été mal opéré. Cela m’a fait perdre quasiment 1 an et demi de compétition à  un moment très important de ma carrière. Cette période a été très difficile à  vivre pour moi. Si l’on ajoute cela a tous les autres petits soucis physiques que j’ai connu, on comprend mieux pourquoi j’ai pris une décision aussi radicale en 2006. »

Tu n’es cependant pas un cas isolé, beaucoup de pilotes européens connaissent également des blessures à  répétition en championnat US. Tu as une explication à  ce phénomène?

Sébastien Tortelli: « Le niveau de la compétition aux USA est élevé mais ce n’est pas la seule explication. Quand tu arrives dans un nouveau pays, il y a des tas de choses que tu dois changer dans tes habitudes. Tu dois t’adapter à  beaucoup de nouveaux éléments et souvent adopter un style de vie totalement nouveau. Tout cela génère un stress supplémentaire chez les pilotes qui arrivent aux USA et ils sont dès lors davantage exposés au risque de se blesser. »

Que penses-tu de l’arrivée très précoce au plus haut niveau de pilotes comme Herlings ou Roczen?

Sébastien Tortelli: « Beaucoup de pilotes débutent la moto très tôt et gravissent de plus en plus vite les échelons. Je suis pourtant persuadé que ce système a ses limites car ces pilotes seront beaucoup plus vite saturés que ce que des pilotes comme Stefan ou moi-même ne l’avons été. Quand tu roules à  moto depuis l’à¢ge de 3 ans, il est très difficile de garder l’envie de gagner des courses jusqu’à  30 ans… »

Quand tu viens ici en Belgique, est-ce que les gens te parlent encore de la saison 1998 au cours de laquelle tu as battu Stefan Everts.

Sébastien Tortelli: « Oui, on m’en a beaucoup parlé! C’est un bon souvenir, je ne vais donc pas m’en plaindre… Ce fut une superbe saison pour tous les deux, chacune des courses était d’une rare intensité! »

Après toi, la France a connu une succession impressionnante de talents. As-tu l’impression d’avoir été le pionnier du système de formation français?

Sébastien Tortelli:  » Roncada, Vuillemin, moi-même et d’autres encore avons fait partie d’une première génération de talents français et la fédération continue à  travailler aujourd’hui pour tenter d’amener un maximum de pilotes au meilleur niveau. La génération actuelle est très talentueuse et on voit déjà  arriver derrière eux pas mal de jeunes pilotes qui sont très rapides. Ils font du bon travail! »

Pour terminer, quelle est la course dont tu gardes le meilleur souvenir?

Sébastien Tortelli: « C’est le Motocross des Nations à  Jerez de la Fronteira, en 1996, je pense. Même si je n’avais pas obtenu le résultat que j’espérais à  cause de 2 chutes au départ, j’avais trouvé le circuit fantastique. Je me vois encore en train de dépasser Emig et sa 500cc dans une côté avec ma 125cc! »

Texte: Olivier Evrard | Photos: CDS

 

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