Motocross | Retour sur la première victoire US au MXDN à  Lommel en 1981!

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Les USA ont remporté le Motocross des Nations pour la toute première fois en 1981, à  Bielstein, en Allemagne. En fait, une semaine avant, les mêmes pilotes avaient déjà  secoué le monde du motocross en battant les Belges chez eux, dans les sables profonds de Lommel, en remportant ce qu’on appelait alors le ‘‘Trophée des Nations ».Pour ceux qui ne sont pas familiers avec l’histoire des ‘Nations’ en motocross, ceci mérite un petit mot d’explication. Au début, la FIM (Fédération Internationale Motocycliste) organisait des championnats mondiaux par catégorie. C’est ainsi que c’est en 1947 que fut créé le Motocross des Nations pour les 500cc ; en 1961, c’est le Trophée des Nations (pour les 250cc) qui vit le jour puis, en 1981, la ‘Coupe des Nations’ fut mise sur pied pour les 125cc. Ces trois championnats du monde furent fusionnés par la FIM en 1981 pour ne plus donner que le seul Motocross des Nations tel que nous le connaissons encore aujourd’hui.

C’est ainsi qu’en 1981, Roger De Coster, déjà  sélectionneur de l’équipe américaine, amenait à  Lommel pour disputer le Trophée des Nations (250cc) un team américain composé uniquement de pilotes roulant sur Honda. Personne en Belgique ne pouvait imaginer que l’équipe américaine puisse battre l’équipe belge qui était composée de pilotes tels André Vromans, Eric Geboers, Harry Everts et André Malherbe. Sauf un journaliste belge, Vic Vermeir, qui était un ami de Roger De Coster, et qui déclara : »Je ne peux pas imaginer que Roger soit venu jusqu’ici avec ces types pour se faire ridiculiser. » Et Vic avait raison!

Lors de la dernière édition du Motocross des Nations, à  Lakewood, grà¢ce au soutien d’Alex Moroz et de Tami Greenhill du ‘’Legends and Heroes of Motocross » Tour (association qui regroupe des pilotes vétérans américains et qui organise des courses en marge des épreuves officielles, NDLR), nous avons pu avoir une (longue) conversation avec Donnie Hansen, Danny Laporte et Chuck Sun à  Lakewood. Seul, Johnny O’Mara n’avait pas pu venir mais nous lui avons posé les mêmes questions par téléphone peu de temps après.

Nous pensions réaliser une interview classique mais nos ‘mousquetaires’ sont encore tellement amoureux et passionnés par leur sport que nous avons dérapé plus d’une fois lors de notre conversation! Lisez ce qui suit car nous pensons modestement que cela en vaut la peine!

Comment avez-vous réagi lorsqu’on vous a annoncé que vous alliez participer aux ‘Nations’?

Danny Laporte : ‘’J’ai tout de suite réalisé que c’était une chance pour moi dans la mesure où je n’avais pas remporté un titre aux Etats-Unis depuis 1979, Chuck (Sun) ayant remporté le titre en 1980. En 1981, j’avais connu quelques problèmes, notamment en me fracturant le poignet en début de saison. Donc, pour moi, c’était un peu comme prolonger la saison. Cela me plaisait car je commençais seulement à  me sentir vraiment bien. J’étais conscient aussi qu’il fallait que je réalise un bon résultat afin de retrouver un bon guidon l’année suivante. En outre, j’avais toujours pensé venir en Europe une fois que j’aurais remporté un titre aux Etats-Unis. Bref, c’était vraiment une bonne opportunité pour moi de montrer aux teams européens que je pouvais remporter un titre mondial. C’était mon but et j’étais vraiment bien concentré sur mon sujet. »

Chuck Sun : »C’était un honneur d’être repris dans l’équipe mais, en ce qui me concerne, j’avais des sentiments partagés en ce sens que je relevais de blessure. Je défendais mon titre national cette année-là  et, à  Washougal, je me suis fait très mal dans le dernier tour. C’était à  la fin de juillet. J’ai terminé le championnat second, derrière Broc Glover. Lorsqu’on m’a demandé de rejoindre l’équipe nationale, je marchais encore avec des béquilles. J’ai répondu que je serais prêt et j’ai commencé à  m’entraîner. Je voulais vraiment être dans l’équipe car, en 1979, à  Gailsdorf, on n’était pas loin au classement. J’étais dans l’équipe avec Bob Hannah. Nous avions terminé dans le top dix dans les deux courses mais Rick Burgett s’était fracturé la clavicule tandis que Tommy Croft avait des problèmes avec sa moto. Bref, nous avons terminé quatrièmes mais on aurait presque pu gagner cette année-là . Je voulais revenir afin de prendre ma revanche et l’emporter. J’étais donc très excité par cette sélection et j’avais peur que ma blessure ne guérisse pas à  temps.

Donnie Hansen : ‘’J’étais excité, bien sà»r, mais je ne savais pas trop à  quoi il fallait s’attendre. 1980 était ma première année de sorte que j’étais encore en train d’apprendre à  connaître les circuits et les pilotes aux Etats-Unis. En plus, cette année-là , je m’étais blessé à  la hanche et je n’avais pas pu terminer les Nationals. En 1981, je m’étais beaucoup amélioré et j’avais terminé sur la troisième marche du podium en outdoors, derrière Howerton et Hannah. Bref, je ne savais pas trop ce que je devais attendre d’un tel voyage… Aller concurrencer les Européens chez eux, ce n’était pas rien! »

Johnny 0’Mara : ‘’Pour autant que je me souvienne – j’étais encore un teenager à  l’époque ! – j’étais vraiment surpris et excité à  l’idée de participer à  une telle épreuve. Si je dois être honnête, je dirais même que je ne savais pas trop ce que voulait dire les ‘Nations’ car j’étais top jeune et il me restait tout à  apprendre du monde du motocross. Maintenant, je réalisais bien que cette épreuve était très importante car il régnait une ambiance du style ‘Jeux Olympiques’, ce qui voulait dire que le gratin du motocross mondial serait là . A l’époque, c’était un événement qui durait deux semaines et pas un week-end comme maintenant. »

Vous pouvez nous raconter comment cela s’est passé au Trophée des Nations (250cc), à  Lommel ?

Danny Laporte : ‘’J’avais appris à  rouler dans le désert depuis que j’étais tout petit de sorte que j’ai toujours aimé les courses qui se déroulaient dans le sable. Je me sentais comme chez moi sur ce type de circuit mais lorsque nous sommes arrivés là -bas – et c’est quelque chose que je raconte à  tout le monde – , j’ai dit : »il doit y avoir des voitures en dessous de chaque bosse, comme des vieilles Volkswagen ! ». Les bosses étaient si hautes et si profondes, c’était si différent de ce que je connaissais. On ne pouvait changer de trajectoire tellement parce que le sable était si profond, si lourd et les bosses si profondes. C’est comme sauter sur chaque bosse. C’était très différent. La première course a été terrible. Le circuit avait changé. Nous savions que nous étions dans le pays des fameux Belges, les spécialistes du sable, comme Vromans, Van Velthoven, De Coster, Eric Geboers. Ils roulaient tous très bien dans le sable. Nous étions conscients que nous allions devoir nous battre contre les meilleurs spécialistes du sable, Hollandais inclus.

Vraiment, je n’avais aucune idée de ce qui nous attendait. Lors des entraînements, nous avions réalisé quelques bons tours mais tu n’es jamais sà»r de rien. Lorsque je me suis retrouvé sur le circuit, j’étais à  l’aise et j’ai commencé à  bien m’oxygéner. Je me sentais vraiment bien. Je me suis alors senti en pleine confiance et j’ai roulé sans fléchir, comme chacun d’entre nous. Nous avons continué à  bien roulé comme cela jusqu’à  la ligne d’arrivée et nous avons été assez surpris. J’ai dit ‘’Wow, c’était donc ça ? ». Nous avions en effet atteint notre objectif qui était de rouler à  ce niveau et je pense que nous avions même dépassé cet objectif et nous avons réalisé une superbe performance. En ce qui me concerne, tout le week-end à  Lommel a été étonnant car les spectateurs nous supportaiernt à  fond, même les Belges… Ce n’est pas qu’ils étaient particulièrement heureux que nous battions leurs compatriotes mais bon, ils étaient aussi excités et enthousiastes que nous l’étions. C’était vraiment génial. Quant à  l’ambiance dans le team, c’est difficile à  expliquer. Jusqu’alors, nous n’avions pas a reconnaissance du monde et ce jour-là , à  Lommel, nous étions enfin reconnus par tous. »

Chuck Sun : ‘’Mon expérience de la Belgique remonte en 1978 lorsque je m’entraînais avec Husqvarna. Cela avait toujours été mon rêve de venir participer à  des épreuves en Europe car c’était ce que tout le monde faisait. On se référait à  Roger De Coster et on considérait que venir en Europe était le sommet de la compétition. Lorsque je me suis retrouvé pour la première fois en Belgique, j’étais tellement anxieux avant ma première course ! J’ai d’abord roulé à  Lommel en hiver lorsque ces énormes bosses sont gelées : j’étais en chasse derrière les Belges, je suis tombé et je me suis cassé le poignet !

Aussi, être sélectionné dans l’équipe américaine et pouvoir rouler sur de bonnes Honda, c’était l’opportunité rêvée de me racheter et de prendre ma revanche. Toute l’équipe était fort soudée et on a donné le maximum. Danny était un peu notre leader dans le sable et nous avons suivi ses trajectoires et marqué ainsi des points. Une des choses les plus curieuses à  voir, c’était le changement d’attitude de la foule. Au début, ils étaient simplement curieux : »Qui sont ces Américains qui pensent qu’ils vont venir nous battre dans notre jardin. Nous sommes les champions et ils ne sont qu’une équipe de seconde zone ». A la fin des entraînements et des qualifications, nos temps étaient les meilleurs et les gens ouvraient des yeux comme des soucoupes ! ‘’C’est parce que la manche est courte. Lorsque la course sera plus longue, nous les battrons… »

Et puis, lorsque nous les avons battus lors des courses qui ont suivi, ils avaient des visages jusqu’à  terre. En 2008, j’ai participé à  Lommel à  la course des vétérans organisée par la FIM et c’était génial de revoir mes amis en Europe et de rouler à  nouveau sur des circuits sur lesquels j’avais roulé voici tant d’années. Les mêmes spectateurs venaient me voir sur le circuit pour me dire : »Voici trente ans, j’étais installé dans tel virage et j’ai assisté à  la première victoire de l’équipe américaine. Non, vraiment, Lommel occupe une place à  part dans mon cÅ“ur. »

Donnie Hansen : ‘’Nous avions une bonne équipe pour partir en Europe avec Roger (De Coster) et le team Honda. Nous étions tous de bons amis et on travaillait ensemble sur et en dehors de la moto. C’était un moment excitant. Après les qualifications, nous nous sommes retrouvés dans les meilleurs temps. Je ne sais plus où exactement mais nous étions très bien classés, c’est certain.

En première manche, on a fait une belle course et nous menions en seconde manche. Le circuit était incroyable; comme il était difficile! On a simplement baissé la tête, pris un bon départ et puis, on a poussé, poussé et puis le miracle s’est accompli : nous avions battu les champions du monde ! Tout cela, il ne faut pas l’oublier, avec une équipe qu’on disait de second choix puisque les Hannah, les Barnett, les Glover qui étaient tous supposés faire partie de l’équipe avaient refusé de faire le voyage en Europe. C’est Roger qui en formant une équipe soudée a permis que nous l’emportions! »

Johnny O’Mara : ‘’ La première chose qui me vient à  l’esprit quand on me parle de Lommel, c’est que tout le monde sait qu’on parle de sable comme il n’en existe nulle part ailleurs dans le monde. Et cela a encore dépassé ce à  quoi je m’attendais. J’avais le sentiment d’être un assez bon pilote de sable. J’ai grandi dans la partie nord de la Californie du Sud mais il n’y a rien qui vous prépare au sable de Lommel. Je pense que nous sommes tous allés là -bas sans vraiment savoir ce qui nous attendait. En fait, nous n’avons pas cessé d’apprendre pendant que nous étions sur place. Nous avions un bon team qui nous disait que nous n’étions pas les favoris. En fait, nous ne savions pas ce que nous étions. Nous étions une sorte de team qu’on a mis en dernière minute sur la liste des participants.

Je dois dire aussi que nous avions peu de pression sur nos épaules mais nous étions jeunes et naïfs et nous voulions faire de notre mieux. Ils ne nous auraient pas choisi si nous n’avions pas été des bons pilotes, pas vrai? Je connaissais quelques noms de pilotes car c’est normal de connaître les pilotes qui sont bons aux Etats-Unis et en Europe lorsqu’on roule à  moto à  un certain niveau. Je connaissais notamment certains des spécialistes du sable; la Belgique est réputée pour cela. C’est d’ailleurs Andre Vromans qui a remporté les deux manches ce jour-là  et je crois qu’il vit juste à  côté du circuit. C’est sur que Vromans était le meilleur pilote de l’épreuve mais nous étions la meilleure équipe et c’est pour cela que nous l’avons emporté.

Ce dont je me souviens évidemment sur un plan personnel, c’est que j’avais réalisé le holeshot dans les deux manches. C’est ainsi que j’ai mené la course durant pas mal de temps et cela était très excitant pour moi. J’ai fait ma part du boulot et mes copains d’écurie ont consolidé les résultats avec de bons points qui nous ont donné la victoire et qui ont étonné le monde du motocross à  cette période en particulier. »

Texte: Isabelle Larivière & Dirk De Neve (traduit de l’anglais par O. Evrard)

Dans une seconde partie à  paraître bientôt, nos quatre compères nous diront ce qu’ils pensent du motocross américain et notamment des raisons pour lesquelles il est devenu supérieur au motocross européen.

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