Motocross | Comment le MX américain a pris le dessus sur le MX européen

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Après nous avoir raconté comment ils avaient remporté leur premier MXDN en 1981, nos quatre ‘mousquetaires’ américains nous expliquent pourquoi – selon eux – le MX américain a maintenant pris le pas sur le MX européen.

On peut considérer qu’en remportant le MXDN à  Lommel, vous avez, tous les quatre, lancé les bases de quelque chose d’important. Avez-vous en effet jamais pensé que votre victoire à  Lommel signifiait le début d’une ère qui allait être dominée par les Américains? Et, selon, vous, qu’est-ce qui a rendu les pilotes américains tellement meilleurs que les pilotes européens?

Donnie Hansen : ‘’A l’époque, déjà , nous roulions plus que les Européens. Nous roulions les Supercross, les outdoors et les Trans-Cals ; nous roulions toute l’année, en fait ! Les Européens, eux, ne roulaient que les outdoors (MX classique par opposition au SX qui se déroule dans des stades, NDLR). Je pense que le SX a donné plus de technique aux pilotes tandis que la combinaison du SX avec le outdoor rend tout simplement les pilotes plus forts. Maintenant, lorsque nous roulons contre des Européens, nous nous attendons chaque fois à  gagner. C’est une question de confiance chez nous. Nous avons remporté treize victoires de rang au MXDN avant que les Européens nous battent une fois. C’est un peu comme les Belges l’avaient fait pendant longtemps. »

Danny Laporte : ‘’ J’ai souvent pensé à  cette question et mon avis est différent de celui de Donnie. Après notre victoire en 1981, nous l’avons emporté également l’année suivante, puis l’année d’après… Je me disais : » ll y a quelque chose qui n’est pas normal. Pourquoi remportons-nous autant de victoires? Pourquoi les Européens ne réagissent-ils pas à  cette situation? » Je sais qu’en Europe, une fois que les championnats sont terminés, les pilotes ne sont guère intéressés de participer à  une dernière épreuve comme le MXDN. Nous, les Américains, nous arrivons en Europe tout excités, nous sommes vraiment concentrés sur notre sujet alors que les Européens pensent : ‘’Nous sommes chez nous, on en a marre. » C’est le genre d’attitude qu’ils avaient en considérant le MXDN comme une autre épreuve à  laquelle ils devaient participer. Nous, on arrivait en formant un team, un bloc en fait, pour la bonne et simple raison que Roger (De Coster) organisait tout dans les détails pour nous. De Coster mettait en place les pièces du puzzle et nous n’avions plus qu’à  gagner en tant que team ; c’est vrai qu’on avait le fameux esprit d’équipe américain! Maintenant, il y a une autre manière dont je voyais les choses : l’Amérique est un pays immense et – je ne suis pas anti-américain en disant cela! – la Belgique ne compte pas plus d’habitants que le comté d’Orange en Californie. Comment se fait-il qu’un pays aussi petit produise autant de bons pilotes? Pensez un peu à  cela ! Nous avons plus de pilotes de motocross, d’enduro… Je me demandais toujours comment la Belgique arrivait à  former une équipe! Ensuite, je me disais : ‘’Si les Européens pensent comme moi, ils vont dire :  »hé, attendez un peu une minute! Cela n’est pas juste! Si votre pays compte trois cent millions d’habitants, il faut que vous vous battiez contre un pays qui compte également trois cent millions d’habitants, ce qui signifie que c’est l’Union Européenne qui devrait se battre contre les Etats-Unis. » Est-ce que nous nous aurions pu alors constituer une équipe assez forte au cours de ces vingt dernières années que pour battre les Européens dans le cadre du MXDN? Et je pensais que non, cela n’aurait pas été possible. Je suis vraiment honnête en disant cela. C’est vraiment ce que j’ai toujours pensé. »

Donnie Hansen : ‘’Parce que les pays européens sont plus petits et à  cause de la moindre motivation des Européens en fin de saison alors que nous, nous étions prêts à  continuer à  rouler pendant toute l’année tout en restant motivés. »

Chuck Sun : ‘’Je me suis souvenu toute ma carrière de ce que j’ai pensé lorsque j’ai remporté cette première victoire à  Lommel. Tu veux toujours gagner mais lorsque tu gagnes effectivement, il y a quelque chose qui change en toi. A ce moment, tu sais vraiment que tu peux gagner. Je crois que par notre victoire, nous avons aidé les pilotes américains en leur donnant confiance. ‘’Nous pouvons gagner. Ils nous ont montré que nous pouvions gagner! » Et tous ces pilotes ont rendu confiantes les générations de pilotes qui ont suivi. C’est peut-être cela que notre victoire a apporté au motocross américain : la confiance! »

Danny Laporte : ‘’Ouais… »

Donnie Hansen : ‘’ Absolument! »

Chuck Sun : ‘’Prenons cette année. On a vu Canard vraiment se battre sans arrêt (Lors des AMA Nationals, NDLR)… Et lorsqu’il a obtenu sa première victoire, il s’est mis à  gagner tout par la suite! Alors qu’il était loin derrière lors de sa première victoire! Notre sport demande beaucoup de réflexion et beaucoup d’entraînement, bien sà»r, mais il exige également beaucoup de confiance en soi. Si tu crois un peu en tes moyens, si tu penses que tu peux y arriver, cela fera une grosse différence sur le plan des performances.’

Danny Laporte : ‘’ C’est vrai.’

Johnny O’Mara : ‘’Mon sentiment, c’est que le Supercross était alors une pièce centrale de la compétition américaine à  notre époque. Le Supercross a véritablement placé les Américains à  un niveau supérieur dans les années qui ont précédé notre victoire et dans les années qui ont suivi. J’ai eu la chance de faire partie de cette génération. J’ai débuté ma carrière en 1980 et j’ai roulé jusqu’en 1990 et durant les années 80, il faut reconnaître que les Américains – et ce n’est pas une boutade! – s’amélioraient de mois en mois. J’ai l’impression que je fais partie des types qui ont tracé le chemin pour ceux qui ont suivi. Dans le Supercross, nous aimions les sauts, les doubles, les triples ; nous étions des innovateurs. Cela a vraiment beaucoup aidé sur le plan technique et cela a élevé le niveau des pilotes à  ce que nous connaissons aujourd’hui. A l’époque, je pense que nous établissions de nouvelles normes, de nouveaux standards. Après notre victoire au MXDN, moi et sans doute aussi mes trois copains de l’équipe, nous croyions dur comme faire que nous pouvions recommencer quand on voulait. Nous avions mis la barre à  un niveau très élevé de sorte que les types qui ont été sélectionnés dans l’équipe américaine par la suite ont considéré les choses différemment. Ils savaient ce qu’on attendait d’eux désormais. C’était les Etats-Unis contre le reste du monde. Chacun a relevé le défi avec beaucoup plus de sérieux et c’est ce qui a fait que nous ayons remporté le MXDN durant tant d’années de suite. Il ne faudrait cependant pas oublier de parler de ces liens spéciaux que nous avions établis dans le team avec chacun et notamment avec Roger (De Coster), le manager de l’équipe. C’était spécial avec Roger car il est originaire de Belgique. Il y avait une parfaite alchimie entre les membres de l’équipe et cela a continué dans les années qui ont suivi. »

 Peut-on comparer les ‘Nations’ à  votre époque et le MXDN comme il se déroule aujourd’hui à  Lakewood?

Chuck Sun : »Quand j’entends ici, à  Lakewood, parler toutes ces langues différentes et quand je vois ces gens venus de partout dans le monde, je constate que l’enthousiasme est resté le même. C’est agréable de constater que certaines choses ne changent jamais. Le monde entier est rassemblé et on va pouvoir apprécier les talents des différents pilotes présents ici en se posant la grande question : »Qu’est-ce que nous allons bien pouvoir faire contre ces pilotes? Sont-ils si bons? » Le public américain est là  pour voir les talents venus d’Europe. On sent que tout le monde vibre à  l’unisson. C’est spécial parce que ce sont ‘Les Nations’. C’est vrai que lorsqu’on voit tous ces gros sponsors, ces semi-remorques, les médias, cela en jette! Pourtant, dans le cÅ“ur, le sentiment est le même. »

Donnie Hansen : »Je pense que tout cela reste excitant, que ce soit en 1981 ou en 2010. C’est comme Chuck dit : on a d’immenses ‘facilities’ au lieu des camionnettes et des tentes de notre époque. Maintenant, tous ces gens, toute cette excitation… Les Américains ont tellement dominé au cours de us positive : » Nous devons battre ces Américains ! ». Et ils le peuvent! C’est comme cela qu’on a de belles courses! C’est un événement spécial et j’espère qu’il en sera ainsi encore ainsi pendant longtemps! »

Concernant l »attitude’ des Européens ; jusqu’à  un certain point les teams européens venaient auparavant au MXDN avec l’idée que les Américains étaient vraiment trop forts et qu’ils allaient à  nouveau se faire battre. Ce n’est plus le cas aujourd’hui…

Danny Laporte : »Les Européens étaient dans la position dans laquelle nous nous trouvions avant. Avant de les avoir gagnées, nous allions aux ‘Nations, simplement pour être présents de sorte que tout le monde y avait perdu l’intérêt aux Etats-Unis. »

Donnie Hansen : »Les meilleurs pilotes refusaient même d’y participer. »

Danny Laporte : »Nous les Américains, notre continent est un peu notre propre monde tandis que les Européens sont habitués de voyager d’un pays à  un autre pour participer à  des épreuves. Ils ont donc l’habitude de voyager, de manger des nourritures différentes. Nous, les Américains, si nous quittons notre environnement, la première chose que nous demandons, c’est : »Où est le McDonalds? »

Donnie Hansen : » C’est notre zone de confort. »

Danny Laporte : »Lorsque des Américains comme Hannah sont allés en Europe pour la première fois, ils ont dit lorsqu’ils sont revenus : »Je n’ai pas pu trouver de nourriture là -bas ! » C’est ainsi que les Américains n’ont pas voulu aller en Europe : il pleut tout le temps et il n’y a pas de nourriture! »

Donnie Hansen : »Ouais et : »Tu ne comprends rien quand ils te parlent et qu’ils rigolent. »

Danny Laporte : » Ils parlent une drôle de langue et ils ne t’aiment pas parce que tu parles une autre langue qu’eux. »

Chuck Sun : »La première fois que je suis allé en Europe, ils m’ont regardé et ils ont dit : »C’est à  cela que ressemble un Américain? » (Chuck a des origines asiatiques, NDLR) J’ai répondu : »Absolument! » (rires)

Danny, redevenons sérieux un instant et essaie de répondre à  la question de départ qui était de savoir quelle était la différence entre les ‘Nations’ il y a vingt ans et le MXDN aujourd’hui.

Donnie Hansen: »Les manches sont plus courtes (sourire). Je pense en effet que les choses ont changé beaucoup avec des manches de trente minutes. Ce n’est plus le même type de course mais c’est une autre histoire. J’aime bien ce que Donnie a dit tout à  l’heure concernant le rassemblement de tous ces pays. C’est cela qui est formidable. C’est un peu comme si c’était nos Jeux Olympiques à  nous et c’est vraiment important. Nous sommes allés en Europe en pensant que nous allions perdre et nous sommes revenus comme des rois. Maintenant, je pense que nous nous tenons de plus près. Les Européens reviennent. Il y a pas mal d’excellents pilotes là -bas maintenant. »

Donnie Hansen : »Ils font du Supercross maintenant et il y a plus d’épreuves qu’avant. »

Danny Laporte : ‘’Donnie a tout à  fait raison : aux Etats-Unis, nous roulions cinquante week-ends par an. Je roulais parfois deux soirées par semaine, comme vous tous : Ascot, Indian Dunes, Saddleback. Lorsque j’étais au lycée, je roulais quatre fois par semaine. Pas vous ? »

Donnie Hansen : ‘’Cela arrivait, c’est vrai. »

Chuck Sun : »Ouais, c’est la vérité. »

Danny Laporte : »Bien sà»r que c’est la vérité! Après l’école, on chargeait la moto dans le camion et on partait rouler à  Indian Dunes puis à  Ascot le mercredi et ensuite le samedi à  euh… »

Donnie Hansen : »Saddleback. »

Danny Laporte : »Et le dimanche, à  Carlsbad ! »

Donnie Hansen : ‘’Vous viviez en Californie du Sud mais c’était la même chose pour moi qui vivais dans l’Oregon : je roulais quatre fois par semaine. Dans la boue, dans la boue (riant aux éclats)! Dans la boue et avec des cheveux longs (nouveaux rires)! »

Danny Laporte : »C’est ce qui explique que nous acquérions de l’expérience très rapidement. On roulait vraiment beaucoup. Maintenant, je pense que les Européens travaillent davantage, même davantage que les Américains. Il ya en Europe des pilotes très talentueux et les Américains vont s’en rendre compte en s’apercevant que les courses sont plus serrées. Les Etats-Unis et l’Europe sont vraiment très très proches. Avant que les Européens ne viennent aux Etats-Unis pour participer aux ‘Nations’, on ne savait pas vraiment ce qui se passait en Europe. On lisait ce que les Européens lisent dans les magazines américains et ceux-ci parlent presqu’exclusivement des pilotes américains. Dans les magazines, on a vraiment l’impression qu’aucun pilote européen ne peut tourner dans le même tour qu’un pilote américain. Pourtant, lorsque tu assistes à  une épreuve comme celle d’aujourd’hui, tu t’aperçois que ce n’est pas du tout le cas. C’est vraiment important que chacun sache qu’il y a d’excellents pilotes ailleurs qu’aux Etats-Unis et que c’est cela qui nous donne de belles courses à  voir. Je pense que notre sport va dans la bonne direction. Youthstream fait de l’excellent boulot en organisant les choses d’une autre manière qu’auparavant. C’est agréable de voir ça, vraiment. »

Johnny O’Mara : »Cela fait quelque temps que je n’ai plus assisté à  un ‘Nations’ mais je suis toujours très intéressé par ce qui se passe dans le monde du motocross. L’organisation est différente de ce qu’elle était avant dans la mesure où tout se déroule uniquement durant le week-end. Quatre de mes victoires étaient étalées sur deux week-ends et ce n’est que ma dernière victoire, en 1986, qui a été acquise selon le nouveau format d’un week-end. J’ai donc connu les deux formats d’organisation. Pour moi, cela ne change pas grand-chose dans la mesure où vous devez continuer à  rouler en équipe. A l’époque les équipes étaient composées de quatre pilotes au lieu de trois maintenant mais on a conservé le calcul des trois et cinq meilleures manches en même temps que les cinq meilleurs résultats. C’est ce qui a toujours fait la force des Etats-Unis, cette capacité d’avoir une équipe plus régulière, plus consistante que celles des autres pays. En effet, nous avons vu des pilotes très spectaculaires en Europe au cours de toutes ces années mais il semble que les pays européens avaient du mal à  bà¢tir une équipe composée de trois pilotes consistants. C’est là  que réside l’avantage des Etats-Unis: ils peuvent sélectionner trois pilotes tout en sachant qu’il reste encore toute une série de pilotes aussi talentueux dans n’importe quelle catégorie. En fait, nous avons toujours plus de cartes en main. »

Que sont-ils devenus?

Danny Laporte est marié et père de deux enfants. Il affirme avoir de nombreux supporters ‘instruits’ en Belgique (‘’qui en connaissaient plus sur ma vie que moi-même! ». ‘’J’adore la nourriture en Europe, le pain est incroyable! » Danny travaille dans le sport business. En fait, il est en train de vivre et d’apprécier le ‘rêve américain’.

Chuck Sun a décidé de se remettre en forme alors qu’il était à¢gé de plus de cinquante ans en faisant du mountain bike et en participant au championnat mondial des vétérans organisé par la FIM. Il a récemment testé de nouvelles pièces dans le domaine du mountain bike comme le ‘Turbo System’ et il affirme ‘être heureux de pouvoir encore participer à  des courses en même temps que de pouvoir travailler pour l’industrie’.

Donnie Hansen est marié et père de famille. Il est également consultant sur les courses pour son fils Josh ‘afin d’essayer de le garder concentré sur son boulot’. Il a également une fille, ‘la belle Kaylin qui est comme un éclat dans mon Å“il’. En outre, cela fait vingt-six ans qu’il organise des stages de motos.

Johnny O’Maha est également père de famille et il a une fille Shelby et un fils ‘appelé Johnny Jr de sorte que nous l’appelons tout simplement JJ. Johnny affirme s’occuper beaucoup de sa famille mais il est également impliqué dans l’entraînement sportif et il participe à  des courses de mountain bike à  un haut niveau. Il possède un team composé d’excellents coureurs qu’il manage lui-même. Enfin, il vient de débuter une ‘assez grosse relation de travail’ qui consistera à  gérer le programme sportif de James Stewart, le but étant de ‘subvenir à  ses besoins en ce qui concerne ses entraînements et les épreuves auxquelles il participera’.

Isabelle Rivière et Dirk De Neve (traduction de l’anglais par O. Evrard) 

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