Champion du monde 500cc en 1980, 1981 et 1984, André Malherbe fait partie des monstres sacrés du motocross. De par son pilotage soigné, son look atypique pour l’époque et son professionnalisme pointu, notre compatriote a marqué à jamais le motocross mondial. Aujourd’hui encore, plus de 25 ans après avoir quitte la scène des GP de motocross, le Hutois reste l’un des chouchous du public.
Cette saison 2012 a été l’occasion de revoir « Dédé » sur le devant la scène à plus d’une reprise puisqu’il fut en juin dernier le parrain du GP de Belgique à Bastogne avant d’être plus récemment l’icône du team belge engagé au Motocross des Nations à Lommel. L’occasion ou jamais de revenir sur cette poignante entrevue (réalisée en 2008 pour la sortie du livre « MX History Day ») entre notre confrère Ludo Vervloet et André Malherbe, secondé de son ami de toujours, Jean-Claude Laquaye.
André Malherbe, lors de sa deuxième année chez Honda, en 1980, avait remporté son premier titre mondial dans la catégorie 500cc. Cette même année, Roger Decoster avait raccroché définitivement après avoir remporté le GP du Luxembourg. Roger avait alors déclaré: »Mon successeur, André Malherbe, est le mieux à même d’égaler mes cinq titres mondiaux et même de les dépasser. » C’est dire les espoirs qui étaient placés dans le champion wallon. Ces cinq titres conquis par Decoster, Malherbe ne les jamais égalés mais il a toutefois remporté trois titres mondiaux et il est monté à de très nombreuses reprise sur le podium. Lorsqu’André a mis fin à sa carrière de motocrossman en 1986, il avait acquis sa place dans la galerie des plus grands pilotes mondiaux.
En 1987, André Malherbe s’oriente vers le sport auto et plus précisément vers la F3. Durant l’hiver, il signe également un contrat avec Yamaha France pour participer à quelques ‘Dakar’. Le 6 janvier 1988, c’est le drame. Durant le ‘Dakar’, André fait une chute dont les conséquences seront terribles: il restera paralysé des pieds au cou pour le reste de sa vie. C’est un nouveau défi qui commence pour ‘Dédé’.
Chez André Malherbe à Huy, avec Jean-Claude Laquaye
Peter, Philippe et moi sommes arrivés devant l’énorme grille d’une villa datant du début du siècle dernier. Une allée traverse un parc plus grand qu’un terrain de football. Un sentier carrelé et praticable pour les fauteuils roulants nous amène devant la porte ouverte de la cuisine où nous attendent André et son fidèle ami Jean Claude Laquaye. L’accueil est très chaleureux.
« J’ai acheté cette propriété en 1980 » nous déclare d’emblée André. »Immédiatement après avoir obtenu mon premier titre mondial. A l’époque, on gagnait encore bien sa vie dans le motocross. »
Jean-Claude prépare le café et nous sert des rafraîchissements. Jean-Claude est un véritable ange gardien pour André. André est aidé en permanence par son meilleur ami qui est à ses côtés depuis maintenant déjà vingt-quatre ans. Si le paradis existe, c’est certain que Jean-Claude sera un des premiers à y accéder.
Comment vous êtes-vous connus (une question sans doute posée des centaines de fois à André mais celui-ci nous répond avec le sourire)?
André Malherbe: »J’avais cinq ans et Jean-Claude sept ans. Mon père faisait du motocross chez les Amateurs et je l’encourageais tous les dimanches. Jean-Claude accompagnait quant à lui son voisin qui faisait également du motocross. Mon père et le voisin de Jean-Claude étaient deux grands rivaux. Chaque dimanche, c’était Malherbe contre Leclerq. Plus tard, Jean-Claude et moi avons commencé à faire également du motocross et nous partions ensemble sur les circuits. Nous nous entraînions également ensemble: footing, gymnastique, vélo… Durant la semaine, nous jouions des heures au tennis de table dans le grenier de la maison. »
Au départ, qui était le meilleur de vous deux?
André Malherbe: »’J’avais dix ans lorsque j’ai participé à ma première course et Jean-Claude m’a battu. »
Jean-Claude Laquaye: »Plus tard, nous avons roulé rarement ensemble. Lorsqu’André roulait en 125 ou en 250cc, je roulais en 250 ou en 500cc ou l’inverse. Bref, c’est le hazard qui voulait que nous roulions parfois ensemble. »
André, en 1973 et 1974, tu as remporté le championnat d’Europe 125cc sur Zà¼ndapp avec une licence française.
André Malherbe: »Par nécessité car j’étais trop jeune pour obtenir une licence en Belgique. Ces deux titres ne m’ont pas ouvert automatiquement les portes des grandes usines. En 1975, j’ai à nouveau roulé pour Zà¼ndapp, cette fois en championnat du monde 125cc, le premier qui ait jamais été organisé. Gaston Rahier et Watanabe roulaient sur les premières Suzuki et c’est Gaston qui est devenu champion du monde. En ce qui me concerne, je me suis fracturé une jambe dans la première partie du championnat – je ne me souviens même plus sur quel circuit! – et je n’ai donc pas pas participé à la seconde moitié du championnat. J’ai malgré cela encore terminé cinquième ou sixième au classement final. »
»En 1976, Jaak Vanvelthoven m’a fait signer un petit contrat pour rouler sur une KTM 250. C’est Moisseev qui a été sacré champion du monde tandis que j’ai terminé douzième. Je suis resté avec Jaak en 1977 mais j’ai obtenu également le soutien de KTM sous forme de pièces de rechange et de moteurs préparés. Cela a porté ses fruits car car j’ai terminé troisième du championnat du monde derrière Moisseev et son lieutenant, Kavinov. Leur troisième homme dont le nom m’échappe pour le moment était donc classé après moi. J’avais l’impression que cette fois, ma carrière était véritablement lancée. »
»Pourtant, à Mattighoffen (le siège de KTM, NDLR) les gens de chez KTM voyaient les choses autrement et la direction me déclara qu’ils avaient déjà trois bons pilotes russes qui pouvaient prétendre au titre mondial et qu’un quatrième pilote ne les intéressait pas. Ils m’ont alors conseillé de rouler en 500cc. C’est ainsi qu’en 1978, J’ai participé pour la première fois au championnat du monde 500cc. Les choses ne se sont pas mal passées dans un premier temps puisqu’à la mi-saison, j’étais quatrième au classement provisoire. Par la suite, les choses ont malheureusement commencé à se dégrader car je recevais les pièces de rechange au compte-goutte. C’est ainsi que j’ai terminé le championnat du monde aux environs de la sixième ou septième place. »
Les années fastes
A ce moment de la conversation, André devient intarissable et il nous relate la suite de sa carrière qui va se poursuivre sous l’auvent de Honda…
André Malherbe: » En 1979, j’ai signé chez Honda. Graham Noyce a été sacré champion du monde, Gerrit Wolsink était deuxième et moi troisième.. Je sentais qu’un titre de champion du monde était possible. C’est en effet l’année suivante, en 1980, que je suis devenu champion du monde devant Brad Lackey. J’ai renouvelé mon titre l’année suivante après un duel épique avec Graham Noyce. Ce furent mes plus belles années en motocross … »
Raconte-nous brièvement comment tu as remporté ces titres…
André Malherbe: « En 1980, Brad Lackey était mon adversaire le plus redoutable. Il est arrivé au GP de Belgique à Namur avec une avance de sept points. J’ai remporté les deux manches à la Citadelle et je suis parti une semaine plus tard au GP du Luxembourg avec une avance d’un petit point. Dans la première manche, je termine troisième et Brad cinquième. Il affirmait que je l’avais poussé dans les barrières mais ce n’était pas vrai. En fait, il me rejetait la responsabilité de son mauvais départ. J’aurais dà» le savoir en prenant le départ de la seconde manche. Je roulais la peur au ventre. Brad m’a attendu en permanence avec l’intention de me faire tomber. J’étais terrifié à l’idée de chuter, ce qui était l’unique chance de Lackey d’encore devenir champion du monde. Heureusement, les choses se sont bien passées. En effet, à un moment donné, c’est Brad lui-même qui est allé à la faute. Sa roue avant s’est dérobée. Cette chute mettait fin au suspens: j’étais champion du monde! Brad était un mauvais perdant, il n’est même pas venu me féliciter. »
« Un an plus tard, je participais à la dernière épreuve au Luxembourg contre mon ancien coéquipier, Graham Noyce. La semaine précédente, à Namur, j’avais transformé les trois points de retard que j’avais sur lui en une avance de dix points. Ce fut à nouveau une guerre des nerfs au Luxembourg. Dans la première manche, j’ai terminé deuxième derrière Carlqvist tandis que Noyce était troisième. Dans la seconde manche, j’ai raté mon départ et je me suis même retrouvé en quatorzième position après une petite chute. En plus, je m’étais blessé au poignet en tombant. C’est ainsi que tout comme l’année précédente, j’ai dà» rouler avec le couteau sur la gorge. Heureusement pour moi, Vromans, Carlvist et Bruno étaient tellement costauds que Noyce n’a terminé que quatrième pendant que finissais huitième. J’étais à nouveau champion du monde avec sept points d’avance. »
« En 1982, c’est Brad Lackey qui a été sacré champion du monde parce que je m’étais fracturé la jambe à Carlsbad lors du GP des Etats-Unis. Une fracture que je m’étais occasionnée sans tomber. C’était vraiment bizarre. A ce moment du championnat, j’étais en tête du classement provisoire. Au classement final, j’ai terminé cinquième. En 1983, Hakan Carlqvist était très fort mais je n’étais pas mauvais non plus. Carla a été sacré champion à St. Anthonis, en Hollande, tandis que je termine sur la seconde marche du podium final. En 1985 et 1986 également, je serai vice-champion du monde derrière mon coéquipier Dave Thorpe. La différence n’était jamais importante mais malgré tout suffisante… »
Tu oublies encore quelque chose…
André Malherbe: » Ah oui, j’avais oublié. En 1984, j’ai remporté mon troisième titre mondial devant Jobé et mes coéquipiers Thorpe, Vromans et Geboers. »
L’après motocross
Et subitement, tu abandonnes définitivement le motocross…
André Malherbe: »Oui, à la fin de 1986, j’en ai eu marre. Je voulais faire quelque chose de différent. Faire de la F3, par exemple… Ma relation avec Honda était au plus bas car ils pensaient qu’à trente ans, j’étais trop vieux pour le motocross. Ils voulaient du sang neuf dans le team HRC. C’est dans le courant de l’hiver 1986-1987 que j’ai reçu ma chance dans le sport automobile. C’est ainsi qu’en 1987, j’ai participé au championnat français de F3. »
Avec succès?
André Malherbe: « Euh… oui. Mon meilleur résultat a été une cinquième place à Francorchamps. Si je réponds ‘oui, avec succès’, c’est parce qu’en début de saison mes meilleurs chronos, c’était trois secondes plus lent que le premier. Une éternité en F3. En fin de saison, par contre, je n’étais plus qu’à 7-8 dixièmes de seconde du premier. Lors de la dernière épreuve de l’année, j’ai réalisé le deuxième temps des essais, à à peine un dixième de seconde de Jean Alesi qui est devenu champion. J’avais donc progressé énormément au fil de la saison. J’ai énormément appris durant cette année en F3. Les réglages de la voiture sont très importants. Au début, c’était très difficile pour moi d’aider les mécaniciens à ce niveau. Heureusement, avec des pilotes comme Eric Comas (F1), Jean Alesi (F1) et Eric Bernard (F1), tu apprends très vite. Normalement, en 1988, j’aurais pu retourner chez Honda HRC mais suite à mon accident au Dakar, cela n’a pas été possible. Encore aujourd’hui, j’y pense comme à un manque… »
Tu étais entré en contact avec Yamaha en vue de participer au Dakar…-
André Malherbe: » J’ai été contacté par Jean-Paul Olivier, l’importateur Yamaha pour la France. En fait, je dépendais directement de Yamaha Japan mais par le biais de Yamaha France, compte tenu de ce que le Dakar avait énormément d’importance pour les Français lors de ces années-là . Moi, je trouvais cela génial de pouvoir rouler durant le mois de janvier au Dakar et, en plus, de gagner de l’argent. La course automobile, ce serait pour le reste de l’année. C’était en tout cas mon objectif. La première année, j’allais participer au Dakar pour apprendre. »
» – C’est formidable le Dakar. C’est superbement beau, les pays qu’on traverse, les paysages… ‘ affirmaient en coeur les amateurs mais moi, je ne me suis pas amusé une seule minute dans le désert. Je suis parti avec l’idée d’apprendre et de terminer dans le top-cinq. Cela me semblait une carte jouable. Gagner la première année, non, ce n’était pas réaliste. Lorsque j’ai signé chez Yamaha, c’était pour participer à plusieurs Dakar. Un ou deux ans pour apprendre et après, faire des résultats. »
« Pour m’habituer un peu au désert, j’étais allé auparavant m’entraîner en Algérie. Rouler et faire de la navigation car si tu n’as pas l’habitude, c’est vraiment difficile. Les top pilotes de l’époque, c’était Gilles Lalay, Aurioli, Rahier… il y avait beaucoup d’Italiens et de Français parmi les participants. Les Espagnols n’étaient pas encore là . »
Jean-Claude Laquaye: » J’aurais également voulu y aller mais je n’ai pas reçu de proposition intéressante. »
Qu’est-il réellement arrivé en ce dramatique 6 janvier?
André Malherbe: » Ce jour-là , nous avions une étape de 1.200 km, composée de 600km de liaisons et de 600 km de spéciales. Durant les 100 premiers km, nous devions être aidés par des balises. Après avoir parcouru 50 km, tout le monde s’est perdu. On allait dans toutes les directions. Moi non plus, je n’ai jamais vu les balises. A un certain moment, je suis tombé sur un petit groupe de 5-6 pilotes appartenant au team Honda. Les meilleurs pilotes du monde étaient plongés dans une vive discussion. Lorsque je suis arrivé, ils sont partis et j’ai décidé de les suivre en supposant qu’ils savaient où ils allaient. Après 10km, ils se sont arrêtés à nouveau puis ils sont partis dans une autre direction. 15 km plus tard, même scénario. Bref, eux aussi, ils étaient perdus. »
« J’ai alors décidé de trouver mon chemin par moi-même et je suis parti de mon côté. J’ai roulé un peu puis j’ai ouvert mes cartes et j’ai essayé de m’orienter. Après un moment, j’ai pensé que j’avais trouvé la bonne direction. C’est alors que j’ai croisé Jean-Claude Olivier qui était également perdu. Nous avons regardé la carte ensemble et nous avons décidé de prendre une direction déterminée. Nous avons roulé côte à côte dans le désert sur une immense surface plate et dure. On essayait de se protéger du soleil qui était encore très bas et qui constituait le plus grand danger. A un moment donné, j’ai aperçu au loin un nuage de poussière qui a attiré mon attention. J’ai essayé de voir s’il n’y avait pas des voitures ou des motos au milieu de toute cette poussière. Entre-temps, je n’arrêtais pas de me demander si on était vraiment dans la bonne direction. »
Fatalité
André Malherbe: » Quelques secondes plus tard, j’étais brutalement arraché de ma selle. J’avais percuté une petite accumulation de sable. Je suis parti comme un drapeau au-dessus de ma moto. Seules mes mains tenaient encore le guidon. Lorsque je suis retombé sur la selle, je me suis dit: » Tu l’as échappé belle, mon vieux. » J’étais à peine remis de mon aventure que je percutais à nouveau une petite dune d’à peine une trentaine de cm de hauteur. Cette fois, j’étais brutalement éjecté de la moto. Cette dune minuscule m’avait envoyé d’une selle de moto vers un siège de chaise roulante. »
»Comme je n’avais pas vu ces petites dunes à cause du soleil bas, je n’avais rien fait pour amortir ma chute. C’est arrivé trop brusquement. J’ai percuté ces dunes à pleine vitesse sur une moto pesant entre 220 et 230 kg. Compte tenu de la longueur de l’étape, nous avions en outre 70 litres de carburant à bord. »
« Je suis tombé en plein sur la tête. Lorsque j’ai touché le sol dur comme de la pierre, j’ai entendu un craquement dans le cou. Un peu plus tard, je ne sentais plus rien. J’étais toutefois parfaitement conscient. J’étais couché sur le côté avec ma main gauche devant mon visage. J’essayais de bouger ma main mais rien à faire, il n’y avait pas moyen. Il en allait de même pour mes bras et pour mes jambes: ils refusaient de bouger d’un millimètre. J’ai compris alors ce qui se passait. J’ai su que toute vie normale était terminée pour moi. Je me suis tout de suite demandé si je pourrais survivre à ce qui m’était arrivé… Voilà , cela s’est passé ainsi. »
Chemin de croix
André Malherbe: »Heureusement, Jean-Claude Olivier était avec moi. Il a immédiatement fabriqué une balise avec le plastic et les pneus de ma moto. Il a versé de l’essence sur le tas qu’il a allumé et nous avons alors espéré qu’un hélicoptère nous repérerait. »
»L’hélicoptère est arrivé 30-45 minutes plus tard. On m’a alors embarqué pour retourner au point de départ de l’étape puis de là vers Tamanrasset. Il était dix heures du matin lorsqu’on m’a amené sur un brancard dans cet aéroport africain où je suis resté jusque minuit sans la moindre assistance médicale. »
« Ce n’est que lorsqu’un avion de Europe Assistance est arrivé avec un médecin à bord qu’on m’a examiné à nouveau mais dans mon cas, les heures importantes où on peut encore intervenir efficacement s’étaient déjà écoulées depuis longtemps. Nous sommes partis pour Paris vers une heure trente du matin. Lorsque l’avion a décollé, je me suis senti soulagé. Malheureusement, ce n’était qu’une impression. »
»Comme il y avait du vent contraire, nous avons dà» atterrir à Marseille pour faire le plein puis nous avons pris la direction de Paris. En vol, j’ai commencé à avoir des difficultés respiratoires. Une lègère panique s’est alors emparée de moi. A la sortie de l’avion, j’ai vu Jean-Claude (Laquay) et un autre ami ainsi que le docteur qui s’occupait habituellement de moi lorsque j’avais quelque chose de fracturé en faisant du motocross. »
« Lorsque j’ai vu ces trois connaissances, je me suis un peu laissé aller. Je me sentais soulagé car on s’occupait de moi. Cependant, cela ne s’arrangeait pas avec mes problèmes respiratoires. Je pensais que j’allais mourir et j’ai perdu conscience. »
« Je me suis réveillé dans un hopital alors que je quittais la salle de radiographie. On m’accompagnait sur un brancard vers une salle d’opération. Lorsque je me suis réveillé à nouveau, j’ai reconnu immédiatement Jean-Pierre Gozé, un médecin belge. Je lui ai demandé si j’allais bien et celui-ci m’a un peu rassuré en me disant que ma blessure n’était pas belle mais que cela se passerait bien. Ensuite, j’ai à nouveau perdu connaissance. »
Trop tard
André Malherbe: » Par la suite, on m’a dit que c’est un hématome qui avait provoqué mes blessures. J’avais les vertèbres 3 et 5 fracturées mais la lésion de la moelle épinière avait été provoquée par l’hématome qui s’était formé après la fracture des vertèbres et qui avait créé une forte pression sur la moelle épinière. »
« Si j’avais pu être opéré immédiatement après ma chute, les conséquences auraient été moins graves. On aurait en effet pu éventuellement neutraliser l’hématome et diminuer ainsi cette pression sur la moelle épinière, ce qui aurait augmenté mes chances de guérison. Mais, au milieu du désert, difficile d’obtenir des soins appropriés et immédiats. »
« Durant les quatorze jours qui ont suivi, j’ai pratiquement dormi 24 heures. On m’a ensuite transporté à Bouge, près de Namur, où travaillait mon médecin traitant. Lorsque je me trouvais là -bas, j’étais convaincu que je pourrais marcher à nouveau. »
« Je suis plus fort que les blessures, » me disais-je. »Avec ma force, j’y arriverai! »
« Les mois passant, j’ai commencé à réaliser que ma force n’arriverait pas me guérir. Je suis alors tombé dans une dépression profonde. Je me posais des centaines de questions: qu’est-ce qui va se passer avec ma vie, qu’est-ce que je pourrai encore faire?… Des questions des questions, des questions mais aucune réponse. Mon avenir s’annonçait bien noir… »
« En pleine dépression, je me souvins d’une anecdote un an auparavant durant le supercross de Bercy. J’étais à la maison à Huy lorsque le téléphone a sonné et quelqu’un m’a dit: »Dany Chandler a eu un accident hier. Il est complètement paralysé (tétraplégique). Il souhaiterait que tu viennes le voir. »
»Jean-Claude et moi sommes partis aussitôt et lorsque nous avons quitté la chambre de Dany, j’ai dit à Jean-Claude: – Si cela devait m’arriver à moi, alors… »
Positiver
André Malherbe: » Lorsque j’ai compris que je ne guérirais pas, je n’ai plus jamais été gravement dépressif et je n’ai plus jamais pensé à mettre fin à mes jours. Par contre, je voulais profiter de la vie. Ma fille etait alors agée d’un an et je voulais la voir grandir. Et c’est ce qui est arrivé. Cassandra a aujourd’hui 25 ans et elle habite à Paris. Elle ne monte plus à cheval mais elle a une activité dans le monde de l’art. Je suis certain qu’elle est heureuse. Elle vient me voir régulièrement. »
« J’ai la chance d’être mentalement positif par nature. Cela m’a aidé pour avancer dans la vie. Je bénéficie également d’un beau cercle d’amis. Avoir autour de toi un noyau de gens de confiance est extrêmement important dans mon cas. Mes amis m’aident quand c’est nécessaire et ils veillent à ce que je garde un bon moral. Ils sont très importants pour moi. »
Divers…
Tu suis encore l’actualité du sport moteur?
André Malherbe: »Je suis tous les GP à la TV mais je ne vais pas sur les circuits. Cela m’intéresserait bien d’aller le long de la piste mais être assis dans une tribune et voir les pilotes de loin, non merci. »
Namur est disparu du calendrier. Ton avis?
Jean-Claude Laquay: » La citadelle, c’était mythique, comme Monaco en F1. Elle est irremplaçable. ».
Tu as remporté combien de GP à Namur?
André Malherbe: » Trois. En fait, je ne sais pas combien de GP j’ai remportés. Je ne connais pas mon palmarès car ce n’est pas ma manière de fonctionner. J’ai un archiviste pour ça. »
Ton meilleur souvenir de cross?
André Malherbe: » Mon titre mondial en 1980. C’est un rêve d’enfant qui devenait réalité. Lorsque j’avais huit-neuf ans, Joël Robert venait à la maison. C’était un dieu pour moi. Je voulais devenir comme lui… »
Ton pire souvenir?
André Malherbe: » En 1982, lorsque je me suis fracturé la jambe aux Etats-Unis. Ma jambe s’est fracturée sans que je tombe. La moto a glissé de l’avant et j’ai essayé de la retenir. J’ai entendu un craquement et mon troisième titre mondial consécutif s’était envolé. »
Le meilleur motocrossman pour toi?
André Malherbe : » Difficile à dire. Tu ne peux pas comparer les générations. Ceci dit, Stefan Everts était vraiment très fort. Ce qu’il a réalisé est tout bonnement fantastique. »
Si tu nous dis que tu regardes encore le motocross à la TV, je parie que tu regardes aussi la vitesse pure!
André Malherbe – Je suis un grand supporter de Valentino Rossi. Il va peut-être améliorer tous les records. Dommage qu’il soit passé chez Ducati. Ces Italiens… Stoner est également une forte personnalité. Dommage pour ses fans et les téléspectateurs qu’il va arrêter. Il est peut-être épuisé mentalement comme l’a été Eric Geboers en 1990. J’aime aussi la Superbike. Ce sont des gens qui savent aussi piloter une moto! »
« Les courses de moto sont plus spectaculaires que les courses de voitures. Prends ces gosses de quinze ans. Quand ils enlèvent leur casque, on dirait des premiers communiants avec leur visage de bébé! »
Dehors, des gens sont en train de construire une nouvelle terrasse. Espérons qu’André et ses nombreux amis pourront encore en profiter cette annéee grà¢ce à un bel été indien sur Huy. Qui sait?
Texte: Ludo Vervloet | Photos: O. Evrard, FMB & Motorgazet