Published On: 15 février 2015

Pendant la trêve des confiseurs, entre Noël et le début de l’an, nous avons eu la grande chance de participer à une aventure magnifique au Sénégal : traverser le pays d’ouest en est et retour au guidon de motos d’enduro et au volant de 4×4. Ce raid d’une dizaine de jours vécu en couple nous a fait découvrir un pays que nous ne connaissions pas et une culture locale de laquelle nous avons beaucoup à apprendre. Nous allons essayer de vous faire partager ces moments au fil de quelques articles qui se succéderont dans les semaines qui viennent et que nous illustrerons avec de nombreuses photos.

Par Frédéric Sente (avec la collaboration des participants au raid) | Photos : Alain, Sabine, Janik, Evelyne, Benoît

L’histoire commence avec Paul Smet et John Jadoul, deux Rochefortois passionnés de moto. John est bien connu de notre milieu motard puisqu’il est motociste depuis de nombreuses années. Il est aussi le patron de l’équipe de course Jadoul Motosport qui participe à de nombreuses courses nationales et internationales d’endurance vitesse et tout-terrain et il est le frère du pilote Didier Jadoul.

Paul est un enduriste de très longue date même si son activité professionnelle est beaucoup plus sérieuse que cela et n’a rien à voir avec la moto.
C’est Paul, en l’an 2000 qui a commencé à sillonner le Sénégal en 4×4 avec un guide, Douga, dans le but de découvrir le pays et de préparer de futurs raids en moto. Puis Paul a fait des reconnaissances seul au guidon d’une Honda XR et enfin les premiers raids de groupe encadrés par Paul et John sont apparus. Ces raids étaient surtout orientés bivouac, avec peu d’hôtels. A l’époque, il n’y avait pas de cuisinier qui accompagnait le groupe. Au menu c’était du lyophilisé tous les soirs sauf lors des rares passages en hôtel. Le principe était de partir de Dakar et de faire le tour du Sénégal en passant par Kédougou , Bakel, Saint Louis…et de revenir à Dakar en 10 ou 12 jours. Le groupe partageait les frais et chacun roulait avec sa propre moto. Tout le matériel quittait la Belgique en container 2 mois avant le raid et retournait ensuite de la même manière.

L’objectif de départ de Paul et John n’était pas de faire de ces organisations une activité en tant que telle mais les demandes étaient régulières et les copains des copains ont vite fait place à des sollicitations diverses qui nécessitaient de formaliser un peu les choses.

John et Paul

Paul Smet et John Jadoul ont décidé de partager leur passion pour la moto et l’Afrique.

Se sentant pousser des ailes, les copains se lancent dans des raids Dakar-Bamako (au Mali) et retour avec des étapes de plus de 400 kilomètres. Au total, il y avait 5000 kilomètres à s’envoyer en 2 semaines. Les aventures qui se sont déroulées à cette époque sont nombreuses et si vous lancez John et Paul sur le sujet, la soirée risque bien d’être animée : galères, rencontres improbables avec des animaux de toutes sortes, nuits passées à la belle étoile suite à une casse moto, pilotes égarés pendant 24 heures, passages de fleuve sur des pirogues improbables, arrivées tardives au petit matin après une nuit passée dans la nature, fous rires à répétition, …tout y passe. Vous trouverez de nombreuses photos de cette époque (et de nombreux renseignements) sur le site  www.lespistesdekedougou.com

Les pilotes qui participent aux raids sont de tous niveaux. Certains abordent l’Afrique avec un esprit sportif, d’autres sont plutôt des randonneurs qui viennent pour découvrir le pays et les gens. Dans les deux cas, il est conseillé de partir tôt le matin et de garder un peu de rythme car les journées sont longues et le soleil brille invariablement de 7H à 19H.
En 2008, Paul et John poussés par la demande qui s’internationalise et se diversifie décident de passer à la vitesse supérieure et de créer une société au Sénégal : LPK  (les pistes de Kédougou). La formule change un peu même si l’esprit reste le même. Ils achètent un lot de 9 nouvelles Kawasaki KLX 450 R et John (qui était à l’époque dealer Kawasaki) les adapte pour l’utilisation qui va en être faite : réservoir de 12 litres, protège mains, kits chaines renforcés, pneus désert, carburations adaptées, suspensions, Tripy, protège carter et plein de petites astuces qui vont faciliter les maintenances et augmenter la fiabilité

atricle 1 klx

L’idée de Paul et John est d’avoir des motos identiques pour tous et donc des pièces de réserve à bord du 4×4 d’assistance pour faire face à toutes éventualités, ce qui était impossible lorsque chacun venait avec sa propre moto et que l’on pouvait y retrouver des Gas-Gas, des KTM, des Yamaha,… Avec cette nouvelle formule, la logistique se simplifie beaucoup puisqu’il n’y a plus de container à affréter et malgré la location de la moto sur place, les coûts diminuent considérablement pour les participants qui évitent de devoir préparer et transporter leur propre moto sans parler des inévitables  gros entretien d’avant et après raid et des frais douaniers.

Pour l’utilisation qui en est faite au Sénégal, la Kawa est franchement un bon choix. Elle est largement assez puissante puisque c’est une base moteur de KXF cross avec un démarreur électrique, un vase d’expansion, un alternateur et une cartographie plus souple. Elle a également une super stabilité à haute vitesse grâce à son châssis largement dimensionné et d’excellentes suspensions. En Belgique la moto n’est pas très connue (bien que distribuée et homologuée). Elle s’apparente aux Yamaha 450 WRF (qui auraient aussi pu être une bonne base pour cet usage) ou aux Honda 450 avec démarreur.

Bref, lorsque Paul et John nous ont contactés pour participer à un raid, c’est avec une certaine excitation que nous avons accepté. D’autant que ce raid-ci inaugurait une nouvelle formule de raid avec accompagnants. Cela signifie que le pilote peut venir avec sa compagne ou son épouse…ou qui il veut en fait… et que les accompagnants participent au raid en 4×4 avec la possibilité (mais pas l’obligation) de conduire. Chacun part le matin avec son propre itinéraire et tout le monde se retrouve le soir au bivouac ou à l’hôtel. Le parcours est imposé pour des raisons de sécurité, de logistique et d’horaire (Patsy nous a d’ailleurs prouvé que s’en écarter pouvait vite provoquer des arrivées tardives…) mais le rythme est libre puisque tout le monde est équipé d’un engin magique : le Trippy. Ce road-book électronique et automatique vous permet de rester avec une précision incroyable sur la bonne piste et vous y ramène dès que vous vous en écartez. Il est totalement impossible de se perdre sans pratiquement quitter la piste des yeux. Bien entendu cette nouvelle formule de raid avec accompagnant ne remplace pas l’ancienne formule « motards only » qui reste tout à fait d’actualité puisqu’il s’agit d’une nouvelle possibilité qui s’ajoute à l’ancienne.

Des fêtes de fin d’année inhabituelles

Allez, c’est décidé, j’en parle à ma petite femme (qui accepte de suite) et nous décidons de rompre avec la monotonie habituelle des fêtes de fin d’année et de vivre cette aventure à fond dans le but de vous la relater. Après avoir pris un visa (c’est nouveau, avant il n’en fallait pas…dites merci à notre diplomatie et à nos hommes politiques) à l’ambassade du Sénégal et fait un vaccin contre la fièvre jaune (obligatoire pour l’Afrique) il ne nous reste plus qu’à boucler son sac et ….patienter.

Vendredi 25 décembre, 16 heures : Arrivée à Dakar à bord d’un vol SN Airlines. La porte de l’avion s’ouvre et tout de suite nous comprenons qu’il va falloir oublier très vite les jeans et les polars. Il fait presque 30 degrés malgré le vent qui vient du large (Les Alizés) …bref, le bonheur pour nous qui débarquons de la grisaille belge d’un mois de décembre ordinaire.
Nous passons la douane et un contrôle des autorités sanitaires locales qui ne veulent absolument pas que la fièvre Ebola rentre dans le pays. Ils ont bien raison d’être rigoureux avec cela d’autant que ce contrôle consiste en une simple mesure de la température à l’aide d’un thermomètre digital sans contact. Ce n’est qu’en cas de fièvre que l’on est examiné par un médecin.
Nous sortons de l’aéroport en n’oubliant pas de faire du change et d’acheter à la boutique free-tax de quoi agrémenter quelques apéros aux bivouacs. La monnaie locale est le franc CFA, 1000 francs valent environ 1,5 € : le calcul est simple. Nos besoins d’argent sur place seront très réduits puisque l’inscription au raid comprend presque tout. Nous n’aurons de réelles dépenses que pour les souvenirs, les dépenses de bar ainsi que les casse-croutes de midi et le diesel des accompagnants.

article 1 circulation

Bruno (qui est un ami de John et de Paul et qui participe à ce raid avec son épouse Catherine) est venu nous chercher à l’aéroport avec l’un des 3 véhicules d’accompagnement. Il nous annonce que la route durera environ 3 heures pour rejoindre le bivouac et que le souper nous y attend.
Nous sommes accompagnés d’Alain et Janik que nous avons rencontrés à l’aéroport à Bruxelles. Eux connaissent déjà le Sénégal mais ils n’y sont pas encore venus dans le but d’y faire de la moto. Nous traversons Dakar sans nous arrêter et nous découvrons alors le plaisir de circuler sur les routes africaines. Appelons un chat …un chat : c’est un sacré bordel.

article 1 crasse

Pour ma part, je découvre l’Afrique noire et les premières impressions sont vraiment dépaysantes. Nous sommes en ville et, comme partout, la pauvreté la plus extrême côtoie les grosses villas et les belles voitures. Les terrains-vagues jonchés de débris en tous genres sont juste à côté des quartiers de luxe. Nous redécouvrons les Peugeot 504 qui semblent être éternelles, les Renault 21, les camionnettes Mercédès 508…etc…

Loin des standards européens

Les taxis sont nombreux et dans un état qu’il est difficile de décrire. La plupart ne seraient même plus utilisés pour faire de l’auto cross en Europe. Rafistolés de partout, ressoudés et munis de pièces de provenances diverses…ils roulent et roulent encore…en général pas trop vite mais sans respecter le moindre code de la route. La règle est de regarder devant et de ne pas s’occuper de ce qu’il se passe derrière soi et sur les côtés. Les accrochages sont nombreux et je découvrirai plus tard que ce manque de sécurité sur les routes est généralisé au Sénégal. Il faut être sur le qui-vive en permanence. Le bon côté des choses est que nous circulons dans des gros 4×4 en assez bon état et que la vitesse est généralement assez réduite vu l’état des routes et des véhicules. Nos standards européens sont bien loin…c’est l’Afrique !

article1 taxis

Nous arrivons de nuit au bivouac dans la région de Foundiougne (au sud-est de Dakar). Le campement est installé sur une plage au bord du fleuve Saloum qui est très large à cet endroit.
Nous faisons la connaissance du reste de l’équipe. Certains sont arrivés quelques jours plus tôt comme John et sa compagne Patsy qui est guide nature et qui va pouvoir nous expliquer PLEIN de chose pendant tout le séjour. Ils en ont profité pour faire déjà un court périple en duo sur une KLX aménagée avec 2 places. Olivier, le fils de Patsy est aussi de la partie et il va découvrir l’enduro. Pour tester et encadrer cette nouvelle formule « avec accompagnants », Paul est épaulé de son épouse Cathy qui voyagera avec les accompagnants et mettra souvent la main à la pâte pour que tout se passe pour le mieux. Nous rencontrons également Benoît et son épouse Evelyne qui ont décidé d’emmener leur jeune fils de 7 ans, Anthony, le seul enfant du groupe. Benoît ne roule pas en moto, il sera en 4×4 avec les dames.

Au fait, j’allais oublier les plus importants : Douga et Tamou, notre guide et notre cuisinier. Tous deux Sénégalais, ils accompagnent Paul et John dans tous leurs raids. Super sympas et disponibles, les deux compères sont indispensables à la bonne réussite des raids comme nous le comprendrons plus tard. Le souper est servi sur la grande natte où tout le monde s’assied en rond et la convivialité est vite installée. Quelques pêcheurs circulent sur le fleuve. Il fait très calme et il suffit de lever les yeux au ciel pour découvrir quantité d’étoiles que nous ne connaissions pas. La soirée se termine assez tôt et chaque couple rejoint sa tente pour une nuit paisible.Demain, les choses commencent..

A suivre…