Il y a quelques temps déjà, nous vous avons emmené au Sénégal pour une traversée du pays d’ouest en est et retour au guidon de Kawasaki KLX450. Après une première découverte du pays et deux premières étapes, plongeons-nous à nouveau dans ce magnifique pays en direction de Kédougou, à l’extrême est du pays.
Par Frédéric Sente (avec la collaboration des participants au raid) | Photos : Alain, Sabine, Janik, Evelyne, Benoît
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Troisième étape: Maka-Wassadou
Plus nous progressons vers l’est du Sénégal, plus le terrain devient vallonné et boisé, ce qui rend le parcours plus typé enduro que les premières étapes qui avaient plutôt le profil d’étapes de rallyes africains tels qu’on se les représente habituellement. Après une piste rapide en latérite, nous attaquons un parcours d’une bonne centaine de kilomètres nettement plus technique. Certains passages qui caracolent entre les arbres me font penser à la Dordogne et à la Grappe de Cyrano…sauf que l’on débouche régulièrement dans des plaines cultivées et que l’on traverse des villages de plus en plus typiques … et des villages comme ceux-là, je vous confirme que l’on en rencontre peu dans la région de Bergerac. En guise de villages, ce sont plutôt des regroupements de quelques fermes d’élevage et de culture où les familles semblent composées essentiellement de femmes et de ribambelles d’enfants. Les hommes se font discrets, ils nous observent avec bienveillance tandis que les enfants nous applaudissent et nous encouragent comme si nous étions en tête du Paris-Dakar. L’accueil est incroyable au Sénégal, surtout en zone rurale … il suffit de s’arrêter quelques instants pour être entourés par des dizaines de personnes souriantes.
Les groupes de motards se sont formés en fonction des affinités ou du niveau de pilotage. Bruno (qui en est à son dixième raid dans la région) a pris son pote Alain sous son aile. Alain n’avait JAMAIS fait de moto mais son passé de skieur et d’adepte de la voile lui permet de tirer son épingle du jeu avec cette moto qui n’est pourtant pas un engin de débutant. Bruno avait pourtant mal commencé son expérience africaine puisque son premier raid en 2002 s’est terminé par un rapatriement sanitaire suite à une vilaine chute au bord du Lac Rose. Avec le sternum cassé et surtout 2 vertèbres explosées, son expérience de motard aurait définitivement pu s’arrêter là. C’était sans compter sur la passion…et sur la volonté de Bruno évidemment…
Pendant que les motards s’amusent sur les pistes, les accompagnants ne trainent pas en route car une ballade en pirogue est au programme du soir. Tous arrivent donc assez tôt à l’hôtel-campement de Wassadou, au bord d’un bras du fleuve Gambie.
L’endroit est connu de nombreux ornithologues et des amateurs d’hippopotames qu’il est possible d’aller découvrir à quelques centaines de mètres, en pirogue évidemment. Le soir, il est déconseillé de quitter les cases car ces grosses bestioles peuvent se balader dans le coin et contrairement à ce que leur allure pataude et bon enfant pourrait laisser penser, ce sont des animaux dangereux avec lesquels les accidents sont fréquents.
Nous prenons l’apéro face au fleuve qui est très calme ce soir mais qui est réputé pour connaitre des crues importantes (jusqu’à 14 mètres) pendant la saison des pluies. L’hôtel est d’ailleurs entièrement repeint et restauré chaque année car ces crues inondent immanquablement les locaux.
Les grands arbres voisins abritent des groupes de babouins dont les plus grands spécimens doivent bien mesurer 1m50. La vitesse à laquelle ces animaux arrivent à la cime des arbres est carrément impressionnante. Les babouins sont également des animaux qu’il vaut mieux éviter car ils sont très puissants et agressifs lorsqu’ils sont en bande.
Quatrième étape: Wassadou-Kédougou
Au petit matin, les raideurs musculaires et la fatigue aidant, il n’y a finalement que 2 pilotes qui décident de faire l’étape moto : John et moi. Les autres protagonistes profitent de pouvoir recharger leur moto sur la remorque et décident de faire l’étape en 4×4 avec les accompagnants qui veulent partir tôt car ils ont un programme chargé avec la visite du magnifique parc Niokolo Koba. Mais c’est sans compter sur les soucis techniques à répétition sur un des 4×4 dont le moteur semble arriver en bout de vie et que l’organisation décide finalement d’abandonner à l’hôtel. Quelques coups de téléphone plus tard et un autre véhicule nous attendra à l’hôtel du soir. Coup de bol, nous faisons étape au même endroit qu’un petit groupe de touristes allemands qui viennent de passer la nuit à Wassadou également et ils embarquent Patsy dans leur minibus pour ne pas surcharger les autres 4×4. No stress, les chauffeurs se sont arrangés, c’est grand le Sénégal mais tout le monde se connait et s’entraide…
Pendant que John et moi partons pour une étape de plus de 200 kilomètres, les accompagnants se dirigent donc vers le Niokolo-Koba, une énorme réserve naturelle qui s’étend sur plus de 900.000 hectares et qui est réputée pour la variété de sa faune et de sa flore avec près de 1500 espèces de plantes et d’arbres différents ainsi qu’un grand nombre de mammifères, de reptiles et d’oiseaux.
Laissons Sabine nous raconter sa journée.
Nous voilà donc partis de bon matin en direction du parc. Il faut arriver tôt car les chances de voir les animaux sont plus grandes en début de journée. A ce moment, ils se déplacent vers les différents points d’eau pour aller s’abreuver. Au moment le plus chaud de la journée, ils se protègent de la chaleur et ne se montrent pas. Arrivés à l’entrée du parc, nous embarquons nos deux guides (un par véhicule) car la visite se fait en 4×4. Ils nous proposent d’emporter des jumelles, elles nous seront fort utiles durant toute la ballade.
Dernier conseil des guides avant le départ : ne pas se suivre de trop près avec les voitures, ainsi on augmentera les chances de voir les animaux. Une fois la barrière du parc franchie, on se retrouve dans un autre monde. On s’enfonce d’abord lentement dans le parc sur une piste très étroite bordée d’une abondante végétation (une espèce de forêt drue mais composée d’éléments secs, comme cuits par le soleil). Ensuite, on se retrouve dans une grande clairière poussiéreuse où trônent quelques baobabs. Un peu plus loin, en approchant les points d’eau (la mare Simenti et le fleuve Gambie entre autres), la végétation devient plus verte et encore plus dense, on y découvre de grands buissons luxuriants et des roniers (sorte de palmiers). Impressionnantes aussi sont les termitières, espèces de grandes cathédrales de terre séchée abritant des nids de Termites.
Cette balade enchanteresse dans le parc a duré plusieurs heures (nous progressions très lentement tout en prenant le temps d’admirer la beauté du paysage et les animaux rencontrés) et elle nous a permis de voir des oiseaux de toutes les couleurs, des aigles, des grands calaos, des singes verts, des babouins, des phacochères, des gazelles, des buffles, des crocodiles, … autant de souvenirs inoubliables.
Pendant ce temps, John et moi prenons un pied d’enfer. Nous longeons le parc en suivant une piste bordée régulièrement de bornes de pierre qui en délimitent la frontière. La chaleur est accablante dans cette région et sur les plateaux, l’ombre se fait rare. Heureusement nous quittons cette zone lunaire et nous traversons plusieurs forêts par une piste très étroite et technique.
Nous progressons assez lentement vers Mako, un petit village du bout du monde où nous reviendrons dans quelques jours pour passer la nouvelle année après avoir fait une boucle dans l’extrême sud-est du pays. A Mako, nous faisons une halte chez Anna, une infirmière que John et sa compagne connaissent et aident depuis de nombreuses années. Infirmière au bout du Sénégal, cela signifie aussi sage-femme, médecin et parfois même chirurgien. Anna est un petit bout de bonne femme que tout le monde connait dans cette région qu’elle sillonne au guidon de sa petite moto pour rejoindre les malades qu’il n’est pas possible de transporter. Son infirmerie aussi est connue de tous et même si les moyens sont réduits, cet endroit est pour beaucoup le seul endroit où des soins peuvent être prodigués. Il n’est pas rare qu’une famille arrive en mobylette pour que la maman accouche et que les parents repartent quelques heures plus tard avec le bébé…toujours en mobylette.
En cours de route, une branche de palmier m’a brulé au cou et une ronce m’a entaillé le bout du nez…je n’en mourrai pas mais la végétation est sacrément agressive et le moindre contact peut faire mal. Je comprends mieux pourquoi John roule avec une veste qui monte bien haut sur le cou et avec un masque (comme on en faisait dans les années 80) qui recouvre et protège tout le nez. C’est donc à mon tour de passer entre les mains d’Anna pour désinfecter soigneusement les plaies. Elle m’explique qu’il faut être prudent avec les infections que la chaleur peut favoriser et qu’il faudra s’occuper sérieusement et régulièrement de ces petites blessures pendant les jours qui viennent.
Après avoir posé un pansement et bu une Gazelle bien fraîche, nous reprenons la route pour rejoindre l’hôtel qui se trouve au centre de Kédougou. Nous arrivons à nouveau de nuit et ce n’est décidément pas ma tasse de thé. Retrouvailles avec toute l’équipe, échanges d’anecdotes, apéro et enfin le souper avec une nourriture simple mais toujours savoureuse. Nous logeons dans des pavillons unifamiliaux où tout le confort est présent…chouette une bonne douche !
Au petit matin,nous découvrons les environs. L’hôtel est situé à la limite de la ville, au bord du fleuve. Le petit déjeuner se prend sur une magnifique terrasse couverte avec vue sur le fleuve ; à nouveau un bon moment de zénitude…
Cinquième étape: Kédougou-Ségou
Ce matin, les apprentis pilotes ne sont à nouveau guère motivés pour décharger les motos de la remorque et il n’y aura à nouveau que John et moi qui ferons l’étape moto. Pendant que nous nous élançons, le reste de la troupe part visiter le marché couvert de Kédougou où l’on trouve beaucoup de produits locaux et en particulier de nombreuses épices.
Tout s’achète en très petite quantité, au jour le jour puisqu’il n’y a pas de frigos pour conserver les aliments mais nos compagnes se laissent surtout tenter par des tissus magnifiques, très colorés qui serviront une fois revenus dans notre belge grisaille.
C’est l’étape la plus technique du périple. Certains passages de pierriers et quelques montées bien techniques n’ont rien à envier à ce que nous faisons habituellement dans les classiques françaises ou tout simplement en championnat d’enduro. Mais bien entendu, John a choisi le tracé en fonction de nos aptitudes et des itinéraires plus accessibles étaient aussi possibles si des pilotes débutants avaient été de la partie. Au sommet d’une côte particulièrement technique, nous débouchons sur une piste plus large et nous arrivons au poste frontière qui sépare le Sénégal et la Guinée où nous ferons une brève incursion avant de rejoindre à nouveau le Sénégal un peu plus loin. Une vague barrière ferme la route mais le douanier me fait un petit signe nonchalant de la main et je passe tranquillement en lui répondant. Je roule quelques kilomètres avant d’arriver à une descente bien technique jonchée de gros blocs. John ne me suit pas, j’attends quelques instants puis j’enlève le casque et j’écoute attentivement ; aucun bruit de moteur. Je décide donc de refaire la route à l’envers et je rejoins à nouveau le poste de douane. Je vois la moto de John garée devant la tente et je le rejoins.
John, hilare, m’explique que j’aurais dû m’arrêter et subir un contrôle des papiers (certes) mais aussi contre la fièvre Ebola. Le petit geste du douanier n’était donc pas destiné à me saluer…bref, une sympathique discussion s’engage avec les représentants de l’autorité qui sont en fait plus intéressés par nos motos que par nous. Ils mesurent notre température avec un thermomètre digital (mais ils nous disent que cela sert à prendre la tension…), notent scrupuleusement le tout dans un grand cahier et nous autorisent à continuer notre chemin. Nous reprenons donc le parcours et nous progressons lentement dans ces pistes bien techniques qui me ravissent.
En fin de journée, nous rejoignons tout le groupe qui est allé voir la cascade de Ségou, un endroit très isolé qui ne se visite qu’à pied, après une longue marche sur un chantier muletier.
Tout le monde prend ensuite le chemin du bivouac que Tamou et Douga ont installé dans une petite clairière bordée d’arbres. La soirée sera bien animée et le souper délicieux comme à chaque fois…
La suite… au prochain numéro !