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Antoine Magain, du rêve à la réalité

Antoine Magain, du rêve à la réalité
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Début 2016, Antoine nous faisait part de ses rêves qui étaient de participer au championnat du monde, mais aussi de devenir un jour pilote d’usine. Quatre ans après, à 24 ans, c’est aujourd’hui chose faite. Le jeune Namurois rejoint la structure EnduroGP de la marque française Sherco managée par le non moins célèbre Fabrizio Azzalin. Le début du déconfinement nous a permis de partir à la rencontre du jeune pilote de Nismes. Il nous dresse le bilan de sa saison, nous dit tout sur son avenir et ses ambitions.

Texte & photos : Frédéric David


Comment s’est déroulée la saison 2019 ?

« J’ai connu un début de saison difficile car je me suis blessé juste avant la première manche du Championnat de Belgique qui se tenait en Hollande. Malgré ma blessure j’ai tenu à participer à l’épreuve car je pensais que c’était bénin, mais après cette course on s’est rendu compte que mon épaule était bien abîmée au niveau des cartilages.  J’ai du passer par le bloc opératoire avec comme conséquence de faire l’impasse sur la première manche du mondial en Allemagne. »

« La suite de la saison s’est beaucoup mieux déroulée, je reprends à Mettet où je gagne ainsi que toutes les épreuves qui suivent. Mon objectif a donc été atteint car pour KTM, c’était la Belgique qui était la priorité.  Du côté du mondial, je termine le Championnat à la 3ème place de ma catégorie (J1), et 5ème de la catégorie scratch junior. Mon plus beau GP a été celui de la République Tchèque où je décroche la seconde place dans ma catégorie et au scratch. »

« Ma victoire à la Chinelle a été comme un déclic pour moi »


Tu accroches aussi La Chinelle à ton palmarès cette année, cette victoire est un aboutissement ?

« C’est mon plus beau souvenir de cette saison 2019 ! Je gagne enfin cette course après être passé trois fois tout près de la victoire. On s’était particulièrement bien préparé pour la victoire avec mes coéquipiers Dewulf et Grobben, mais à l’image de mon début de saison, on n’a pas démarré de la meilleure manière. Grobben chute durant les entraînements et se blesse. Mais ensuite je réalise la pôle aux chronos, je prends le départ, je chute dans le premier tour, je repasse devant, et je prends le dernier relais pour la passer la ligne d’arrivée premier. A part donc le début de week-end un peu chaotique, on a finalement fait une course parfaite. »

Après La Chinelle, tu as changé de moto. Pourquoi ?

« La Chinelle a été comme un déclic pour moi et j’avais fait le tour de la 250 4-tps. Cette victoire m’a apporté une confiance, j’ai eu le sentiment d’avoir passé un niveau palier, et j’avais aussi envie d’un nouveau challenge. J’ai proposé à KTM de me laisser terminer la saison avec la 250 2-tps, car j’ai eu un coup de coeur pour cette cylindrée. C’est d’ailleurs après ce changement que j’ai fait mes meilleurs résultats lors des derniers GP. »

Quel bilan tires-tu de cette saison 2019 ?

« Je suis très satisfait de ma saison, c’est une saison très positive dans l’ensemble même si bien évidement j’aurais préféré ne pas me blesser, mais j’ai bien rebondi. Je suis Champion de Belgique, et je fini sur le podium au mondial, même si ce n’est pas la première place, c’est très encourageant pour la suite. »

Te voilà aujourd’hui pilote usine pour la marque française Sherco, as-tu eu d’autres propositions ?

« A la suite de mes bons résultats en République Tchèque, un team privé engagé avec des HVA est venu me trouver, on eu des contact aussi avec TM, mais ma préférence a toujours été pour Sherco car ils s’étaient déjà montrés intéressés l’année passée. Le très bon contact, la présence de la famille Vukcevic en Belgique, l’usine qui est basée en France, la facilité d’accès et des déplacements, tous ces éléments répondaient à mes attentes.  Enfin je connaissais déjà un peu la moto aussi, j’avais eu l’occasion de l’essayer, j’avais tout de suite trouvé mes marques dessus, le choix de signer avec Sherco était donc une évidence. »

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Un contrat de pilote d’usine, qu’est-ce que ça signifie ?

« C’est un contrat très important pour la suite de ma carrière, c’est ce qui devrait me perdre de passer encore un palier.  Le but quand on s’est lancé dans cette avanture, c’était quand même que je puisse voler de mes propres ailes. Malheureusement avec le virus pour le moment tout est à l’arrêt, j’ai été stoppé net comme tout le monde, j’ai vraiment hâte que tout recommence, de voir comment ça se déroule, et que je puisse montrer ce je suis capable de faire. »

Qui dit status de pilote d’usine, dit structure, mécanicien, encadrement etc … tu peux nous expliquer ce dont tu bénéficies ?

« J’ai un contrat d’un an avec Sherco, j’ai les motos de l’usine, les pièces, les équipements, le mécanicien, la structure, bref tout l’encadrement. Je n’ai pas de salaire cette année, je suis rémunéré aux résultats. Par contre, j’ai été reconnu sportif professionnel par l’ADEPS, je touche un petit salaire de leur part qui me permet de payer encore certains frais qui restent à ma charge. A côté de ça, je garde des sponsors propres qui me permettent aussi de pouvoir faire face à certaines dépenses. »

« Je garde les pieds sur terre : être pilote usine ne fait pas de toi automatiquement un champion du monde »


Tout ça va te libérer l’esprit et du temps ?

« Tout à fait, un tel encadrement, une telle structure, c’était la première chose à avoir pour continuer à progresser. Je n’ai plus à me soucier de préparer la camionnette, ma moto, les pièces, mes équipements, le catering etc … C’est une grosse charge émotionnelle en moins. Partir avec son propre véhicule pour des centaines, des milliers de kilomètres sans jamais savoir comment ça va se passer, arriver dans des pays que tu ne connais pas, tout gérer depuis le départ de chez toi jusqu’au retour … trois ans que je le faisais, je me battais contre des pilotes avec des statuts de pilote d’usine, c’est un plus indéniable qui me manquait.

Maintenant être pilote usine ne fait pas de toi automatiquement un champion du monde, je garde les pieds sur terre, je continue à travailler, mais je suis arrivé à un niveau où il me faut ce step en plus. Si je veux continuer à progresser il faut que je puisse me battre à armes égales. Pour atteindre la plus haute marche du podium tout compte pour aller chercher les dernières secondes.  Pour donner un exemple dès le jeudi on a accès à la « training area » (zone d’entraînements), si il pleuvait, je n’allais pas m’entraîner car tu dois remettre la moto complètement en état, tout nettoyer, changer les pneus etc … il faut marcher les spéciales, c’était impossible pour moi de faire tout ça.

Aujourd’hui les pilotes marchent beaucoup, c’est plus comme avant où ça roulait à l’aveuglette.  Quand tu prends le départ d’une spéciale, tu dois savoir exactement où tu vas placer tes roues, tu dois connaître les spéciales par coeur. Je voyais les autres pilotes aller au training area, puis revenir se changer et partir marcher alors que moi je devais faire ma moto, c’était très compliqué et stressant, tout ça c’est terminé, ça va être un grand changement pour moi. »

Tu restes sur la 250 2-tps chez Sherco ?

« Au début on ne savait pas trop, la seule chose dont on était certain c’est que l’usine voulait un pilote dans chaque catégorie. Jordan Curvalle (le Manager sportif et pilote de developpement pour la marque) m’avait parlé du E2 avec la 300 4-tps. J’ai pu aller à l’usine et essayer la moto mais aussi la 250 2-tps sur laquelle je me sens particulièrement bien pour le moment. J’ai bien aimé la 300 4-tps mais j’avais un meilleur feeling avec la 250 2-tps, après discussions j’ai pu choisir cette dernière, ils ont été très à l’écoute. »

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On approche de l’été et toujours pas de courses annoncées en Belgique alors que le mondial ne débutera qu’en septembre… Comment se passe cette attente, ta préparation ?

« Jusqu’au début du confinement j’ai quand même eu le temps d’aller rouler un peu en Espagne, j’ai su rouler un peu aussi dans le Sud de la France avec Jérémy Tarroux. J’avais commencé à rouler avec ma nouvelle moto ici en Belgique, j’ai eu le temps de tester des pièces de l’usine, valider une culasse, tester des boîtiers, des échappements … je devais aller chez Fabrizio Azzalin pour peaufiner la moto, faire des essais avec lui, et puis le confinement est tombé. J’en ai profité pour faire beaucoup de vélo, de la course à pieds, mais le reste doit se faire sur la moto, il n’y a pas de secret. Maintenant qu’on peut rouler à nouveau, je sors le plus souvent possible. »

Une fois que la saison sportive aura repris ses droits, quels seront tes objectifs ?

« Effectivement on ne sait encore rien pour le moment en ce qui concerne la Belgique, je crois qu’on espère tous avoir quand même un « mini Championnat ». Pour le mondial, on sait depuis peu que ce sera en septembre. Pour la Belgique je vise le titre, pour les GP c’est moins évident de donner un pronostique car je ne connais pas encore mes adversaires, il est donc difficile de se projeter, mais quoi qu’il arrive, je veux atteindre le top 3 de ma catégorie, et le top 10 dans la catégorie scratch.  Aujourd’hui je suis pilote d’usine, je dois me donner des objetifs, je ne peux plus dire que je vais essayer de faire le mieux possible ou on verra. A plus long terme je vise un titre mondial bien entendu, mais n’allons pas trop vite, j’ai fait de belles choses en 2019, la vitesse est là, mais cette saison est très importante pour moi, elle doit me permettre de voir où je me situe par rapport à mes concurrents, et voir ce que je peux viser plus tard. »

Nous en avions déjà parlé au tout début de ta carrière en enduro, un de tes points faibles était la gestion de ton stress, aujourd’hui ça va mieux ?

« Oui c’est un point de mon caractère que j’ai appris à gérer, mais rappelons aussi que l’enduro est un sport d’expériences. Ces trois années passées m’ont permis de passer naturellement un cap. Je me rappelle qu’au début je n’étais pas encore sur la moto que je stressais déjà. La peur du terrain, la peur de l’inconnu c’est aujourd’hui derrière moi. Je garde encore cette adrénaline, ça il faut la garder, c’est ce qui te fait te surpasser, je gère mieux cette pression même si il est vrai que je mets toujours un petit temps à rentrer dans la course. Ma victoire à La Chinelle m’a aidé à passer un cap, après cette course j’ai gagné en confiance, et aujourd’hui une certaine maturité est là, mais il ne faudra pas baisser les bras et tout donner. »

Quel est ton programme pour cette saison ?

« Mon programme est le championnat du Monde et de Belgique. J’aimerais aussi si possible participer à l’une ou l’autre manche du Championnat de France et, pourquoi pas, une classique. Tout ça est à prendre au conditionnel, pour autant qu’on soit débarrassés du virus et que la vie reprenne son cours normal… »

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