Published On: 20 février 2015

Contraint à l’abandon alors qu’il roulait pour une place dans le top-5, Thierry Klutz garde un souvenir forcément mitigé de l’Enduropale 2015. Mais le Liègeois peut être fier de sa prestation sur la côte d’Opale. A 43 ans, il a en effet hissé les couleurs de l’asbl Envies d’avenir aux avant-postes dans une épreuve toujours plus disputée. Tout juste 20 ans après être monté sur le podium de l’épreuve sous les couleurs du team Belgacom managé par Georges Jobé. Déçu mais optimiste, Klutzy revient sur cette édition 2015 chargée d’émotion…

« En 2014, j’avais été invité  par Louis Smal, le président de  l’asbl « Envies d’avenir », à suivre l’Enduropale en tant que spectateur. C’est alors qu’il m’a demandé d’y participer en 2015 car il s’agirait pour l’asbl de sa 20ème année d’existence. Après le décès de Goerges Jobé qui était avec Louis l’instigateur de  l’asbl, ce 20ème anniversaire allait présenter une émotion toute particulière. Il l’était d’autant plus pour moi que, en 1995, je participais pour la première fois à l’enduro du Touquet pour le team Belgacom de Georges Jobé, avec à la clé une troisième place !  J’étais évidemment flatté que Louis Smal compte sur moi pour représenter  l’asbl Envies d’avenir.

L’objectif était de rentrer dans le top-10 et je savais ce que cela représentait comme implication et sacrifices. Je me suis donc investi tout au long de la saison 2014 avec le soutien de KTM en participant aux épreuves d’endurance belges dans le but  de rouler un maximum et de m’entretenir physiquement. Bien m’en a pris car, en plus d’avoir remporté toutes les épreuves d’endurances auxquelles j’ai participé, j’ai remporté pour la 4ème fois les 12 Heures de la Chinelle. Il ne me restait plus alors qu’à embrayer sur ma préparation spécifique aux courses de sable.

Une blessure qui a failli tout gâcher

L’inter-saison a été plus long que je ne le pensais pour diverses raisons.  Cependant, à aucun moment je n’ai lâché prise car il était pour moi obligatoire d’être prêt pour la date du 1 février. Une déchirure au moyen adducteur lors d’un entrainement à Grevenbroich qui s’est accentuée lors d’un entrainement à Lommel a bien failli mettre un terme à ma préparation.  J’ai alors tout fait pour me soigner au mieux. De nombreuses heures de kiné, de power plate et de vélo sur rouleau dès le jour de ma blessure ont fini par permettre à mon muscle de se cicatriser trois fois plus rapidement que prévu ! Alors que 6 semaines d’arrêt étaient préconisées, deux semaines plus tard, je reprenais déjà le guidon de ma moto. Non sans stress  mais avec le sentiment d’avoir fait ce qu’il fallait pour perdre le moins de temps possible !

Klutzy a prouvé qu'il a encore le niveau pour rouler devant !

Klutzy a prouvé qu’il a encore le niveau pour rouler devant !

Je voulais en effet pouvoir au moins participer à une épreuve de préparation avant l’Enduropale. Je me suis donc rendu à la Gurp TT à Grayan début janvier. Même si je me suis demandé s’il ne fallait pas mieux arrêter en tout début de course tellement j’étais à l’arrêt (problèmes de lunette et sans doute bien trop stressé), je  me suis accroché pour aller jusqu’au bout. Bien m’en a pris car j’ai fini, au fil des tours, par me lâcher et faire de bons tours. J’ai également pu me rendre compte des lacunes à combler tant sur mon pilotage que sur la moto.

C’est donc en tenant compte des enseignements de Grayan que je me suis présenté au Touquet. Quelques petites modifications ont été apportées à ma moto : un réservoir d’une plus grande contenance en vue de ne faire que deux ravitaillement, un amortisseur un peu plus dur, une rénovation complète du moteur  et le rajout de gros radiateurs d’eau afin de gagner en fiabilité.

Pour ma part, je me devais d’être bien plus confiant en mes capacités et bien plus « agressif »  en début de  course que je ne l’avais été à Grayan. Le niveau ne cesse d’augmenter et s’il y a 10 ans le nombre de pilotes capables de terminer dans le top 5 était de 10 pilotes, il est maintenant au moins passé à 25 pilotes. Le résultat final démontrera qu’il est en final même bien plus élevé !

Se battre pour les premières places

Malgré un départ moyen (je ne suis pas dans les trente premiers pilotes au premier virage), je passe en 25ème position au premier passage juste devant le Novotel  et je suis déjà 15 ème à hauteur de ce même Novotel, sur le retour cette fois. Je me sens bien sur la moto et je suis motivé.  Je ressens enfin le feeling qui n’avait pas été le mien 2 semaines plus tôt à Grayan. Je ne fais en finalité que d’admettre que mon niveau est de me battre pour  les premières places dès le début de course, ce qui change totalement ma vision des choses et ma manière de rouler.

Malgré que j’épargne la moto en n’utilisant que rarement mon embrayage, en ne prenant pas de risques inconsidérés dans les sauts ou lors des dépassements, je parviens à pointer au premier tour en 12 ème place. J’arrive alors au niveau d’un bouchon de pilotes à l’entrée du second tour. Il y a des pilotes partout. Je lève la tête sans pour autant perdre trop de temps, je choisi une direction et je m’infiltre. Je percute du coude  un pilote qui était devant moi et a opté pour le même passage. On se faufile l’un et l’autre au travers des pilotes bloqués juste avant l’arche Red Bull. Il tombe devant moi en passant un monticule de sable et m’emmène avec lui dans sa chute. On y laisse alors pas mal d’énergie pour relever la moto mais heureusement peu de temps.

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Chaque année, il y a des bouchons et on y est préparé. L’important est de rester calme et d’épargner la moto en évitant de jouer de l’embrayage et de rester le moins de temps possible à l’arrêt pour ne pas faire chauffer la moto. C’était un bouchon de moins de 100 mètres, rien à voir à ce qu’on a pu connaitre à Merlimont ou au goulet ! Ce qui est pour nous un saut semble être une montagne pour les pilotes moins expérimentés, raison pour laquelle à la moindre «butte», des pilotes se bloquent  et forment un bouchon dès le premier tour. C’est ainsi et on doit faire avec. Le travail effectué par les organisateurs avec David Hauquier comme chef d’orquestre est formidable. Rien n’est laissé au hasard, tout est fait pour qu’il y ait du spectacle tout en donnant priorité à la sécurité. Il n’y a donc rien à redire.

Je sors donc du bouchon à la place à laquelle j’y suis entré (12ème), sans avoir fait souffrir ma moto et avec deux pilotes « dossards jaunes » en ligne de mire. On se passe et se repasse à plusieurs reprises sur le circuit. A Stella plage, je suis devant. Je me fais repasser dans la ligne droite de la plage et je suis néanmoins pointé 10ème au second tour suite à l’abandon d’Antoine Méo et à la chute de Marc De Reuver.

La 4ème place en ligne de mire

Il n’y alors plus de bouchon et la course est donc vraiment lancée. Je repasse les deux pilotes devant moi et je pointe alors au troisième tour à la 8ème place. Richard Fura me passe et je m’accroche pour le suivre en me disant que c’est un bon lièvre pour moi (il était en tête l’année passée avant d’être contraint à l’abandon après être retombé sur la moto d’un attardé). Malheureusement, dans un des virages serrés du circuit, un pilote attardé tombe juste devant moi et me bloque la roue avant. Je perds beaucoup d’énergie et pas mal de temps à essayer de me dégager. Quelques centaines de mètres plus loin, on reprend la plage et je me fais passer par deux pilotes en même temps. Je parviens néanmoins à en repasser un en fin de tour. Je rentre dans mon 5 ème tour et le jeu des ravitaillements débute alors. Deux pilotes devant moi ravitaillent. Pour ma part, lorsque je passe devant les stands de l’aqualude, il y a 55 minutes de courses qui se sont écoulées et je peux encore faire un tour. Je suis alors pointé à la 6ème place au niveau du Novotel, avec la 4ème place en ligne de mire.

Les abandons ont été plus nombreux que jamais...

Les abandons ont été plus nombreux que jamais…

Malheureusement, quelques minutes plus tard, non loin de Stella plage, ma moto s’arrête. Je sais alors que c’est fini pour moi. J’essaye néanmoins de récupérer de l’essence d’un pilote en bord de piste en imaginant que je suis peut-être tombé en panne d’essence. Rien n’y fera, la moto ne redémarrera jamais.

Je suis bien évidemment extrêmement déçu et frustré. Un moment si difficile à vivre après tant d’investissements et de sacrifices mais surtout pour l’asbl Envies d’avenir pour qui j’étais le porte-drapeau. Même si je sais que je suis passé à côté d’un super résultat, j’éprouve néanmoins un sentiment d’extrême satisfaction d’avoir enfin roulé au niveau qui est le mien. L’important pour moi étant de savoir que je suis  toujours à la hauteur de mes espoirs et de ceux qui me soutiennent. Cette année a été une réelle hécatombe tant par le nombre d’abandons sur l’ensemble du peloton que par le nombre de pilotes de «pointe» qui n’ont pas terminé la course.

Bien plus que le bouchon du premier tour qui était malgré tout limité, c’est à mon avis le vent de face lors du retour sur la plage (plus de 40 km /h de face) qui a mis à rude épreuve les moteurs. Se retrouver en 5ème vitesse avec un moteur qui ne monte pas dans les tours comme il le devrait fait énormément souffrir la mécanique.

Et puis, à mes yeux, la cause principale ne vient pas de là. En effet, plus les années avancent, plus les pilotes prennent le départ avec des motos à injection et non plus à carburateur. Même si c’est une réelle avancée positive tant au niveau performance que pour la mise au point (il n’y a pratiquement plus rien à faire car les sondes règlent tout par elles-mêmes !), on se retrouve avec un circuit électrique et un nombre important de pièces beaucoup plus sensibles aux vibrations et à l’oxydation. Il semble en tout cas que la panne de ma moto soit due à l’injecteur ou à la pompe à essence. Pratiquement les deux seules pièces qui n’avaient pas été changées sur ma moto…

Objectif 2016

L’Enduropale 2015 est maintenant derrière moi. Avec ce que j’ai montré cette année, il est prévu de repartir en 2016 avec toujours le même objectif: celui de rentrer dans les dix premiers. Je sais que pour y parvenir sans l’hécatombe de cette année, il faudra avoir le niveau pour intégrer le top-5. J’ai 43 ans et j’en aurai donc 44 lors du prochain Enduropale. En un an, beaucoup de chose peuvent arriver. Ce qui est certain, c’est que j’ai déjà les yeux rivés vers ce nouveau défi.

Chinelle, épreuves BOXC,... Klutzy a tout gagné en Belgique durant la saison 2014 !

Chinelle, épreuves BOXC,… Klutzy a tout gagné en Belgique durant la saison 2014 !

Je remercie Louis Smal pour son implication et son soutien tout comme je remercie ma compagne et mes parents pour leur soutien inconditionnel. Merci aux partenaires de l’asbl Envies d’avenir, à toute son équipe, à la famille et aux amis de Louis. Ce sont eux qui me portent et me motivent afin d’être prêt le jour «J».

Merci également à mes partenaires techniques et privés: Dam’s à Vielsalm (entretien et préparation de la moto), Acerbis-Prodeals (plastiques, roues, lunettes, pièces détachées), Kenny équipements, DT1 (filtres et sur-filtres),BPM (pots d’echappements), BPV (Renthal), Dragon tek, MC Toiture, Benoit Thienpondt, le MC Pecquencourt et l’Adeps. »

Thierry Klutz | Photos: CDS