Published On: 26 janvier 2018

2017 a constiué une année importante pour Gautier Paulin. En effet, le pilote français aujourd’hui âgé de 27 ans, après deux ans passés chez Honda, avait trouvé refuge sous l’auvent du Rockstar Energy Factory Husqvarna team au début de l’année dernière. Pour sa première saison sur une Husqvarna, Gautier a remporté un GP, a terminé sur la troisième marche du podium au championnat du monde MXGP et a remporté pour la quatrième fois d’affilée le Motocross des Nations avec l’équipe de France dont il était capitaine.

MXMag a eu l’occasion de rencontrer Gautier et de partager un repas en toute décontraction avec lui et son épouse Clémentine. L’occasion d’aborder certains sujets ayant trait à la carrière du champion français.

Gautier, quelles étaient tes impressions lorsque tu t’es retrouvé sur le podium à Matterley basin après la victoire de la France au Motocross des Nations? Qu’est-ce qui se passait dans ta tête à ce moment précis?

Gautier Paulin:  J’avais le sentiment que nous avions réalisé une formidable performance. Nous avions réalisé quelque chose d’important pour notre pays sur le plan sportif car le Motocross des Nations est une des épreuves sportives les plus connues au monde. Il s’agit d’une compétition à laquelle tous les pilotes rêvent de participer. Le circuit à Mattreley Basin était fantastique et il avait été remarquablement travaillé malgré la pluie. Lorsqu’on se retrouve sur la plus haute marche du podium, c’est extraordinaire ce qu’on ressent.»

C’est autre chose que de remporter un GP? Car un GP, tu le gagnes seul?

Gautier Paulin: « C’est différent. Au Motocross des Nations, tu dois courir avec tes coéquipiers. Tu dois les encourager et les aider. Surtout, en tant que capitaine comme je l’étais, il faut s’occuper d’une partie de l’organisation. Dans cette fonction, je fais le maximum pour que tout fonctionne pour mes coéquipiers afin que cela soit plus facile pour tout le monde de se rendre sur la ligne de départ. Voici deux ou trois ans que nous travaillons de cette manière et cela fait aussi quelques années que nous gagnons. Nous ne gagnerons pas toujours, c’est évident, et nous en sommes conscients. La manière dont nous travaillons fonctionne bien et c’est mon boulot de communiquer avec les autres pilotes. C’est également à moi qu’il appartient qu’une bonne ambiance règne dans le team. C’est clair que tu ne roules pas seul. Tu ne peux pas prendre des risques à titre individuel comme tu le ferais lors d’un GP classique quand par exemple tu es mal parti. Lorsque tu roules en équipe et que l’équipe est sur le point de l’emporter et que toi, tu as réalisé un mauvais départ, tu ne prends pas tous les risques. Tu penses à quelque chose de plus grand: faire gagner l’équipe. Cela procure un sentiment différent que de gagner individuellement mais cela reste un sentiment très agréable. C’est la fin de la saison et il y a tellement de bons pilotes présents. En effet, lorsque tu fais partie d’un team, cela signifie que tu as réalisé une bonne saison et que tu es en forme. Certainement en France où il y a de nombreux bons pilotes. Personnellement, j’apprécie de rouler au Motocross des Nations… »

Gautierr Paulin lors du dernier Motocross des Nations à Matterley Basin

Qu’est-ce que tu as retenu de ta période Honda? Qu’as-tu appris là-bas?

Gautier Paulin: « J’ai appris beaucoup sur ce qu’est la vie et sur moi-même. C’était une expérience très enrichissante. J’ai commencé à travailler avec un top entraîneur et j’ai donné le meilleur de moi-même. Malheureusement, au moment décisif, il semble que la symbiose avec la moto ne se faisait pas de manière optimale.”

Comment réagit-on lorsqu’on roule sur une nouvelle moto et que la combinaison moto-pilote ne se passe pas comme espéré? Comment gère-t-on cette situation?

Gautier Paulin: « En tant que pilote, tu commences par quelque chose que tu crois être le meilleur scénario. C’est de l’autodétermination. En ce qui me concerne, j’ai travaillé autant que j’ai pu: avec le meilleur entraineur, avec le meilleur programme… Je me suis fait très mal, notamment lors du GP de France. Malgré cela, je suis revenu et j’ai réussi des podiums et j’ai à nouveau gagné. Naturellement, il y a eu aussi des moments moins agréables et cela n’a pas été facile. Tout cela est maintenant derrière moi et je suis conscient qu’une partie de ma carrière est terminée. Le seul objectif que j’avais, c’était de signer chez Husqvarna et 2017 a correspondu à mon retour au premier plan. Suite à cela, nous avons construit une base solide pour préparer la saison prochaine. »

Ice One dispose également de son propre entraîneur. Comment se passe la préparation? Tu travailles avec le team ou individuellement?

Gautier Paulin: « J’ai mon entraîneur car en effet, je travaille toujours un peu avec Aldon Baker mais je travaille également avec le team notamment pour essayer ensemble les motos. »

Quel est le petit ‘plus’ que tu évoquais tout à l’heure et dont tu aurais besoin pour battre Herlings et Cairoli et devenir ainsi champion du monde?

Gautier Paulin: « Réaliser de meilleurs départs, avoir plus de vitesse, mieux négocier les virages. Je dois en fait m’améliorer dans tous les domaines. »

Comment vas-tu gérer tout cela car cela fait beaucoup de choses à la fois, non?

Gautier Paulin: « Il faut être prêt à travailler en permanence sur tous les points qu’on veut améliorer. C’est la seule manière de faire partie des meilleurs pilotes au monde. Même si je deviens champion du monde, il restera malgré tout des points à améliorer. Nous devons également améliorer la moto mais je pense que cela, nous l’avons déjà fait. »

Qu’est-ce que tu as amélioré sur la moto?

Gautier Paulin: « Les départs, les suspensions et la puissance. Les motos changent chaque année énormément au niveau de la rigidité mais j’aime beaucoup l’esprit Husqvarna. Ils sont très branchés compétition et et ils peuvent être très réactifs lorsqu’il s’agit de modifier certaines choses. En tant que pilote, tu sens vraiment qu’ils sont derrière toi. C’est vrai aussi qu’ils améliorent leurs ventes grâce à la compétition. Chez moi, je roule d’ailleurs sur une moto standard. Les motos de série sont très bonnes et sont elles-mêmes dérivées des motos d’usine. »

Comment se passe la collaboration avec ton team manager, Antti Pyrhonen?

Gautier Paulin: « C’est quelqu’un qui travaille beaucoup, tout autant qu’un pilote. C’est bien d’avoir quelqu’un comme lui à mes côtés. C’est une forte personnalité. Je le connais depuis longtemps et nous nous entendons très bien. »

Gautier avec son team manager, Antti Pyrhonen

Beaucoup de gens ne connaissent pas le propriétaire du team, le pilote de F1 Kimi Raikkonen. Il apparaît souvent comme quelqu’un de mystérieux. Comment travaillez-vous ensemble??

Gautier Paulin: « Il s’intéresse énormément au motocross. J’aime bien sa mentalité. Il aime le motocross et il le pratique volontiers – il s’agit d’un bon pilote de motocross – de sorte qu’il est à même de posséder son propre team en parfaite connaissance de cause. Je crois en plus que cela apporte beaucoup au paddock du MXGP. Je crois que nous avons le meilleur team et qu’il apporte l’esprit de la F1 au motocross. Nous devons être reconnaissants à Kimi Rakkonen pour cela. »

Dans le passé, tu rêvais de de partir aux Etats-Unis. Regrettes-tu de ne pas l’avoir fait?

Gautier Paulin: « C’était plus un rêve d’aller rouler là-bas dans la mesure où on en veut toujours plus. Quand tu regardes le niveau actuel du MXGP et la manière dont il a évolué, tu t’aperçois qu’il est allé dans la bonne direction. J’aime bien le suprecross et c’est ce que je voulais faire. Mais, d’un autre côté, le MXGP se professionnalise toujours davantage et avec une vingtaine de GP sur l’année, ce n’est plus possible de faire quelque chose sur le côté. J’aime bien ce que je fais actuellement. J’aime le sport, j’aime le supercross mais aller habiter aux Etats-Unis, c’est une autre histoire. Je reste où je suis car c’est un choix que j’ai fait. Ce n’est pas qu’il n’y avait pas de teams que j’aurais pu rejoindre aux Etats-Unis. J’ai eu de nombreuses possibilités d’aller là-bas mais je veux rester ici tout simplement. »

Est-ce important pour un pilote de faire travailler ensemble les gens du team tout en étant un leader dans ce même team?

Gautier Paulin: « Je reste tout simplement moi-même en essayant d’être juste et honnête avec les gens qui m’entourent. Je m’entraîne durement et je passe beaucoup de temps sur la moto. De janvier à mai, les techniciens sont quant à eux sans cesse sur la brèche. J’ai beaucoup de respect pour eux. La meilleure façon de les remercier, c’est de gagner et de ne jamais renoncer. La relation que nous avons est réelle et sincère; c’est comme ça que je suis avec eux et vice versa. »

As-tu quelque chose comme une devise ou une citation qui t’inspire?

Gautier Paulin: « Il y a beaucoup de citations qui peuvent m’inspirer et il y en a une que j’ai entendue hier lors du dîner organisé par KTM qui me plaît beaucoup, c’est ‘travaille dur dans le calme et laisse tes succès parler pour toi’. »

Gautier Paulin en compagnie de son épouse Clémentine

Les gens attendent des pilotes de motocross qu’ils reviennent à 100% à leur niveau d’avant lorsqu’ils ont été blessés mais cela n’est certainement pas si facile, non?

Gautier Paulin: « On garde toujours des traces de toute blessure encourue et c’est très difficile de revenir. Même si au fil du temps on parvient à renforcer sa positivité et à sa détermination, les blessures exigent un lourd tribut de ton corps. »

Si en tant que pilote amateur je devais me blesser, quels conseils me donnerais-tu?

Gautier Paulin: « Tu dois écouter ton corps, tu dois lui donner du temps. On essaye de réduire la période de revalidation mais parfois, il faut savoir attendre. L’esprit et le corps sont deux choses différentes. Le motocross est un sport exigeant et dur. J’ai beaucoup de respect pour Valentino Rossi et pour la manière avec laquelle il est revenu après sa fracture de la jambe. C’était extaordinaire. En motocross, pourtant, cela n’aurait pas été possible. Il y a des choses qu’on ne peut pas faire. »

Que penses-tu des motos électriques?

Gautier Paulin: « je trouve que c’est super. Grâce à elles, tu peux rouler dans le jardin avec tes gosses. Ceci dit nous resterons nostalgiques du bruit d’un moteur quatre-temps! »

Un dernier mot pour conclure?

Gautier Paulin: « Je pense que le motocross va dans la bonne direction. Il reste à espérer qu’à l’avenir on ouvrira davantage de circuits qu’on en fermera. Enfin, j’espère que les gens auront plus de respect pour le motocross et en donneront une bonne image. »

Texte: Tom Jacobs