Interview Joël Roelants|Dans la cour des grands…

Decrease Font Size Increase Font Size Taille du texte Imprimer

A l’aube de la saison 2008, nous avons rencontré Joël Roelants, un des espoirs de la nouvelle génération du motocross belge qui se retrouvera d’ici peu dans la cour des grands. Notre compatriote disputera en effet le prochain championnat du monde MX2 dans le team Champ/KTM du célèbre manager Kees van der Ven.

Joël, tu viens juste de terminer quelques semaines de stage d’entraînement. Comment ça va?

JOà‹L ROELANTS: « Ca va très bien. J’ai quelques semaines de stage derrière moi, je ne suis pas beaucoup resté à la maison ces derniers mois! Du 15 au 30 décembre, je me suis tout d’abord rendu au Portugal avec Kees van der Ven et le Champ-team, et j’y suis retourné du 10 au 18 janvier. Après quelques jours à la maison, je suis reparti une semaine en Espagne chez Stefan Everts. Au Portugal, j’ai entre autres pu rouler sur le circuit du Grand Prix d’Agueda, en Espagne sur des circuits moins renommés. Pendant l’hiver, je n’ai pas laissé la moto de côté plus de deux semaines. Je n’ai pas roulé à fond comme en pleine saison, j’ai essayé d’être plus technique. »

Intégré au team Champ/KTM de Kees Van der Ven, notre compatriote disposera de tous les atouts nécessaires pour se faire un nom cette saison en GP MX2!

Tu fais partie cette année du Champ/Van de Wetering KTM Team de Kees van der Ven, dont la renommée n’est plus à faire. Tu y deviens le coéquipier de Jeremy Van Horebeek. Comment se sont passés ces premiers mois dans ta nouvelle équipe?

JOà‹L ROELANTS: « Très bien. Je pense que c’est une équipe très calme et très professionnelle. Harry Nolte est naturellement très bon avec les moteurs, Toon van der Ven excelle dans la partie cycle, et Kees me conseille un peu dans la technique de pilotage. Kees ne dit pas grand chose, mais tout ce qu’il dit est sensé. Je n’ai encore eu que des expériences positives avec l’équipe. « 

Jeremy nous a laissé entendre dans une précédente interview qu’une rivalité à l’intérieur de l’équipe ne serait pas bien grave, et pourrait vous pousser tous les deux vers le plus haut niveau. Comment se passe la collaboration avec Jeremy?

JOà‹L ROELANTS: « Ne connaissant pas beaucoup Jeremy, je ne savais pas trop à quoi m’attendre, mais cela se passe bien. L’accrochage au GP de Namur en 2006 était déjà oublié, puisque nous en avions parlé dès la semaine suivante. Nous n’avions plus eu beaucoup de contacts jusqu’à cet hiver. Jeremy était aussi présent trois jours au Portugal, puis aussi en Espagne. C’est vraiment un gars très agréable. Pour le moment, il n’y a pas vraiment de rivalité entre nous. Nous voulons tous les deux nous améliorer en nous entraînant ensemble. C’est inutile de parler de rivalité, alors qu’il y a encore 20 autres pilotes meilleurs que moi. Il faut progresser, et lorsque nous nous battrons tous les deux pour la victoire, il sera bien assez tôt pour parler de rivalité. »

Jeremy a signé au début de la saison dernière un contrat de 5 ans avec KTM. Qu’en est-il de ton côté?

JOà‹L ROELANTS:  » J’ai aussi reçu une proposition pour un contrat de 5 ans, mais je trouvais cela trop long. Nous en avons discuté, et nous avons signé un contrat de trois ans qui satisfait tout le monde. »

Ton arrivée chez Kees van der Ven signifie aussi ton départ du Team Jacky Martens, où tu étais chez toi, et qui t’avait donné ta première chance en Grand Prix. Peux-tu déjà comparer les deux teams?

JOà‹L ROELANTS:  » Les deux équipes sont très professionnelles, mais elles travaillent d’une manière différente. Jacky Martens vise avant tout le confort et la confiance de ses pilotes, tandis que Kees van der Ven se focalise plus sur la partie moto, pour permettre à ses pilotes de rouler rapidement. Je me suis toujours senti bien chez Jacky, et s’il avait eu un team disputant les GP MX2, je serais peut-être resté. »

La saison dernière, tu as terminé septième du championnat d’Europe, 34ème du championnat du monde, et vainqueur du championnat des Pays-Bas en MX2. Retrospectivement, comment juges-tu cette saison?

JOà‹L ROELANTS:  » J’ai tout perdu dans la première moitié de l’année! Avec la 144cc deux temps, je pouvais tout juste limiter les dégats dans le sable, et ainsi devenir champion des Pays-Bas. Si on regarde le palmarès de ce championnat, c’est tout de même un honneur que d’y figurer. J’avais rêvé toute l’année des 5 derniers Grands Prix du championnat du monde, et puis je me suis cassé la clavicule juste anvant Lierop. Le championnat d’Europe est parti en eau de boudin dès le début. J’ai été blessé dès le premier Grand Prix, et je n’ai pas marqué de points, puis j’ai eu des problèmes de moteur. Tout cela a rendu la situation très difficile. En juillet j’ai pu repartir avec la nouvelle moto, et j’ai immédiatement gagné au championnat d’Europe, ce qui montrait bien que ce n’était pas moi le problème. »

Chargé de développer la KTM 144cc l’an dernier, Joël a dà» renoncer à ses ambitions de titre européen…


En 2006, tu étais sur un pied d’égalité avec Dennis Verbruggen et Jeremy Van Horebeek. Tandis qu’ils avaient l’occasion de gagner de l’expérience au championnat du monde, tu devais retourner en championnat d’Europe, ce qui n’a pas donné grand chose comme résultat. A la fin de 2006, tu avais pourtant exprimé le souhait de participer au championnat du monde : condidères-tu 2007 comme une année perdue?

JOà‹L ROELANTS: « Sà»rement pas! J’y ai beaucoup appris, notamment comment rouler avec un moteur deux temps. Le moteur n’était sans doute pas très compétitif, mais tu devais rouler très juste pour entirer le maximum. Je me suis beaucoup entraîné dans le sable, et cela a donné de bons résultats avec le titre de champion des Pays-Bas. J’ai juste assuré sur la fin, lorsque le titre était en vue. Je suis très content d’avoir tellement progressé sur le sable, et j’espère faire les mêmes progrès cette année sur les circuits en dur. »

Après les départs de Dennis Verbruggen et de Steven Frassard, tu étais désigné comme le grand favori du championnat d’Europe. Mais le team a alors reçu de la part de KTM la mission de mettre au point le nouveau 144cc deux temps, et la situation a complètement changé dès le premier Grand Prix. Cela a dà» être frustrant et difficile de se battre contre les quatre temps qui avaient l’avantage sur pratiquement tous les terrains?

JOà‹L ROELANTS:  » Mentalement c’était difficile, surtout parce que je savais que je pouvais faire tellement mieux. Cela m’a rendu plus fort. Je prends tout positivement : je n’aurais quand même pas pu devenir champion du monde, donc je considère que cela n’a pas beaucoup d’importance. »

Pourtant Jacky et toi avez beaucoup utilisé le moteur comme excuse aux mauvais résultats. N’était-ce pas aussi un language de relations publiques?

JOà‹L ROELANTS: « Oui, en grande partie. C’était finalement un bon moteur, mais cela a pris beaucoup trop de temps de mise au point pour pouvoir encore en tirer profit dans la saison. C’est un très bon moteur, qui s’est amélioré avec le temps. Je suis convaincu qu’il est promis à un beau succès chez les amateurs. »

L’année 2006 avait été pleine de succès, avec ce titre de champion du monde junior et la troisième place au championnat d’Europe MX2. On parlait alors de toi comme le nouveau Joël Smets. C’était mettre les attentes pour 2007 très haut, trop haut peut-être?

JOà‹L ROELANTS:  » Non, absolument pas, j’ai quand même pu en faire une bonne saison, c’est mon avis en tous cas. Nous avons perdu du temps avec le moteur en début de saison, mais j’ai toujours continué à y croire. En première manche à Gemert par exemple, je suis tombé en panne d’essence à un demi-tour de la fin, et je n’ai pas marqué de point. Dans de telles circonstances, il faut garder le moral et continuer à aller de l’avant. Le titre de champion des Pays-Bas a pour moi beaucoup de valeur. Il est la preuve que je roule bien dans le sable, et je montrerai la même chose cette année sur les pistes dures. « 

Au début juillet, tu as pu remonter sur la 250F, et tu as tout de suite gagné à Halle et au Grand Prix de Markelo. Je me souviens encore que tu étais sur un petit nuage à Markelo…. Comment te sentais-tu après plusieurs mois difficiles?

JOà‹L ROELANTS:  » J’étais bien, naturellement! Je n’avais pas grand chose à dire, puisque les résultats sur la quatre temps parlaient d’eux-mêmes. J’avais gagné les deux courses facilement, et cela donne de la confiance. Pas seulement la victoire en elle-même, mais le fait de prouver que je n’avais pas disparu en six mois. »

Est-ce qu’il y avait alors des gens qui commençaient à douter de toi?

JOà‹L ROELANTS: « Dans mon entourage, sà»rement pas. Il y a eu bien sà»r des commentaires du genre : « Il a bien roulé pendant un an, et c’est déjà fini. » Ces commentaires ne m’intéressent pas, et j’ai pu clairement démontrer que le problème ne venait pas de moi. »

On dit que le champion a beaucoup d’amis, mais qu’il reconnaît les vrais quand les choses vont moins bien. As-tu remarqué ce genre de comportement chez les supporters la saison passée?

JOà‹L ROELANTS:  » Non, bien au contraire, mon club de supporters s’est aggrandi l’année dernière. Je crois que cela provient du fait que je n’ai jamais laissé tomber les bras, que j’ai toujours essayé de tirer le maximum de la moto. C’est ce que les gens ont apprécié. »

Tu as pu disputer quelques Grands Prix MX2 en fin de saison, avec des résultats variés. Comment juges-tu cette expérience?

JOà‹L ROELANTS:  » Je me suis blessé juste avant le premier GP à Loket, puis j’y ai reçu une pierre dans l’oeil pendant les qualifications. La douleur était trop forte pour pouvoir continuer à rouler. A Namur, je suis tombé plusieurs fois lourdement, et j’ai roulé tout le week-end avec des douleurs lancinantes. J’avais en plus des problèmes de poignet, et à la longue, je n’ai plus pu continuer, Namur est un circuit trop difficile pour y rouler diminué. J’étais physiquement rétabli pour le GP en Irlande, et j’ai voulu tellement bien faire que j’ai dépassé mes limites et suis à nouveau tombé, mais j’ai quand même pu marquer quelques points. Je voulais vraiment me montrer à mon avantage à Lierop, surtout parce que je m’étais beaucoup entraîné dans le sable, et je me suis cassé la clavicule deux jours avant le Grand Prix. J’ai eu tellement de malchance cette saison que cela ne peut qu’aller mieux dans la suite. »

Cette clavicule cassée est vraiment tombée comme un cheveu dans la soupe…

JOà‹L ROELANTS: « Oui, c’était vraiment marqué pas de chance, juste avant LE Grand Prix dans le sable, alors que je n’y avais jamais roulé aussi vite. Mais bon, il y aura d’autres années où je pourrai rouler vite à Lierop. Je me suis alors concentré sur le championnat des Pays-Bas, et cela s’est bien passé. J’ai été vraiment impressionné par la vitesse de récupération après cette fracture, grà¢ce à la pose d’une plaque métallique et de la kiné intensive. »

Le supercross de Goes vient juste d’avoir lieu. Tu as par le passé parfois participé à des supercross, notamment au championnat d’Europe à Milan, où tu t’es blessé. Pourquoi n’as tu roulé aucun supercross cet hiver?

JOà‹L ROELANTS:  » Je me concentre sur la saison outdoor. Je ne veux plus courir le risque d’être hors circuit pour trois mois, comme ce fut le cas l’an dernier après Milan. »

C’est la leçon que tu as retenue de Milan?

JOà‹L ROELANTS: « Bah, à Milan, c’était de la malchance. Je ne roulais pas comme un fou, cela aurait pu arriver à tout le monde. Mon intérêt pour le supercross n’a pas diminué, et la possibilité d’une carrière en Amérique n’a pas quitté mon esprit. Mais je veux d’abord m’imposer en Europe, pour éventuellement me tourner plus tard vers le supercross. »

Ici aux côtés du champion d’Europe Dennis Verbruggen (2), Joël Roelants (50) a joué les premiers rôles dans le championnat d’Europe MX2 en 2006.


Un physique exceptionnel

Joël, une rumeur raconte que tu rejoins le circuit de Lommel en courant, que tu t’y entraînes durement, et que tu reviens à vélo jusqu’à Grobbendonck. Cela mérite une explication…

JOà‹L ROELANTS:  » J’ai essayé une fois pour voir jusqu’où je pouvais aller physiquement, la distance est d’environ 51 km. Depuis lors, je l’ai refait quelques fois. Ce n’est pas vraiment de l’entraînement physique, parce que après trois heures, la course ne t’apporte plus rien. Mais sur le plan mental, cela fait du bien de pouvoir aller très loin. Je ne suis jamais fatigué mentalement, c’est donc que cela m’apporte quelque chose. »

Est-ce vrai qu’aux 4 heures de Eersel, tu as proposé de rouler les 4 heures seul?

JOà‹L ROELANTS:  » Oui, on dit que c’est un cross de quatre heures, mais j’y ai roulé trois fois vingt minutes. Je trouve cela un peu idiot, puisqu’en plus c’est réparti sur une journée entière. Mais ma proposition a été jugée impossible à réaliser par les organisateurs. »

Avec ton physique exceptionnel, des courses de plage comme Scheveningen ou Le Touquet semblent dans tes cordes, mais on ne t’y a pas encore vu. Est-ce un projet?

JOà‹L ROELANTS: « Sà»rement! J’ai du me retenir cette année pour ne pas y participer, c’est le genre de course que j’adore. Mais elles tombent à un mauvais moment dans le calendrier, et je ne veux pas hypothéquer ma saison de Grands Prix. Mais je le ferai sà»rement un jour. »

L’hiver dernier, tu as participé à la journée des sponsors de Jacky Martens, en jouant le rôle du singe dans le sidecar de Sven Breugelmans. Comment cela s’est-il passé?

JOà‹L ROELANTS:  » J’ai beaucoup apprécié! On dit que pratiquer le sidecar est très dangereux, et qu’il faut être fou pour s’y adonner, mais ce n’est pas mon impression. Sven n’a évidemment pas roulé à fond, mais c’était bien assez vite (rires). Nous avons essayé de réaliser des sauts, et de prendre les virages aussi vite que possible, c’était vraiment le pied. J’ai beaucoup de respect pour les gens qui roulent en sidecar. »

La nouvelle saison est à nos portes. Quel est ton programme jusqu’au GP d’ouverture à Valkenswaard?

JOà‹L ROELANTS: « Après les premiers cross de février, je n’ai rien de particulier de prévu, mais j’irai probablement rouler sur quelques circuits en dur au Portugal. Le championnat des Pays-Bas commence le 16 mars à Gemert. Je ne vais pas faire d’entraînement spécifique dans le sable, mon but cette saison est de m’améliorer sur la terre. »

« Le GP de Namur était un vrai classique! »

C’est maintenant officiel, Lommel remplace Namur. Tu connais le « Heeserbergen » comme ta poche. Cela te fait-il plaisir, ou, comme ton coéquipier Jeremy Van Horebeek, regrettes-tu la disparition de Namur du calendrier?

JOà‹L ROELANTS: « Il y a peu de gens qui vont me croire, mais j’aurais préféré rouler à Namur, c’était un vrai classique. C’est vraiment dommage qu’une compétition avec une telle histoire disparaisse du calendrier mais j’espère que ce n’est que provisoire. C’est vrai que je trouve que plus de pistes de sable devraient figurer au championnat, mais pas au détriment de Namur. »

A côté de championnat du monde, tu défendras ton titre aux Pays-Bas, et tu participeras au championnat de Belgique, je suppose.

JOà‹L ROELANTS: « Certainement, je participerai au championnat Inters MX2. Je ne m’entraînerai pas spécifiquement pour ces deux championnats nationaux, parce que je me focaliserai sur les circuits du championnat du monde. Mais, comme d’habitude, si je prends le départ d’une course, c’est avec l’intention la gagner. »

Quelles sont tes ambitions cette année?

JOà‹L ROELANTS: « Je voudrais vraiment prolonger mon titre aux Pays-Bas, sans pour autant m’entraîner spécifiquement dans le sable. J’espère aussi réussir de belles prestations au championnat de Belgique, mais l’objectif véritable est le championnat du monde! Je vais essayer de m’améliorer à chaque Grand Prix, sans me focaliser sur le résultat, ce serait stupide. »

Il y a deux ans, lorsque nous nous étions rencontrés, tu voulais devenir « le meilleur de tous les temps ». Te connaissant, je suppose que tu n’as pas changé ton objectif?

JOà‹L ROELANTS: « Evidemment non! Ce n’est pas parce que j’ai déjà 18 ans que, comme certains le pensent, c’est déjà trop tard pour moi! Tu es au mieux de tes performances entre 25 et 30 ans, et quand je vois comment Stefan Everts a pu continuer à gagner sur son physique, ce n’est pas une nécessité d’être au top trop vite. »

Texte: Tommy Ivens | Photos: R. Verhagen

Vos commentaires