Thierry Klutz avait fait cette année de l’enduro belge sa priorité. Une stratégie qui s’est avérée payante pour le nouveau champion de Belgique d’enduro. C’est lui aussi qui veille également depuis quelques mois auprès de la Communauté Française à la mise en place de sites d’entraînement permanents. Une mission dans laquelle le champion fait preuve de la détermination qu’on lui connaît et qui pourrait bien rapidement déboucher sur des résultats concrets. C’est en tout cas un Klutzy plein d’idées et de projets qui se confie à nous…
Thierry, comment expliques-tu que, malgré ton expérience et tes résultats en WEC ou en championnat de France, tu n’aies jamais remporté la moindre épreuve belge avant celle de Warnant cette saison ?
Thierry Klutz : « Dès mes première apparitions sur le championnat de Belgique, je me suis vite rendu compte que cela ne serait pas facile de gagner. C’est tellement différent de ce que je connaissais… La France, où j’ai réellement fait mes débuts en enduro, me convient mieux. Les parcours sont plus usants, les spéciales beaucoup plus longues, ce qui donne droit à l’erreur. En Belgique, avec parfois seulement 10 minutes de spéciale sur la journée, la moindre petite faute se paie cash. De plus, il faut bien avouer que les organisations sont moins professionnelles et j’avais tendance à moins m’investir dans le championnat de Belgique que dans les autres épreuves. »
Cette saison, tu t’es pourtant investi à 100% dans le championnat, avec le titre Scratch à la clé…
Thierry Klutz : « Oui, 2008 est la première année où j’ai décidé de m’impliquer à fond dans le championnat belge. J’ai démarré la saison en partant avec l’objectif de devenir champion de Belgique. C’était aussi mon premier championnat Belge complet. Je savais que cela ne serait pas facile mais il n’y avait non plus aucune raison pour que je ne gagne pas !
Le début de saison a été d’ailleurs un peu difficile car il fallait que je m’habitue à la moto. Après la première moitié du championnat, j’ai changé de machine et je suis reparti avec une moto neuve 100% standard, sur laquelle je me suis contenté de monter mes suspensions WDS, qui m’apportent pas mal de sécurité et de confort. C’est à partir de ce moment que j’ai réellement commencé à marquer de gros points pour le titre. »
La régularité, cela faisait partie de la stratégie que tu avais élaborée en début de saison ?
Thierry Klutz : « Oui, tout à fait. J’ai toujours beaucoup roulé à moto. Avant, je roulais 4 à 5 fois par semaine. Aujourd’hui mon emploi du temps ne me permet plus que de rouler 1 ou 2 fois. Or, je suis un pilote qui a besoin de beaucoup d’entraînement, c’est comme ça ! Je savais donc que le fait de rouler moins serait un handicap pour moi et j’ai donc préféré jouer la carte de la régularité cette année plutôt que de vouloir gagner à tout prix. Malgré tout, on n’est jamais à l’abri d’une erreur, comme à Esneux où je perds la victoire à cause d’une petite faute dans la dernière spéciale. Ni même d’un ennui mécanique. Lors du cross final à Hautrage, je suis d’ailleurs passé tout près de l’abandon ! A cause d’un bri d’amortisseur, j’avais dà» ralentir la cadence pour assurer le titre mais à l’arrivée, on a constaté que les chocs engendrés par le manque d’amortissement ont fait en sorte que la batterie de ma Husqvarna ne tenait plus qu’à un fil ! Bref, j’ai atteint l’objectif que je m’étais fixé mais, comme je m’y attendais, cela n’a pas été facile. D’autres pilotes étaient là aussi pour gagner… »
« Je préfère rester chez moi que de participer à un enduro organisé à moitié! »
Tu t’es investi cette année dans l’organisation de l’enduro d’Esneux, une épreuve qui a fait figure de référence dans le calendrier 2008. Globalement, que penses-tu de l’évolution du championnat de Belgique ?
Thierry Klutz : « Aujourd’hui que j’ai moi-même participé à l’organisation d’un enduro, je vois les choses différemment, et je me permets d’ailleurs de parler autrement. Le championnat de Belgique est ce qu’il est mais je suis persuadé qu’il y a moyen de faire mieux. Certains clubs ont bougé cette année, se sont battus pour faire en sorte de proposer une épreuve qui tienne la route, avec 2 spéciales, de belles liaisons,… Notre objectif à Esneux, c’était de proposer la plus belle épreuve de la saison. Nous nous y sommes pris plus de 8 mois à l’avance pour préparer les liaisons. Et je me suis rendu compte qu’il y a moyen de faire quelque chose de bien sans obtenir des autorisations de fou. Je pense que pas mal de clubs ont travaillé dans le même sens que nous cette année et c’est très bien. D’autres, en revanche, devraient se remettre en question. Je crois que la fédération devrait proposer un cahier des charges beaucoup plus strict. Le club qui ne sait pas s’y tenir, qu’il n’organise pas ! Je peux paraître un peu dur, mais c’est la réalité. On a la chance d’avoir des pilotes et des importateurs qui s’investissent dans le championnat, il faut les respecter ! Franchement, je préfère rester chez moi que de participer à un enduro organisé à moitié. »
Au-delà de l’épreuve d’Esneux, tu n’as jamais pensé t’impliquer dans l’organisation du championnat en général ?
Thierry Klutz : « Si, j’y pense sérieusement. En principe, 2009 sera ma dernière saison en tant que pilote, toujours avec Husqvarna. Après, j’aimerais m’impliquer dans l’enduro en général et j’espère que l’on m’en donnera la possibilité. Il y a en Belgique pas mal de personnes compétentes, il suffit qu’elles puissent prendre place dans ce qu’elles savent faire le mieux et je pense que là, on pourra évoluer rapidement et dans le bon sens. Pour progresser, il faut aller voir ce qui se passe chez nos voisins, analyser ce qui se fait de bien et de moins bien. »
Tu n’étais pas aux 6 Jours en Grèce, au même titre que d’autres parmi nos meilleurs représentants. Comment expliques-tu le désintérêt des top-pilotes belges pour l’épreuve ?
Thierry Klutz : « Je pense que le problème vient de la politique adoptée par la fédération. On voit année après année, il n’y a pas de vision à long terme susceptible de motiver de jeunes talents ou de bons pilotes. Personnellement, je tire mon chapeau à ceux qui ont eu le courage d’y aller cette année mais la Belgique aurait mérité une équipe plus compétitive. Mais que faire pour donner envie aux pilotes de représenter au mieux leur pays dans ce genre de compétition ? Je pense que la réponse est à trouver dans une revalorisation du championnat de Belgique. Ce serait du moins un bon début ! »
« Kevin Gauniaux a tout pour se faire un nom en enduro »
Pour revenir au championnat de Belgique, qu’as-tu pensé de la progression de Kevin Gauniaux cette année ? Quel avenir lui vois-tu en WEC les prochaines saisons avec GasGas ?
Thierry Klutz : « Il a prouvé qu’il a vraiment du potentiel ! J’ai été agréablement surpris par sa vitesse cette saison. Je pense que c’est l’année prochaine, en mondial, que l’on verra ses vraies qualités. Se battre pour la victoire, c’est toujours valorisant et motivant mais lorsqu’il devra se battre pour terminer 10ème en WEC, c’est à ce moment là qu’il devra faire preuve de caractère. Cet hiver, il devra s’entraîner pour corriger ses défauts mais je suis persuadé qu’il a tout ce qu’il faut pour faire des résultats et se faire un nom en mondial. Je lui ai d’ailleurs proposé mon aide. Je crois que mon expérience du mondial devrait l’aider à progresser.
En tout cas, le fait d’avoir signé avec GasGas, c’est le meilleur choix qu’il pouvait faire. Personnellement, je garde un très bon souvenir du team avec lequel j’ai d’ailleurs fait mes débuts en WEC. Ils s’impliquent à 100% et ont une expérience incomparable ! »
Et Jean-François Goblet, comment analyses-tu sa première saison en tant que pilote officiel BMW ?
Thierry Klutz : « Avec sa blessure, il n’a pas eu de chance et cela a faussé complètement toute sa saison. Jean-François est un garçon qui se donne à 150% pour l’enduro et il mérite de percer en enduro. Ces derniers mois, il a beaucoup évolué, notamment en cross et en préparation physique mais cela ne suffit pas. Tout le monde n’est pas fait pour être champion du monde. Cependant, j’attends 2009 avec impatience pour voir vraiment de quoi il est capable, après une saison 2008 qui était davantage une année de lancement… »
Tu disais tout à l’heure que 2009 serait ta dernière saison. Tu comptes vraiment tout arrêter à la fin de la saison prochaine ?
Thierry Klutz : « Oui ! J’aurai 38 ans l’année prochaine et je crois qu’il y a un moment où il faut savoir dire « stop ». Personnellement, prendre le départ d’une course en Belgique pour terminer 4ème ne m’intéresse pas. Je repars donc pour une dernière saison avec Husqvarna, avec l’objectif d’être à nouveau devant. J’ai eu des contacts avec GasGas, KTM et Husaberg mais j’ai resigné Husky car je suis très content de la qualité du matériel qu’ils m’ont mis à disposition cette année et de la manière dont cela c’est passé cette saison. »
Terrains permanents : des pistes concrètes
Depuis quelques mois, tu es chargé par la Communauté Française d’aider à la mise en place de terrains d’entraînement permanents. Les choses évoluent-elles favorablement de ce côté ?
Thierry Klutz : « Les choses évoluent. Lentement, mais elles évoluent ! Aujourd’hui, après quelques mois d’expérience, je me rends compte qu’on aura besoin de beaucoup de temps, essentiellement parce que l’on travaille avec des gens qui n’ont pas que cela à faire. »
Quelle est exactement ta position par rapport aux différents dossiers en cours à ce jour ?
Thierry Klutz : « Je suis entre le promoteur du projet, les administrations et le monde politique. J’ai la chance de pouvoir m’occuper à temps plein de suivre les dossiers et de veiller à ce qu’ils avancent. Aujourd’hui, je dois encore me faire connaître davantage, certains hommes politiques ne sont d’ailleurs pas encore au courant que ma fonction existe. En lisant récemment l’interview du Ministre Benoît Lutgen dans Moto80, je me suis aperçu qu’il ne me connaît visiblement pas ! Depuis, je lui ai envoyé un e-mail et j’ai obtenu un rendez-vous. C’est son bras droit qui m’a reçu car le Ministre a dà» se rendre en urgence au Parlement. J’ai fait l’état des lieux des circuits permanents, j’ai exposé à quel stade j’en étais aujourd’hui ainsi que les ennuis rencontrés. Je pense avoir été écouté. Je sais cependant que la partie n’est pas gagnée et qu’il me faudra beaucoup de ténacité pour obtenir des résultats concrets. Mais bon, je m’y attendais et c’est en cela que mon rôle est important et ardu. »
Quels sont les objectifs fixés à court et long termes ?
Thierry Klutz : « A court terme, on aimerait mettre en place un site permanent, qui servirait de référence quant à l’élaboration d’un cahier des charges pour tous les sites à l’avenir. A plus long terme, notre objectif est d’arriver à obtenir 2 circuits par Province. »
Aujourd’hui, tu as déjà des pistes concrètes ?
Thierry Klutz : « Oui, je travaille sur plusieurs dossiers qui pourraient déboucher assez rapidement sur quelque chose de concret. J’ai 2 projets en Province de Liège, 2 également en Province de Luxembourg et un dans le Hainaut. »
Enfin, je suppose que ton premier rendez-vous sportif de la saison 2009 sera l’Enduropale du Touquet ?
Thierry Klutz : « Je n’ai pas de contrat pour les courses de sable avec Husqvarna. Mais je vais faire le maximum pour être au départ cette année encore car je dois avouer que cette course me laisse un petit goà»t amer dans la bouche. Après mes podiums en 1995 et en 2001, mes deux deuxièmes places en 2002 et 2004 puis mes casses mécaniques les quatre dernières années, j’aimerais avoir au moins une fois les moyens de me remettre en évidence dans une course lors de laquelle je suis pourtant toujours parmi les plus rapides. »
Texte & photos: Olivier Evrard