Interview Julien Bill | « Je ne vis pas mon passage en MX3 comme un retour en arrière! »

Decrease Font Size Increase Font Size Taille du texte Imprimer

Favori logique du mondial MX3, dont la première épreuve se déroulera ce week-end en Grèce, Julien Bill sort pourtant de 2 saisons particulièrement difficiles avec le team Aprilia en MX1. Reparti sur de nouvelles bases au sein d’une structure qu’il a lui-même créée avec son ami Alain Pellicari et de retour sur une Honda qui lui va comme un gant, le pilote Suisse nourit forcément de grandes ambitions pour cette saison 2011 qui devrait lui permettre de se refaire un nom parmi l’élite du motocross mondial.

Avec le recul, quel sentiment gardes-tu de la période Aprilia?

Julien Bill: » Cela a été une expérience très difficile. Mentalement, j’ai vraiment pris un coup. Une fois sur deux, j’abandonnais à  cause d’ennuis mécaniques. En tant que pilote professionnel, s’entraîner dans le vide, cela devenait très difficile à  encaisser. A mi-saison l’année dernière, les problèmes étaient trop nombreux et les gens de chez Aprilia étaient concentrés à  100% sur Josh (Coppins, ndlr) tandis que j’étais pour ma part laissé complètement sur le côté. Dans ces conditions, il était devenu difficile pour moi de garder la motivation nécessaire. J’estime avoir malgré tout perdu mon temps durant les 2 années chez Aprilia mais j’ai surtout perdu ma cote en tant que pilote. Je n’en garde donc pas un très bon souvenir mais c’était mon choix et j’ai malgré tout engrangé pas mal d’expérience en ce qui concerne le développement d’une machine. »

Selon toi, qu’est-ce qui a manqué au projet Aprilia pour aboutir?

Julien Bill: « Je pense que les ingénieurs n’étaient pas réellement à  l’écoute des pilotes. Ils faisaient beaucoup de développements de nouvelles choses à  l’usine, sur les bancs d’essai, et nous faisaient tester tout cela directement sur les GP.  Il y avait sans arrêt des changements sur nos machines et je dois dire que j’ai rarement roulé 2 GP de suite avec la même moto. Il y avait sans arrêt de nouvelles choses et les machines étaient finalement composées d’un assemblage de tout ce qu’ils trouvaient mais c’était très rare que cela fonctionne correctement. Ils ont essayé de transposer leur expérience du championnat MotoGP mais je pense qu’en motocross, le feeling du pilote est prépondérant et l’approche est donc finalement très différente. Dans ces conditions, cela ne pouvait pas fonctionner. »

Après avoir quitté Aprilia, tu es néanmoins parvenu à  rebondir plutôt bien, notamment avec une victoire au dernier GP MX3 de la saison en Suisse…

Julien Bill:  » En effet, j’ai pu rapidement trouver un deal avec KTM/Sarholz pour poursuivre le championnat MX1. Si j’ai décidé de rouler à  Ganève pour la finale du championnat MX3, c’est tout simplement parce que, mon père ayant eu quelques ennuis de santé, je n’ai pas eu l’opportunité de partir en Belgique pour préparer le GP de Lierop. Plutôt que de risquer de faire un résultat entre 15 et 20 en MX1 étant donné mon manque de préparation, j’ai donc préféré m’aligner sur le dur, là  où je sais que je suis rapide. D’autant plus que la finale du championnat MX3 était chez moi, à  Genève. La décision a donc très vite été prise. Tout s’est bien passé pour moi, avec la victoire dans les 2 manches et je me suis évidemment félicité d’avoir décidé d’y participer. Cette victoire m’a ouvert les yeux sur le championnat MX3 et les opportunités à  saisir dans cette catégorie cette année. »

Cette saison en MX3, c’est une année stratégique dans le but de retrouver un bon guidon MX1 en 2012?

Julien Bill: « Quand j’ai contacté les teams pour rouler cette année en MX1, je n’ai reçu aucune réponse positive. Après m’être laissé un peu oublier durant 2 ans chez Aprilia, plus personne ne souhaitait miser sur moi. J’ai donc dà» trouver une solution pour rouler malgré tout et, avec Alain Pellicari, qui est le designer qui dessine mes casques, nous avons pris la décision de mettre sur pied notre propre structure. Tout s’est fait assez rapidement, en quelques mois. Nous avons trouvé pas mal de partenaires qui ont accepté de nous suivre dans l’aventure et c’est d’ailleurs en discutant avec ces partenaires que mon choix s’est porté vers le championnat MX3. Entre un possible top-10 ou top-15 en MX1 et la perspective d’un titre mondial en MX3, nos sponsors ont tous fait le choix du MX3. Pour la suite, on verra comment les choses évoluent. Si nos partenaires souhaitent tenter le coup en 2012 en MX1 et si nous avons les budgets nécessaires, pourquoi pas. A moins que, si je suis champion MX3, je ne fasse le choix de rouler une année avec la plaque de numéro 1! »

Le championnat MX3 n’est-il pas malgré tout devenu sous-médiatisé?

Julien Bill: « J’en ai parlé avec Giuseppe Luongo, qui habite en Suisse et que j’ai l’occasion de rencontrer de temps en temps, et il m’a garanti que le championnat MX3 serait cette année bien plus médiatisé que l’an passé.  Il n’y aura pas de direct pour le MX3 mais les chaînes spécialisées retransmettront pas mal de résumés en différé. Pour les gens qui ne sont pas dans le milieu, j’estime que si en fin d’année j’ai la chance de devenir champion du monde MX3, les gens retiendront seulement que Julien Bill est champion du monde. MX1 ou MX3 finalement, pour le grand public extérieur au motocross, cela n’a que peu d’importance. Le calendrier est en outre intéressant, avec 15 GP dont 3 en Amérique du Sud. Personnellement, je ne vis pas du tout ce passage en MX3 comme un retour en arrière. »

Tu es de retour sur une Honda 450 CR-F. C’est une machine qui te convient plutôt bien et sur laquelle, au vu de tes résultats durant l’avant-saison, tu as rapidement retrouvé tes marques.

Julien Bill: « Oui! Mes plus belles années en MX1, je les ai passées lorsque j’étais chez Honda-Martin, avec notamment un podium à  Namur. C’est donc une machine avec laquelle j’ai de bons souvenirs et qui me convient particulièrement bien. Avec la Honda, je me sens à  l’aise et je suis en pleine confiance. Maintenant, je tiens à  préciser que nous n’avons aucun soutien de Honda. Nous avons payé nos motos comme le plus anonyme des amateurs. C’est pour cela aussi que nous avons décidé de décorer nos machines en noir et blanc car nous ne souhaitons en aucun cas faire de la publicité pour Honda. »

Quels sont les partenaires principaux qui rendent possible le financement d’une campagne mondiale?

Julien Bill: « Nous avons Monster Energy Suisse, Coficap, une société de crédit hypotécaire suisse, Pellicari Design, qui fait de la carrosserie voiture, de la peinture d’avions, de casques et pas mal d’autres choses, et François Jaunain, le maire du village dans lequel j’habite, qui est charpentier et qui a investi également pour que nous puissions rouler. En fait, tout le monde s’est investi autour de moi pour me permettre de rouler cette saison. »

Tu n’es pas seul dans le team puisqu’à  tes côtés, on retrouve également 2 jeunes pilotes.

Julien Bill: « Effectivement. Disons que je suis le représentant du team sur la scène internationale mais le team a aussi l’objectif de permettre aux fils d’Alain Pellicari et de François Jaunain de rouler et de progresser dans le championnat national suisse. En créant cette structure, je prépare aussi tout doucement mon après-carrière. Car, si tout se passe bien, pourquoi ne pas poursuivre dans le futur en tant que manager de ce team et permettre à  de jeunes talents suisses d’évoluer jusqu’au meilleur niveau. »

Trois GP outre-mer, pour une structure privée comme la vôtre, ce n’est pas trop lourd à  gérer?

Julien Bill: « Ce que peu de gens savent, c’est que nous recevons de Youthstream un budget de 10 000 € pour financer ces déplacements, ce qui n’est pas le cas en MX1 où les teams ne reçoivent aucune aide. C’est sà»r que cela coà»te malgré tout de l’argent et que c’est plus compliqué que de faire un simple GP en Europe mais, en s’organisant bien et grà¢ce au soutien de Youthstream, on parvient à  s’en sortir correctement. »

J’imagine que tu dois avoir certaines personnes à  remercier…

Julien Bill: « Oui, évidemment! Je tiens particulièrement à  remercier mes partenaires Alain Pellicari et François Jaunain mais aussi mes parents, qui sont toujours là  pour me soutenir dans les moments difficiles. Je dois aussi remercier Tony Lefèbvre qui est toujours là  pour moi et qui n’hésite pas à  prendre beaucoup de son temps et à  faire parfois des centaines de kilomètres pour venir m’aider. Tout ce qu’il fait tes très précieux pour moi. Enfin, il y a tous nos sponsors, que je ne vais pas énumérer mais il y en a malgré tout un que j’aimerais citer car c’est notre seul sponsor belge! Il s’agit de Jean-Pierre Gilmart qui, avec sa société Art Factory, réalise nos kits déco. Merci à  tous pour leur aide! »

Texte: Olivier Evrard

Vos commentaires