Depuis qu’elle s’est retirée de la compétition, Livia Lancelot dirige l’équipe 114 Motorsports Honda, laquelle a su se faire une place en vue dans le paddock MXGP. Les pilotes de l’équipe managée par la double championne du monde ont régulièrement fait briller les couleurs Honda ces 5 dernières années. Lancelot a fait du bon travail et peut regarder en arrière avec fierté. Elle a cependant décidé de se retirer pour se concentrer dorénavant sur le management d’une équipe engagée sur le nouveau championnat du monde de Supercross. On en discute avec Livia.
MXMag : Le WSX, c’est complètement différent de ce que tu as connu ces dernières saisons en MXGP !
Livia Lancelot : « C’est sûr que c’est différent. Le Supercross, je connais car nous avons en France le plus grand Supercross d’Europe à Paris. J’ai vu le Supercross de nombreuses fois et j’ai moi-même eu la chance de participer aux X-Games et au SX de Paris. J’ai un peu d’expérience en Supercross, ce qui m’a donné l’opportunité de diriger le team WSX. Comme vous le dites, c’est très différent, mais au bout du compte, c’est le même sport et nous avons la même passion. Maintenant, il s’agit juste d’essayer d’apprendre tout ce qu’il y a à apprendre avec la nouvelle organisation, les nouvelles personnes autour et les nouveaux pilotes. Je suis vraiment heureuse d’être ici. »
MXMag : La mondialisation du SX, historiquement centré sur les USA, c’est positif pour le sport ?
Lancelot : « Bien sûr, les meilleurs pilotes de Supercross du monde roulent en Amérique, mais ce n’est que l’Amérique. Même s’ils ont les meilleurs pilotes parce que les pilotes internationaux vont rouler là-bas, cela rend la discipline difficilement accessible pour les fans. Maintenant, c’est l’occasion pour tout le monde de suivre un vrai championnat de Supercross. C’est important car si vous voulez voir une vraie course de Supercross aujourd’hui, vous devez prendre l’avion pour l’Amérique. Ce n’est pas facile. En tant que Français, par exemple, vous pouvez prendre l’avion pour Cardiff assez facilement, l’an prochain on aura peut-être une étape du championnat en France, c’est très différent. Avoir la chance de voir ces gars courir en direct était très difficile pour un fan européen avant cette série WSX. »
MXMag : Pour en revenir à la saison de MXGP, 114 Motorsports s’était toujours concentré sur le MX2 avant cette année. Puis vous avez commencé avec Ruben Fernandez en MXGP cette année et Hakon Fredriksen en MX2 avant qu’il ne passe en MXGP pour devenir une équipe MXGP à part entière. Quel bilan tirez-vous de cette saison ?
Lancelot : « Je veux préciser que l’équipe a été créée pour trouver de nouveaux jeunes pilotes afin de pouvoir les donner au HRC plus tard. C’est pourquoi j’étais là, c’est pourquoi Giacomo (Gariboldi) m’a demandé si j’étais motivée pour créer l’équipe et travailler avec lui. C’est ce que nous avons fait ces cinq dernières années. Avec Ruben c’était un peu différent parce que les deux pilotes du HRC étaient sous contrat. Cela signifiait donc que Ruben n’avait pas de place pour rouler HRC cette année. Mais Honda voulait garder Ruben dans la famille après l’excellente saison qu’il a faite en MX2 en 2021. Nous devions trouver une solution, c’est pourquoi nous sommes allés en MXGP avec Ruben. Au début, ce n’était pas mon objectif de faire courir des pilotes de 450cc, je voulais essayer de donner de l’expérience aux jeunes pilotes et les amener dans une équipe d’usine. Nous sommes donc arrivés en MXGP pour donner à Ruben une moto d’usine, une moto qu’il méritait, il l’a prouvé cette année. »
« Fredriksen est un grand gaillard et il avait du mal avec les départs sur la 250cc et avait besoin de beaucoup de puissance. Ce n’était pas facile pour lui en MX2, nous n’avons pas trouvé de solution avec la 250cc alors il a proposé de piloter une 450cc en MXGP. C’était en fait la meilleure solution pour tout le monde parce que ce que nous voulions, c’est que le pilote soit heureux, qu’il se sente bien sur la moto et qu’il se sente bien avec l’équipe. Malheureusement, il s’est blessé lors de la première course sur la 450cc avec une grosse chute. Il s’est bien préparé et était prêt pour cette catégorie, mais il n’a pas eu de chance. »
MXMag : Toutes les bonnes choses ayant une fin, tu as pris la décision de ne plus manager d’équipe en GP l’année prochaine…
Lancelot : « Il y a beaucoup de choses différentes qui sont arrivées en même temps. Vous savez, une saison coûte de plus en plus cher chaque année. Les prix de beaucoup de choses ont augmenté, le soutien des sponsors ne progresse pas, bien au contraire, car pour eux c’est la même histoire. Pour l’instant, Honda ne veut pas apporter son soutien à une équipe MX2. C’est difficile parce que notre objectif est d’être une équipe MX2, mais sans moto d’usine, vous ne pouvez pas vous battre en tête. Je ne voulais pas continuer à me battre pour la huitième ou la quinzième place ou ce genre de choses. »
« D’accord, nous avons eu de la chance avec quelques pilotes qui ont fait du bon travail, mais nous avons besoin de plus de soutien pour être plus souvent dans le top-5. Depuis que j’ai compris que cela n’allait pas se produire la saison prochaine, j’ai commencé à regarder un peu autour de moi pour voir ce que je pourrais faire à l’avenir. J’ai fait cinq ans comme ça et c’est beaucoup de travail pour tout mettre en place. Pour l’année prochaine, je n’avais pas de pilote capable de faire quelque chose comme Ruben. Comme vous le savez, vingt courses par saison, c’est long, pour les pilotes mais surtout pour le staff et je n’étais absolument pas prête à passer une saison à me battre pour le top-15. »
« Alors, SX Global est apparu et le Supercross est aussi quelque chose de différent. Vous êtes dans de grandes villes, les déplacements sont plus faciles, les hôtels sont proches, pas de voitures de location, un taxi jusqu’à l’hôtel puis vous marchez jusqu’au stade, pas de boue… Il y a beaucoup d’éléments qui ont fait que j’ai fait ce choix. »
MXMag : Ton retrait en tant que manager signifie-t-il que tu te retires complètement du motocross ?
Lancelot : « Non, je n’ai pas dit que je ne serais pas là l’année prochaine. Je veux continuer à travailler, je m’occupe de la logistique avec l’équipe depuis des années maintenant, donc travailler dans l’ombre est le but. C’est définitivement une option. Ce que j’ai déjà dit à l’équipe et à Giacomo, c’est que j’ai 34 ans maintenant, que je veux construire une famille et voyager un peu moins pour rester à la maison. Cette vie est folle. Vous pouvez faire ça pendant quelques années mais pas toute votre vie. Le motocross, c’était aussi trop de courses, on ne peut pas être manager d’équipe et ne se présenter qu’à cinq courses sur vingt. Ce n’était pas possible mais avec le Supercross c’est un peu différent parce qu’il y a un super staff derrière et Giacomo fait partie de l’aventure. L’année prochaine, le plan pour le WSX est d’avoir 10 épreuves, ce qui représente déjà la moitié du calendrier MXGP, ce qui rend les choses plus faciles pour moi. J’ai eu une vie de pilote pendant de nombreuses années, puis de team manager, il est temps maintenant de construire autre chose. »
MXMag : Et le mondial féminin ? On sait que c’est très difficile pour les filles… Tu pourrais encore aider dans le future l’une ou l’autre fille à percer sur ce championnat que tu as remporté à deux reprises ?
Lancelot : « Oui, le WMX est vraiment difficile pour les filles. Les budgets sont fous et les sponsors ne sont pas vraiment intéressés. Ca marche uniquement pour quelques filles. Pour Courtney (Duncan) ou pour Lotte (Van Drunen), ça fonctionne et j’en suis vraiment heureuse. Ça marchait pour moi et ça marchait pour Kiara (Fontanesi) mais à côté de ces quelques exceptions, la vie de ces jeunes filles est vraiment difficile. Si je peux encore aider l’une ou l’autre fille, je ferai de mon mieux mais le principal problème est le budget. Si elles trouvent un budget, je suis heureuse de les aider mais je ne peux pas courir partout pour trouver un budget pour elles, ce n’est plus mon travail. Je l’ai déjà fait pour moi pendant si longtemps… Mais oui, je regarde toujours vers le WMX et j’essaie de construire quelque chose. Ce serait quelque chose de génial, je parle avec quelques filles et j’essaie de travailler sur un projet. Peut-être pas en 2023 mais en 2024, c’est dans ma tête avec d’autres projets… »
Interview: Andy McKinstry