Encore présent dans le top 10 du mondial MXGP à une poignée de reprises cette année, Benoit Paturel se retrouve dans une position délicate à l’intersaison, à savoir sans guidon pour 2025. L’association avec De Baets Yamaha en péril fin 2023, Benoit avait finalement attaqué la saison 2024 avec un train de retard sur sa préparation, comme sur ses concurrents. Fin 2024, il était entendu que l’équipe De Baets arrêterait ses opérations. Le team belge continuera finalement en 2025… sans Benoit Paturel. Le Français attend donc une offre pour espérer pouvoir continuer à s’exprimer au plus haut niveau.
Benoit, pour commencer, ce serait bien de faire un point sur ta situation à l’intersaison. As-tu des contacts avec certaines équipes ?
Benoît Paturel : « Pour l’instant, pas de touches concrètes. Des discussions oui, mais touches concrètes non. Un projet concret ? non plus. J’espère que ça se décantera rapidement, parce que pouvoir faire de la moto, ça me manque. Mais voilà, pour l’instant pas de moto… J’espère pouvoir remonter dessus rapidement, et pouvoir faire un hiver correct. »
La dernière fois que je t’ai vu en piste, c’était en Suisse à Frauenfeld, tu t’es fait découper par un pilote le samedi et ça t’a forcé à stopper ton week-end. De là, on ne t’a plus revu en fin de saison. Pourquoi ?
Benoît Paturel : « Après la Suisse, j’ai mis quelques jours à m’en remettre, mais je n’étais pas blessé. Le team a décidé de ne pas m’envoyer en Turquie, puis pas en Chine non plus alors que de base, c’était prévu. Après, je me suis entraîné une fois ou deux, puis finalement, ils ne voulaient pas que j’aille en Espagne non plus. Donc les trois derniers GP, c’était sans moi, et je n’ai pas pu finir correctement la saison; c’est bien dommage. »
Comment le team t’explique-t-il alors qu’ils ne veulent pas que tu fasses les derniers GP ?
Benoît Paturel : « Au tout départ, c’était dans le but de garder du budget pour l’année suivante. Finalement, c’était complètement faux puisque le team s’arrêtait – enfin devait s’arrêter. En gros, voilà l’excuse. »
Pour l’instant, tu n’as pas de guidon pour l’an prochain. Pourtant je crois que tu restes actif à l’intersaison, non ?
Benoît Paturel : « C’est ça, je continue à m’entretenir, à bosser tous les jours. Je fais des séances physiques 2 à 3 fois par jour pour garder la forme, et pour que ça ne soit pas trop compliqué de reprendre quand je remonterai sur une moto. C’est pour essayer de ne pas trop perdre la base physique, mais aussi garder un objectif en tête et me dire qu’une porte va s’ouvrir. Ça m’aide à rester motivé. Il faut toujours se battre, comme je l’ai toujours fait. Là, les cartes ne sont pas dans mes mains. Je n’ai pas envie d’arrêter tout de suite, alors on va continuer comme ça tout en restant confiant. J’espère qu’une porte va s’ouvrir rapidement. »
Tu te retrouves donc à l’intersaison sans team, sans mécano, sans rien. Tu ne t’entraînes même plus finalement ? Tu n’as même pas de moto aujourd’hui ?
Benoît Paturel : « Oui, les gens ne se rendent pas compte, mais derrière, c’est toute une organisation de s’entraîner à ce niveau là. Il n’est pas question de prendre ton van et d’aller rouler, ce serait bien trop facile. Il faut un gros budget pièces, mais aussi un gros stock de pièces, parce que nos entraînements représentent beaucoup de roulage. Tu passes entre 2 et 3 pneus à chaque entraînement, des kit-chaînes, des embrayages et tout ce qui va avec. Il te faut un mécano compétent à tes côtés pour pouvoir suivre le rythme, parce qu’on parle de 4-5 roulages par semaine. On n’est plus dans l’optique de faire du loisir, on n’est pas là pour s’amuser; c’est vraiment très pointilleux. Donc il y a aussi l’entretien de la moto derrière. Tout seul, c’est impossible, en tout cas pour faire du bon travail et se concentrer sur le niveau professionnel, le niveau MXGP. C’est compliqué de passer de tout, à rien, mais pour l’instant, c’est comme ça. »
J’ai l’impression que même si tu avais un budget illimité en privé, tu manquerais de temps finalement.
Benoît Paturel : « Si j’avais un énorme portefeuille, je créerais une structure avec des gens compétents en attendant qu’un team officiel – ou un bon team – ait une opportunité. Ça, je pourrais le faire si j’avais un budget illimité, mais aujourd’hui, il faut penser à l’avenir et on ne peut pas faire n’importe quoi non plus. »
Jan Pancar arrive à performer avec des programmes privés chaque année. Il reçoit des offres pourtant, mais il préfère être maître de son programme pour l’heure. Un programme privé comme lui finalement, ce n’est pas jouable pour toi ?
Benoît Paturel : « Ça représente un budget énorme. Je pense que Jan a énormément de sponsors privés en provenance des pays de l’Est, et donc du budget à droite à gauche. Je pense qu’il se débrouille aussi très bien avec son père, même s’il a reçu des offres. En France, c’est quand même compliqué de monter sa propre structure sur les grands prix, surtout dans le climat économique actuel. On a vu que Jordi Tixier l’avait fait il y a quelques années; il était rapidement revenu à la raison. Pour faire les grands prix en tant que privé, c’est compliqué, à moins d’avoir 500.000€ sur le compte en banque. Et encore, il faut vouloir les mettre… »
Il y a toujours deux versions d’une histoire. C’est quoi celle de Benoit Paturel par rapport au team De Baets ?
Benoît Paturel : « En fait, je devais être engagé avec De Baets en 2025. C’était le deal, ça devait continuer pour moi. Le team m’a fait savoir qu’ils arrêtaient, et finalement, je viens d’apprendre que ça continuerait. Le plan à la base, c’était de repartir avec moi, et peut-être un pilote sur l’Europe en 2025. Du coup, les gens s’attendaient à ce que je continue avec De Baets l’an prochain et en fin de compte, je n’étais pas dans les discussions au niveau des teams. »
« L’année passée, il y a eu quelques malentendus, des incompris. Ça n’a pas été très clair avec le team: ils ont arrêté, puis ils ont trouvé des solutions pour repartir. Je pense que si des gens avaient de l’intérêt pour moi pour l’an prochain, ils ne se sont pas manifestés vu que je devais repartir avec De Baets. »
Effectivement, on entend que De Baets Yamaha continuera finalement en 2025. Surpris ?
Benoît Paturel : « Très surpris, j’étais au Supercross de Paris, et une vingtaine de personnes sont venues me voir en me disant que ça allait continuer, qu’ils étaient surpris parce que je n’étais plus dans les plans. Moi, j’étais le premier surpris d’entendre que ça reparte, parce que j’étais vraiment dans les plans initiaux. Avec De Baets, ça devait continuer seulement pour moi et un autre pilote… mais apparemment non. En fait, l’équipe devait s’arrêter comme vous avez pu l’annoncer lors des semaines précédentes et là, finalement, ça repartirait … mais sans Paturel. Donc très surpris, très déçu aussi. Même après 10 ans de GP, on apprend encore chaque saison; c’est un milieu qui est comme ça. Mais on continue sa route, chacun de notre côté. »
« Remplacer un pilote blessé dans un team, cela fait partie des plans pour 2025 »
Les guidons qui étaient susceptibles de t’intéresser sont pris. C’est quoi la suite ? Attendre le début de saison prochaine et attendre qu’un pilote se blesse pour faire office de remplaçant ?
Benoît Paturel : « Exactement, ça fait partie des plans. Après, je reste ouvert à d’autres propositions sur d’autres continents, dans d’autres pays. Je ne suis pas fermé au seul projet MXGP, mais mon but, c’est encore d’évoluer au niveau mondial; c’est une certitude. Si un bon guidon se libère, je serai le premier à sauter dessus. »
Au fil de nos discussions, tu me faisais souvent savoir que c’était le MXGP qui t’intéressait. Finalement, faire un bon programme en Allemagne, en Italie, en Grande Bretagne, histoire de rouler, d’être présent et de préparer la suite; c’est mieux que de ne rien faire en 2025, non ?
Benoît Paturel : « C’est clair. Il faudra voir les portes qui s’ouvriront à moi pour le futur, vu que ça vient d’être annoncé grâce à toi, Andy, et dans la presse … Pour l’instant je reste ouvert à toutes les propositions, elles sont toutes bonnes à envisager, et bonnes à prendre. On verra ce qui viendra à moi. Après, l’objectif principal, comme je l’ai très souvent dit, c’est le haut niveau. C’est ce qui m’intéresse. Mais en soi, du National, ça pourrait être une bonne solution provisoire. A voir ! »
Imagine que je suis team manager. Il faut que je te propose quoi pour que tu signes chez moi l’an prochain ? C’est quoi le package qu’il faut amener pour signer Benoit Paturel ?
Benoît Paturel : « C’est simple. Il faut juste des conditions qui soient bonnes au niveau du matériel, du staff, etc. Côté financier, il faut qu’on s’y retrouve, et que le projet soit intéressant. En fait, c’est surtout l’équipe derrière toi qui compte, et aussi le package moto, team, salaire. Comme je l’ai dit, je ne suis fermé à rien et il faut simplement discuter des conditions.
Aujourd’hui par exemple, toutes les motos sont bonnes, il n’y a pas une mauvaise moto. Maintenant, c’est tout ce qu’il y a autour qui va compter: le budget pièces, les entretiens, le suivi, les mécanos, c’est ça qui fait la différence à ce niveau. C’est aussi pour ça que les teams factory ont un gros avantage sur les teams privés, ils ont tellement de moyens que sur ces points là, c’est dur de rivaliser. C’est même impossible.
Un projet, un staff qui tient la route, voilà ce qu’on demande. »
Un mot sur la dernière interview de David Luongo ?
Benoît Paturel : « De ce que j’ai lu, et dans les grandes lignes, ils n’étaient pas prêts à changer quoi que ce soit. Mon opinion, c’est que je pense que s’ils ne changent pas certaines choses à l’avenir, ça va être vraiment inquiétant. D’ailleurs, ça l’est déjà. Quand tu vois le nombre de teams qui ont fermé, que ce soit Standing, F&H … Surtout, je ne pense pas que ce soit un problème financier de leur côté.
Donc je pense qu’il y a beaucoup de choses à changer, surtout pour les teams privés et les pilotes privés. Mais après, de toute façon, ce n’est pas Benoît Paturel qui va faire changer les choses. Tant que ça continue comme ça … Si les gens concernés, qui pèsent dans la balance, veulent changer des choses, il faut qu’ils se réunissent et qu’ils tapent du poing sur la table. Mais ce n’est pas moi qui vais faire changer les choses. »
Si demain, un team veut te contacter pour te faire une proposition, ça se passe comment ?
Benoît Paturel : « Il faut me contacter directement, via mes réseaux sociaux. Instagram, ou Facebook. »
Pourquoi avoir décidé de ne pas avoir d’agent pour s’occuper de tout ça ?
Benoît Paturel : « Elle est coupe-gorge, cette question [rires]. Parce que par le passé, on va dire que je n’ai pas eu de bonnes expériences. Mais bon, le passé, c’est le passé. J’ai eu la carrière que j’ai eue. Sans ces expériences, ça aurait peut-être été différent. Aujourd’hui, ça fait 10 ans que je fais les GP, j’ai quand même su résister 10 ans. Je me suis toujours battu, donc je suis quand même fier. Et j’espère que je pourrai continuer au plus haut niveau, finir de la meilleure des manières ma carrière en motocross. »