Lors du Supercross de Lille, notre collaborateur Matthias Van Eeckhoven a eu l‘occasion de rencontrer longuement Christophe Pourcel. Celui-ci a répondu sans détour à toutes les questions que Matthias lui a posées.
J’imagine que tu es heureux d’être ici pour ce qui constitue un des plus gros événements de l’année motocycliste en France…
Christophe Pourcel: « Bien sûr! On se sent bien ici. Le nouveau stade est splendide. C’est différent de Bercy car ici, nous n’avons pas de tunnel et cela ressemble plus à un vrai supercross. Le tracé est génial… »
Les attentes du public français étaient énormes en ce qui te concerne et ces attentes n’ont pas été déçues suite à ton excellent résultat dans la première finale du week-end. C’est bien ton avis?
Christophe Pourcel: « Oui, c’est vrai. La dernière fois que j’ai participé à un supercross je suis lourdement tombé et je me suis éclaté la rate. Cette blessure m’a coûté un an car la douleur resurgissait sans arrêt. Et aujourd’hui, je suis de retour, exactement deux ans après mon accident, et je termine deuxième d’une finale. Du coup, les gens s’attendent à ce que je puisse me battre pour la victoire. Figurer dans le top cinq, c’est en fait ce que je peux espérer. C’est en tout cas ce que mes chronos et ma vitesse laissent supposer. Ceci dit, il faut également tenir compte d’un mauvais départ éventuel ou de pièges sur le circuit. C’est ce qui explique que j’ai roulé à ma main. Je découvrais également une nouvelle moto et j’ai accumulé pas mal d’expérience que je pourrai réutiliser par la suite. »
Est-ce que tu ressens de la pression lors de ce genre de manifestation? En effet, c’est une des rares occasions qui t’est offerte de pouvoir rouler devant ton public…
Christophe Pourcel: « Non, je ne ressens pas trop de pression car il ne s’agit pas d’un championnat officiel. Ceci dit, je veux toujours donner le meilleur de moi-même devant mes supporters. Il faut aussi tenir compte du fait que j’ai très bien roulé un des deux jours. J’ai terminé deuxième dans une des finales, ce qu’aucun pilote français n‘a réalisé ce week-end. Si tu mets cela en perspective avec ma grave blessure encourue à Bercy voici deux ans, tu peux considérer que j’ai réussi mon week-end lillois. Les gens ne peuvent pas espérer plus que ce je peux donner. Il faut me laisser le temps de revenir au top. »
Le week-end dernier, tu étais à Milan lors de la présentation du film sur Antonio Cairoli, ‘TC222 The Movie’?
Christophe Pourcel: « Non, malheureusement pas. Je sais que j’apparais dans le film et Antonio m’avait invité mais je devais rouler le jour de la présentation du film. Il m’a toutefois promis que je serais un des premiers à recevoir le DVD. »
Au sujet d’Antonio Cairoli, cela nous intéresserait de savoir ce que tu penses de son duel avec Ryan Villopoto la saison prochaine…
Christophe Pourcel: « Je pense qu’il faut deux saisons avant d’espérer pouvoir être champion du monde. Il faut une saison pour apprendre à connaître les circuits et acquérir suffisamment d’expérience. C’est en tout cas ce que j’ai ressenti en 2012 lorsque j’étais engagé en MXGP. »
‘Je veux continuer la compétition’
Le motocross t’intéresse-t-il encore vraiment?
Christophe Pourcel: « Evidemment sinon j’arrêterais tout simplement d’en faire. Durer le plus longtemps possible ne m’intéresse pas. J’ai suffisamment gagné d’argent dans le passé. Contrairement à ce qu’on dit, après le gain de quelques titres tu peux te retirer quand tu veux. »
Comme on peut le lire, ‘Superman » est très direct dans ses réponses et il ajoute qu’il continue à rouler volontiers à moto. Il m’intéresse alors de savoir pourquoi les team managers ne veulent pas engager Pourcel. En effet, quand nous pensons à Christophe, nous pensons quand même à un quelqu’un qui a battu pas mal de top pilotes qui sont encore en activité.
Alors, pourquoi as-tu du mal à trouver un team aujourd’hui?
Christophe Pourcel: « C’est une très bonne question. En effet, je ne comprends pas pourquoi on ne me veut plus. Pourtant, mes résultats ne sont pas mauvais. Beaucoup de gens continuent à parler constamment de moi. Je n’ai encore jamais eu un comportement répréhensible. Souhaitent-ils engager un pilote qui est sans cesse sur Instagram, Twitter ou Facebook? Ces managers ont peut-être peur car ils ne me connaissent pas vraiment? Je reste cependant la garçon tranquille que j’ai toujours été. Ce serait dommage car aucun des team managers avec lesquels j’ai travaillé ne dit du mal de moi. Tout ce que je sais, c’est que je voudrais que les choses changent. Je souhaiterais que les teams fassent la queue pour m’avoir mais ce n’est pas le cas. »
‘Ryan Villopoto avait peur de moi’
Ta carrière est partie un peu de travers lorsque Kawasaki a préféré signer Jake Weimer plutôt que toi. Qu’est-ce qui passé réellement?
Christophe Pourcel: « Ryan Villopoto et Mike Fischer, qui était alors team manager, ne me voulaient pas. Cela parce que Ryan ne voulait pas avoir un concurrent dans le team. Il voulait être le numéro un incontesté dans le team. Cependant, pour justifier leur choix de prendre Weimer, ils ont laissé croire que je demandais des montants ridiculement hauts pour rouler pour eux. Cela alors que je n’avais même pas reçu une offre de leur part, alors qu’on ne s’était même pas assis autour d’une table pour commencer à discuter. Hélas, mon agent et moi étions convaincus de la loyauté de Kawasaki et nous avions décliné d’office toutes les offres en provenance des autres teams. Lorsque tu as remporté un titre mondial et deux championnats Lites aux Etats-Unis, tu t’attends à recevoir au moins une petite chance, tu ne crois pas? »
Cela t’a irrité que des garçons comme Weston Peick et Wil Hahn reçoivent plus vite une chance que toi alors qu’ils n’avaient pas ton palmarès?
Christophe Pourcel: « J’aurais peut-être pu rouler sur une Yamaha l’an prochain car Keith McCarty (manager du département course de Yamaha) est un de mes bons amis mais la moto ne me plaisait pas du tout. D’un autre côté, j’avais jeté mon dévolu sur Kawa alors qu’il avaient signé un autre pilote (Wil Hahn). Cela m’a attristé car ses résultats étaient loin d’approcher les miens. Lorsque j ‘y pense, je trouve que ce n’était pas juste. Cela vient peut-être du fait que Davi et Wil avaient le même entraîneur mais bon, à la fin du championnat, il faut quand même regarder les résultats. Et je crois qu’avec une bonne moto et avec un bon team, je peux faire des résultats convenables. S’ils voulaient que je prenne un entraîneur, j’aurais également pris un entraîneur. Tout cela, je leur ai dit. »
S’il faut chiffrer en pourcentage la chance que les supporters puissent te voir à l’oeuvre à Anaheim 1, à combien ce pourcentage se chiffre-t-il?
Christophe Pourcel: « Je dirais que la chance que je ne sois pas à Anaheim est de 95% et donc la chance que je sois présent est très faible. Ce n’est pas ma décision évidemment et je ne manquerai pas de contacter les différents teams pour voir s’ils n’ont pas un guidon pour moi.’’
‘La Yamaha ne me convient pas’
Lorsque tu repenses à la saison dernière en outdoor, quels sont tes sentiments?
Christophe Pourcel: ‘’ Malheureusement, je n’ai pas réalisé les résultats escomptés. J’espérais terminer dans le top trois, ce qui aurait normalement dû être ma place mais je n‘y suis pas arrivé. Sur les circuits les plus difficiles, je ne me sentais pas très à l’aise sur la moto. Probablement parce que je n’étais pas habitué à la Yamaha. Mon style ne correspond pas du tout à celui des pilotes qui réalisent des bons résultats avec la Yamaha. C’est ainsi que Jeremy Martin et Cooper Webb roulent de façon nettement plus agressive. Il faut également dire que les Yamaha disposent, comme chacun a pu le constater, d’une grosse puissance disponible. Par conséquent, on peut pas dire que mes résultats moyens n’étaient pas dus à la moto mais au fait que je n’ai pas su l’utiliser. »
Est-ce que tu penses parfois à raccrocher ton équipement?
Christophe Pourcel: « C’est une question dangereuse (soupir). Cela dépend beaucoup de quoi sera fait l’avenir en ce qui concerne l’envie des teams de m’avoir chez eux et du soutien des sponsors. En tant que pilote, lorsque tu as ce que tu veux, tu roules avec plaisir et tu ne t’arrêtes évidemment pas .Si tu t’engages avec un team dont la moto n’est pas bonne et où le plaisir de rouler n’existe plus, tu commences à réfléchir. En ce qui me concerne, j’ai toujours autant de plaisir à rouler et ma vitesse est toujours suffisante que pour pouvoir rivaliser avec les top pilotes des catégories 250 et 450. J’ai remporté des Grands Prix, des épreuves outdoor et des Supercross. Malheureusement, si les teams ne veulent pas de moi, je ne peux pas rouler. C’est évident que je ne vais pas prendre des risques inhérents à ce sport pour 0 €. Ce n’est pas trop demander que de solliciter un salaire décent et des bonnes primes de victoire. Tout cela correspond à de bons résultats et aux risques pris. C’est tout ce que je veux car pour le reste, j’ai toujours beaucoup de plaisir à rouler. J’ai encore envie de rouler quelques années mais si toutes les conditions évoquées plus haut ne sont pas rencontrées, je préfère ne pas m’engager. Quand j’y pense, cette saison avec Yamaha représente sans doute une perte de temps. Ma moto ne me convenait pas et j’étais beaucoup en dessous de ce que je pouvais faire et de ce qu’étaient mes attentes. »
Tu as roulé un peu sur Yamaha, un peu sur KTM mais surtout sur Kawasaki. Dirais-tu que la Kawa est pour toi la moto idéale?
Christophe Pourcel: « J’ai l’impression que le châssis de la Kawasaki a été conçu expressément pour mon style de pilotage. La vitesse que je parviens à atteindre, j’essaye de la reproduire sur l’ensemble d’un circuit et pour cela, la Kawasaki est vraiment très bonne. On m’a dit que la Suzuki avait les même propriétés que la Kawasaki. La Honda serait également une moto géniale de ce point de vue mais je n’ai jamais roulé sur les derniers modèles. »
Quel avenir pour Christophe?
Nous avons évoqué avec Christophe cette terrible chute encourue lors du GP d’Irlande du Nord, à Moneyglass Demesne, en 2007 alors qu’il était champion du monde MX2 en titre, chute qui l’avait laissé pratiquement paraplégique, les médecins ne lui laissant que 30% de chances de pouvoir encore marcher par ses propres moyens. Ses sensations étaient revenues et le 14 mai 2008, Christophe remontait sur sa moto. Après, comme le veut la légende, s’être fait vider la vessie avec un tuyau spécial car sauter en course et soigner une vessie endommagée ne vont pas de pair. La question est de comprendre pourquoi quelqu’un qui a déjà remporté un titre de champion du monde est prêt à encore prendre autant de risques…
Christophe Pourcel: (silence) « C’est évident que tout de suite après ton accident, tu ne veux plus rouler. Ensuite, tu réfléchis et tu te dis par exemple que tu as un style de pilotage qui te permet de prendre moins de risques. C’est ainsi que j’ai dit à mon père que nous allions retourner rouler et que nous verrions ce qui allait se passer. Cela s’est bien déroulé; je n’ai pas eu peur et on a pensé que nous pourrions renouer avec la compétition. Honnêtement, j’étais étonné de n’avoir pas peur. Ma chute était intervenue après un saut et je pensais que je n’oserais plus jamais sauter un obstacle. Or, en course, cette peur n’est pas apparue; j’ai uniquement pensé à la compétition. C’est la raison principale pour laquelle je roule. Je fais énormément attention au fait que le souvenir de ma chute ne m’influence pas lors d’une course. »
Dernière question: penses-tu que tu pourras encore rouler contre des garçons comme Eli Tomac, Justin Barcia et d’autres top pilotes du championnat AMA?
Christophe Pourcel: « Sur une bonne moto, je pense que nous sommes tous à égalité. Cependant, pour un championnat qui comporte dix-sept épreuves, il faut être à son top niveau lors de chaque épreuve. Justin Barcia , Eli Tomac et les autres m’ont battu par le passé mais je les ai également battus à plusieurs reprises. Franchement, je ne vois pas ce qui a changé. »